Metallica sera en spectacle au stade olympique les 11 et 13 août prochains avec Pantera et Five Finger Death Punch en première partie. Malgré le prix obscène des billets (140 $ dans le pit en haut), c’est en quelque sorte un pèlerinage pour les fans de rock du Québec. Même si on n’y va pas, il s’agit d’une opportunité de se replonger dans l’univers sonore du quatuor californien et d’y baigner, le temps d’un weekend.
Rendons à César ce qui appartient à César, Metallica n’a pas volé son enviable héritage dans l’histoire du rock. Oui, leur réputation repose beaucoup sur la force de leurs quatre premiers albums, mais les gars jouent encore des chansons de neuf enregistrements en spectacle. On a beau chialer autant comme on veut contre l’album noir, j’ai jamais entendu personne se plaindre pendant Enter Sandman, Sad But True ou Wherever I May Roam.
Ceci dit, Metallica a une drôle de relation avec le succès.
Après l’échec critique qu’a été l’époque Load et Reload, James, Kirk, Lars et éventuellement Robert se sont retrouvés dans une sorte d’impasse créative dont ils ne sont (à mon avis) jamais vraiment sortis. La nouvelle direction dans laquelle ils ont essayé d’évoluer a été rejetée par les fans, alors ils se sont mis à tourner en rond et à tenter de refaire la musique complexe, fâchée et inspirée de leurs jeunes années.
Alors que tout le monde s’apprête à leur lancer des fleurs pour les trois prochaines semaines, revisitons ensemble les décisions artistiques les plus gênantes de la carrière de Metallica, parce que 1) c’est drôle, et 2) si leur cul-de-sac créatif du XXIe siècle prouve quelque chose, c’est que tout le monde a le droit d’échouer et que si on assume ce qu’on fait, les gens qui nous aiment ne nous en tiendront pas rigueur.
8) Cet épisode bootleg extra malaisant de Carpool Karaoke
Au-delà d’être des artistes accomplis et des icônes du rock, les membres de Metallica sont d’abord et avant tout des hommes d’affaires. Ils savent reconnaître une opportunité en or lorsqu’ils en voient une… même lorsqu’il n’y en a pas, comme lors de cet épisode de Carpool Karaoke que, visiblement, aucun des membres du groupe n’avait envie de faire.
Avez-vous déjà voulu voir James Hetfield chanter Diamonds de Rihanna? Ouais, nous non plus. Et lui non plus, d’ailleurs.
Habilement tourné à la blague à l’aide d’allusions à la dad energy par leurs fans, l’épisode et toutes ses autres reliques gênantes ont été vite balayés sous le tapis. Ce projet s’inscrit dans une longue liste de tentatives de Metallica de participer aux « choses qui sont cool dans le moment », mais maintenant qu’on sait que James Corden est une mauvaise personne, plus personne n’a envie de voir des vieux rockeurs chanter de la pop en auto.
7) Leur collaboration avec Ja Rule
Celle-ci n’est pas plus haute sur la liste parce que Metallica a presque réussi à l’effacer des livres d’histoire. La vidéo ici compte 667 000 visionnements en 14 ans contre 9,1 millions de visionnements en 5 ans pour le Carpool Karaoke. En 2002, rien n’était plus cool qu’une collaboration avec Ja Rule, sauf peut-être la fusion du rap et du métal. Limp Bizkit était, après tout, le groupe le plus populaire à cette époque.
Vingt-ans et un Fyre Festival plus tard, ce n’est plus cool du tout de s’associer à Ja Rule. Lorsqu’ils collaborent avec un autre artiste (comme on le verra plus haut sur cette liste), Metallica a la mauvaise habitude de leur fournir des riffs de guitare mous et quelques « yeah » bien sentis de James sans vraiment trop y penser. C’est Kirk qui disait dans Some Kind of Monster que de changer leur style pour s’adapter à l’époque revenait à abandonner un peu de l’ADN de Metallica.
Ils auraient dû l’écouter, pour St. Anger comme pour la collaboration avec Ja Rule.
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6) S’être fait couper les cheveux
C’est peut-être leur erreur la plus raisonnable. Elle est d’ailleurs largement acceptée maintenant que James a la tête blanche et que Lars fait tranquillement la paix avec la calvitie qui le guette. Sauf que la symbolique de la chose avait fait hurler leur audience en 1995. Pour un rockeur, se faire couper les cheveux, c’est l’équivalent de Samson qui se fait amputer de ses forces dans la Bible.
Encore une fois, les gars ne souhaitaient que moderniser leur image et avoir un peu plus l’air des rockeurs alternatifs qui dominaient les palmarès à l’époque, en 1996. C’est presqu’adorable quand on y repense, parce que tous étaient inspirés par Metallica. L’insécurité, c’est une chose qui peut vous arriver même si vous êtes archimultimegamillionnaires.
On va se le dire aussi : les boys faisaient un peu dur avec leur relooking pseudo-gothique.
