Les vendanges 2017 sont terminées. De la côte Est à la côte Ouest, les raisins sont rentrés, les vins ont fermenté ou fermentent encore, tout le monde respire un peu mieux. Un mois en Californie et quelques semaines à aider aux vinifications au Québec ont inspiré ce nouveau guide. Celui des causes à effets.
Dans le monde du winemaking, une chose est sûre, c’est que chaque vigneron a sa personnalité et ses idéaux — d’ailleurs tout le monde se contredit sans cesse — et c’est ce qui mène à ce qu’on appelle de façon très intellectuelle : les choix stylistiques. Les choix faits par les vignerons, qui prennent les vins par la main pour les amener à une version finale projetée. Désirée.
Le temps est donc venu de s’investir en profondeur. D’aller plus loin dans le langage. D’arrêter d’avoir peur des mots. Les mots sont inoffensifs. Les mots traduisent ce qui se passe dans la bouteille. Les mots sont le vecteur de l’intuition des vignerons.
Ce nouveau guide explore d’autres mots du vin. Des mots plus geeks. Pour ceux qui ont envie d’aller plus loin. Respectons les limites de chacun.
Fermentation : ça sonne facile, mais c’est un procédé complexe. La recette est simple : sucre + levures = alcool et CO2. Les levures, qu’elles soient ajoutées ou indigènes, mangent le sucre, et s’ensuit la production d’éthanol et de gaz carbonique qui se dissipera. Ou qui sera redistribué dans la bouteille, dans le cas d’un vin pétillant.
Élevage (contenant VS temps) : élever un vin, c’est comme élever un enfant. C’est le récipient dans lequel le vin va passer une partie de sa vie avant de partir de la maison. En bois, en béton, en inox, en argile, en fibre de verre, y’a beaucoup de choix. Ce choix a un impact direct sur la personnalité du vin fini. Le mot élevage réfère tout simplement au contenant utilisé et au temps que le vin a passé dans ce contenant, comme dans l’exemple qui suit.
Personne Curieuse : « Quel est l’élevage sur ce vin, Vigneron? »
Vigneron : « Un an sur lies en cuve inox » ou encore « 7 mois en vieilles barriques » ou encore « 6 mois en cuve de fibre de verre suivi de deux ans dans une cuve béton plus 6 mois en demi-muids de chêne hongrois et un an de bouteille ».
Ce n’est pas tout le temps simple. L’élevage est un art, plutôt qu’une science.
Soufre/sulfites : un autre beau débat qui divise le monde du vin autant que la minéralité. Voici des faits non discutables : vous avez tous déjà vu la mention « contient des sulfites » sur une bouteille de vin. Le dioxyde de soufre, ou SO2, est en effet un sous-produit de la fermentation et sera donc présent à faibles doses dans n’importe quel vin produit au monde. De plus, l’adjonction de soufre est aussi un outil précieux pour les vignerons lors de la vinification; le soufre agit à titre d’antioxydant et d’antibactérien, protège le vin, le stabilise. Il aidera aussi à faciliter le voyage lors de l’exportation, même si le vigneron utilise des doses homéopathiques.
On peut tous arrêter de capoter avec le soufre un peu.
LÀ où la chicane pogne, c’est dans les quantités utilisées. Certains producteurs (de vin de dépanneur jusqu’aux grands crus bourguignons) utilisent des quantités astronomiques de soufre, dans le but de vacciner leur vin pour sa vie future. De l’autre côté du spectre, des producteurs plus « natures », s’efforcent de faire des vins avec des doses moindres, ou pas du tout, afin de laisser s’exprimer le vin de façon la plus naturelle possible. Qui a raison, qui a tort? Ne faisons pas dans le dogme, la solution est dans l’équilibre. Certains vins sans soufre ou sulfites sont extrêmement vibrants et certains qui en contiennent le sont aussi. Savoir d’où vient le vin et qui l’a fait, faire confiance aux vignerons pour prendre les meilleures décisions possible concernant leurs vins, s’intéresser à la viticulture propre et aux producteurs intègres, c’est important. On peut tous arrêter de capoter avec le soufre un peu.
