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Ça fait une semaine que les Américains ont le droit de revenir au Canada par voie terrestre ou par avion sans quarantaine. Une réouverture à sens unique, puisque nous ne pouvons toujours pas traverser la frontière pour aller mal manger ou aller ne pas se baigner dans la mer au Maine parce que l’eau est trop frette.
Tout ça pour dire qu’on a voulu savoir si l’impact «merica» se faisait sentir chez nous. Je me suis donc lancé à la chasse aux ricains dans le Vieux-Port de Montréal, haut lieu touristique par excellence.
Même si trouver des Américains, c’est un peu comme chercher une personne vaccinée au sud des États-Unis (99,9% des anglophones croisés sont Ontariens), j’ai finalement réussi à dénicher quelques spécimens.
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Il fait beau et il y a du monde devant la Basilique Notre-Dame, pendant qu’une femme costumée danse le Flamenco. Plusieurs badauds assistent à son numéro.
Je me faufile donc à travers les grappes de gens.
Ma stratégie: interpeller tous ceux qui ne parlent pas dans la langue de Luc De Larochellière. « Un–tar—rio », répondent les mille premières personnes approchées, avec un ton de « qu’est-ce tu veux toé?! ».
La persévérance, c’est payant, puisque je tombe enfin sur Tom et sa famille, débarqués il y a deux jours en voiture de Boston, Massachusetts. « C’est notre première visite. On va rester une semaine, dont la moitié à Québec et l’autre à Montréal », raconte Tom, satisfait de sa virée jusqu’ici. « L’architecture, les rues pavées, la propreté : Boston est un bordel en comparaison », louange-t-il, alléguant que les travaux de construction sont bien pires chez eux.
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Grand amateur de baseball (il porte évidemment une casquette des Red Sox) Tom me parle alors avec émotion de nos regrettés Expos, name droppant quelques joueurs étoiles qui sortaient la balle du stade à la toiture bipolaire dans les années 90.
Ce long détour pour mentionner que ça faisait longtemps que je n’avais pas entendu les mots « Delino DeShields».
À la boutique de souvenirs Bastix, rue Notre-Dame, je vais voir mon buddy Alok, qui m’avait raconté l’an passé à quel point sa saison touristique était merdique.
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Alok est toujours fidèle au poste, et hélas encore bien seul dans son magasin. « C’est un peu mieux que l’an passé, mais j’ai pas trop vu de touristes américains encore », indique Alok, cousin du proprio et unique employé permanent pour l’instant. « On engage des employés pour deux-trois jours seulement. En temps normal, on serait cinq ou six sur le plancher à ce temps-ci de l’année », soupire le commerçant.
Pour maximiser mes chances de traquer le touriste américain, je me dirige ensuite du côté de la grande roue, où des gens font la file pour s’immortaliser devant le gros «J’aime Montréal».
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Je mets mon «USAdar» à on et repère finalement Elaine et Bill d’Indianapolis. « On est dans un road trip de six semaines et Montréal est notre troisième escale. Une ville magnifique pour l’architecture, le port et le multiculturalisme », décrit le sympathique Bill.
Le couple me décrit ensuite les étapes à suivre pour entrer au pays. En gros, c’est compliqué en esti: il faut s’enregistrer sur un site, y inclure la preuve qu’on a reçu deux doses de vaccins et celle d’un test négatif moins de 72 heures avant le départ, en plus de fournir les coordonnées des destinations prévues.
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Mais une fois cette paperasse réglée, le reste s’avère heureusement un jeu d’enfant. « Ça nous a pris cinq-dix minutes à la frontière. D’autres (touristes) vont sûrement commencer à débarquer prochainement, le temps de s’enregistrer », croit Elaine, néanmoins pessimiste pour la suite des choses. « La COVID n’est pas encore finie. J’ai lu dans le Wall Street Journal ce matin que le variant Delta fait déjà des dégâts à l’économie.
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À la place Jacques-Cartier, le caricaturiste Ferg installe son atelier extérieur en début d’après-midi. Il ne se presse pas trop. À quoi bon, les affaires tournent au ralenti. « Les artistes ne viennent pas quand il n’y a pas d’argent à faire. Les fins de semaine, ça va mieux, mais c’est presque toujours des Québécois », observe le caricaturiste, qui exerce son métier depuis 40 ans.
Il ne cache pas être nostalgique des belles années. « Il y a tout juste deux ans encore, j’avais des files ici et il y avait une marée de gens qui descendaient sur la place. Présentement, ça me rappelle la Ville de Québec au début des années 60, avant l’expo », se remémore l’artiste, qui doit comprendre la comparaison.
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Et des touristes américains, en as-tu vu Ferg?
– Pas à ma connaissance.
J’apostrophe ensuite un couple sur un banc de la rue Saint-Paul. Mon profilage fait patate, ils sont Montréalais et francophones. Le duo m’oriente toutefois vers un comptoir où l’on sert des queues de castor, où il pense avoir entendu l’accent de Brendan Fraser. Beau piège à touristes indeed.
Joie, je tombe sur Christina et Jim, également d’Indianapolis (décidément). Le couple est venu en avion pour une saucette de quatre jours chez leurs amis compatriotes expatriés à Montréal depuis trois ans. « On est un peu jaloux de leur vie ici et de leur pâtisserie! », lance Christina, avant de prouver son point en mordant à pleines dents dans la queue de castor.
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De l’autre côté de la rue, David, le gérant du bistrot La Sauvagine, termine l’aménagement de sa terrasse à quelques minutes de l’ouverture. Non seulement il a remarqué le retour des Américains, mais il s’en réjouit aussi fortement. « Ce sont de bons clients. Ils sont polis, ont beaucoup de respect pour la ville et c’est une bonne nouvelle pour les restos, mais aussi les hôtels », croit David, qui dit être en mesure de reconnaître des Américains presque au premier coup d’œil. « Juste à leur façon de se comporter à table. Ils ne demandent pas de verre d’eau, prennent directement un cocktail et commandent leur repas sans même demander à voir le menu », souligne David.
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De retour à la place Jacques-Cartier, où deux cadets papotent à l’ombre d’un arbre. Je leur demande s’ils ont remarqué plus d’achalandage depuis la réouverture de la frontière. L’un d’eux admet recommencer à voir des plaques d’immatriculation américaines dans les stationnements. Bon flash. Je commence dès lors à scruter toutes les voitures croisées comme un maniaque.
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Avant de partir, mon flair légendaire s’attarde sur deux jeunes femmes en train de se prendre en selfie en mettant de l’avant (ou de l’arrière) le fameux côté européen de la métropole.
Je les harangue avec mon lovely frenchie accent. Bingo, les deux touristes sont américaines. L’une habite à Toronto, mais l’autre est venue la rejoindre de Philadelphie. « Ça fait deux jours qu’on est à Montréal. Hier on a visité l’avenue Mont-Royal, la rue Sainte-Catherine et le boulevard Saint-Laurent », résume Samantha, une blogueuse voyage qui prévoit passer deux semaines au Québec avec son amie Alyshia. « On s’est connues il y a deux ans au Vietnam et c’est la première fois qu’on se revoit », explique cette dernière.
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On se quitte sur une blague de poutine, puis je repars vers chez moi, avec le sentiment du devoir accompli.
Morale de cette histoire: les Américains sont revenus parmi nous, discrètement, encore dilués parmi les hordes d’Ontariens qui n’ont pas encore découvert la Gaspésie ou les Îles-de-la-Madeleine. Bienvenue / Welcome.