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5) Avoir antagonisé Dave Mustaine
Ma hot take de la liste. Ça fait 40 ans que James et Lars ont congédié Dave Mustaine parce qu’il était alcoolique et belligérant, créant ainsi une rivalité aussi acerbe qu’inutile. Alors que Metallica essayait de s’éloigner du métal pour adopter un style plus rock, le père Mustaine, lui, s’est réinventé avec Megadeth, un groupe avec lequel il a toujours prôné l’intégrité musicale. Encore aujourd’hui, Megadeth fait à peu près le même genre de musique qu’en 1985.
Si Metallica se fait toujours constamment reprocher de ne pas être capable de réécrire des albums de l’intensité de Master of Puppets et Ride the Lightning, je crois sincèrement que c’est dû au fait que Dave Mustaine ait dédié sa vie à prouver qu’il était possible de ne pas ramollir en vieillissant. Il aura réussi à forcer une comparaison entre les deux groupes. Il n’a d’ailleurs jamais caché avoir fondé Megadeth dans l’espoir de supplanter Metallica et se venger de James et Lars.
L’histoire aurait pu être très différente si les gars s’étaient parlé comme des adultes pendant trois minutes, mais la musique aurait peut-être été moins bonne.
4) Some Kind of Monster (l’ensemble de l’œuvre)
Y a-t-il pire chose à faire lorsque tu traverses une mauvaise passe que de filmer le tout et charger 12,50 $ à quiconque souhaitant assister aux instants les plus gênants de vos dernières années? Il y a tellement de moments cringe dans ce documentaire, mais la scène où James hurle « J’VEUX JUSTE ÊTRE COMME TOUT LE MONDE » avant de quitter sa job au milieu de la journée sur son chopper à 200 000 balles est, sans l’ombre d’un doute, ma préférée.
Sinon, on a aussi droit à Lars avec sa coupe de cheveux d’Eminem qui parle de sa collection de tableaux de Basquiat lorsqu’il n’est pas occupé à invalider les émotions de James ou de Dave Mustaine, le thérapeute qui vient à s’estimer lui-même membre du groupe ou encore le fameux monologue de Kirk que tout le monde aurait dû écouter sur l’absence de solos de guitar sur l’album. C’est correct d’être vulnérable et de vivre sa détresse, mais pas obligé de la filmer pour la revendre.
3) Cette reprise de When Doves Cry
Ouf. Non seulement c’est difficile sur les tympans, mais c’est Metallica même qui a fièrement mis cette reprise en ligne il y a quatre ans. Ne vous méprenez pas, j’adore la chanson de Prince, mais sans les percussions électroniques, sans les claviers et avec la voix… disons un peu rocailleuse de Rob, When Doves Cry n’a pas le même charme. En fait, elle n’a même plus de charme du tout.
Imaginez payer 200 $ pour un billet de Metallica en vous attendant peut-être à de vieux succès comme Creeping Death ou Battery et qu’à la place, vous ayez droit à quatre minutes de Kirk et Rob qui jamment comme deux ados dans leur garage. C’est une chose de faire ce genre de truc en spectacle. Ça arrive, surtout que le groupe était à Minneapolis, la ville de Prince.
Mais mettre ça en ligne pour la postérité, c’est déconnecté à fond.
2) Collaborer avec Lou Reed
Le critique Chuck Klosterman avait parfaitement résumé cet album : « C’est ce qui se passe lorsque des musiciens adultes suivent leur vision créative sans aucune pression commerciale et décident de faire quelque chose de complètement différent de tout ce qui existe juste pour voir ce qui va se passer ». Ce quelque chose de différent, c’est 87 FUCKING MINUTES d’amalgame inconfortable de rock et de poésie basé sur l’œuvre d’un dramaturge allemand des années 20 dont tout le monde se câlisse.
Pourquoi donc Metallica a décidé de faire LuLu? Aucune idée, mais ils en parlent encore très fièrement aujourd’hui. Je dois avouer que ce n’est que leur deuxième pire album. C’est maladroit et malheureux, mais ils ont quand même une idée précise de ce qu’ils veulent faire. Dans un monde parallèle, cet album a été enregistré par un artiste contemporain obscure et les 54 personnes qui l’ont écouté trouvent que c’est du génie.
1) Le choix de tonalité de caisse claire sur St. Anger
C’est probablement la chose qu’on a le plus reproché à Metallica dans sa carrière. Aussi bouetteuses et indécises qu’aient été les chansons sur St. Anger, la conversation revient toujours à la maudite caisse claire de Lars qui sonne comme s’il frappait sur une poubelle en aluminium. Il est encore très content de ce choix, d’ailleurs. Il trouve ça rock’n’roll de sonner comme s’il n’avait pas d’argent pour avoir de l’équipement qui fonctionne.
Sans ce choix artistique aussi flamboyant que désagréable, St. Anger aurait probablement été apprécié pour ce qu’il est : un album écrit par un alcoolique en crise qui n’aurait jamais dû se retrouver en studio à cette époque de sa vie. Mais à cause de Lars (c’est souvent à cause de lui), les fans ont pris cette œuvre comme une attaque personnelle. Comme si le groupe avait enregistré cette grosse mélasse juste pour les faire chier.