Bouchonné/TCA : j’ai donné le plus gros high five du monde à mon jeune assistant lorsqu’il m’a dit avec assurance que TCA voulait dire trichloroanisoles. Un high five qui a stoppé le temps et qui a retourné la tête des 43 personnes qui mangeaient dans la salle du restaurant. Mais qu’est-ce que le fameux « goût de bouchon »? Faut-il des supers pouvoirs pour le reconnaître? Est-ce compréhensible pour un humain normal amateur de vin? La réponse est oui. Si ta bouteille est sur mute, qu’elle sent le carton mouillé avec un chien mouillé couché sur le carton, qu’elle n’exprime aucun arôme plaisant de fruits, de fleurs, ou de bonheur; ou encore que ça sent comme la fois que ta grand-mère a ouvert la porte du grenier en 1992 et que la dernière personne qui l’avait ouvert avant elle c’était SA grand-mère? Y’a de bonnes chances que tu soies tombé sur une bouteille défectueuse.
Si vous avez un doute, ne prolongez pas le supplice. Vous aurez moins de vin à boire, mais voici une occasion parfaite pour finir le restant de Goldschlager dans l’armoire.
Le TCA est le composé chimique qui se lie entre les métabolites microbiaux et le chlore présent dans l’environnement. La légende veut que les TCA soient déjà en train de hang out dans L’ARBRE même avant que les bouchons soient fabriqués. Oui by the way, le liège vient d’un arbre à l’écorce magique qui possède plusieurs couches qui se renouvellent. Les TCAs donc, même à doses microscopiques, par le vecteur du bouchon, ont le potentiel diabolique de gâcher un vin. Dr. Benoit Marsan, chimiste, m’a aussi rappelé qu’il est important de stipuler que le bois travaillé peut aussi être porteur de TCA et ainsi infiltrer le chai sans même la présence de liège. C’est la deuxième source principale de gâchis. Ce phénomène affecte environ 10 % des bouteilles, et sachez que la SAQ reprendra toutes les bouteilles bouchonnées si vous les ramenez. Si vous avez un doute, ne prolongez pas le supplice. Vous aurez moins de vin à boire, mais voici une occasion parfaite pour finir le restant de Goldschlager dans l’armoire. Portez attention à ce qui se passe dans votre nez, en général.
Filtration: je crois que rendu ici, vous avez compris que le vin n’est qu’un grand champ de bataille où tout le monde choisit son camp sur un sujet donné. La filtration est en AUSSI un. Des polémiques, juste des polémiques. La filtration est un procédé oenologique qui consiste à purifier et enlever les particules en suspension dans un vin. Plusieurs type de filtration existent, de la plus gentille à la plus agressive, et auront un effet sur la clarification finale du vin. Dans le coin gauche du ring se tient la majeure partie du monde du vin qui embrasse le concept de la filtration et s’en remet à elle pour conférer de la stabilité et de la limpidité au vin. Dans le coin droit se tient l’équipe anti-filtration, peut-être un peu plus réduite en taille mais ô combien éclatante, dont l’argument principal est que la filtration dénature la personnalité véritable d’un vin, qu’elle lui enlève des éléments fondamentaux de goût, de vibrance. De grâce, n’ayez pas peur des vins parfois troubles. Ils sont tous aussi délicieux que ceux qui laisse passer la lumière, et maintenant en plus, vous pouvez flasher car vous savez pourquoi.
Grappes entières VS égrappées : un autre beau concept que les sommeliers (incluant moi-même) vont vous balancer en pleine poire en pensant que tout le monde a étudié en sommellerie. Égrapper, c’est enlever les raisins de la grappe, et fermenter seulement les baies. Fermenter en grappes entières, c’est incorporer la râfle (les petites branches qui lient les raisins) avec. À noter que ces deux processus donneront des vins drastiquement différents. Les vins en grappes entières (ou éraflés) auront une tendance vers de la légèreté, de la fraîcheur, du croquant. À l’opposé, l’égrappage augmentera le ratio peau/jus (car on s’est débarrassé de la râfle qui prend de la place), ce qui contribuera à atteindre une extraction supérieure, et mènera vers des vins à la structure plus ferme. #teamtannins
*Ceci n’est PAS une règle infaillible.
Se mettre chaud : activité sociale souvent pratiquée en groupe, parfois en solo, dont le but principal est de ne plus avoir froid, en buvant des boissons alcoolisées.