Avoir des squelettes dans son placard fait partie de l’expérience humaine.
Leur emprise varie d’une personne à l’autre, mais jusqu’à un certain point, c’est normal d’avoir des blessures qu’on refuse de confronter. Et bien souvent, ces mêmes blessures sont à la base de nos peurs et de nos anxiétés.
C’est un choix personnel de les confronter ou non, mais ça ne l’est pas pour Daniel Major (Jean-Philippe Perras), le protagoniste de Dérive, la nouvelle série produite par Crave. Ou du moins, ça cesse de l’être.
Pianiste de renommée internationale (pensez à un mélange entre Jean-Michel Blais et Philip Glass), Daniel doit soudainement mettre sa carrière sur pause après avoir subi un malaise sur scène et le retour de terreurs nocturnes débilitantes. Daniel est habité par quelque chose qui le dévore et personne d’autre que lui n’est en mesure de savoir de quoi il s’agit exactement.
Dérive est un thriller où l’enquêteur et le coupable sont potentiellement la même personne. C’est élégant, novateur et ça commence le 13 novembre.
La musique comme personnage
La première chose qui frappe au visionnement des premiers épisodes de Dérive, c’est l’ampleur qu’y prend le piano. Tant à l’écran que dans nos oreilles.
La très prenante trame sonore signée Luc Sicard (La Vie, la vie) agit comme un reflet de toute la beauté et la complexité qui habite Daniel et son instrument en vient à s’imposer comme une sorte d’adversaire ; un éléphant dans la pièce qui le confronte à ses démons refoulés qui se traduisent par son incapacité à en jouer. Chaque fois qu’il s’en approche, Daniel panique. Le piano se fraie un chemin jusque dans son sommeil.
Il y a aussi Joël (interprété par Xavier Huard), un pianiste rival qui démontre une profonde animosité à l’endroit de notre protagoniste pour des raisons qui se précisent dès les premiers épisodes.
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En toute transparence, leur dynamique n’est pas sans rappeler celle de Tom & Jerry. Ils se ratent au point où ça en devient comique, mais j’ai trouvé ce léger faux pas tonal plus charmant qu’autre chose. Mettez la chanson thème de Benny Hill sur les scènes où ils sont ensemble et on a une tout autre série. Memes Fruiter, la balle est dans ton camp.
Écrite par Julie Hivon (Nuit blanche) et filmée de manière atypique par Patrice Sauvé (Grande ourse, La petite et le vieux), Dérive met de l’avant un univers hyperprivilégié et exclusif où le succès de Daniel se reflète sur son environnement : son condo luxueux, la maison d’architecte de ses parents ou même dans la clinique avant-gardiste de sa psychologue (impériale Macha Grenon). Cette direction artistique originale et assumée permet à Dérive d’emprunter les codes de l’horreur et va parfois jusqu’à frôler la science-fiction sans toutefois quitter les balises du thriller. L’environnement de Daniel est tantôt inoffensif, tantôt insondable et on ne sait jamais sur quel pied danser.
« On a essayé de créer une élite culturelle pas snob. Daniel est quelqu’un de très doux, gentil et généreux. Ses parents l’aiment visiblement beaucoup, il est entouré de gens qui veulent son bien », racontait Patrice Sauvé pendant la table ronde médiatique.
Et c’est mission accomplie : on s’attache à ce personnage en apparence inoffensif, qui vit avec une terrifiante part d’ombre qu’il ne parvient éventuellement plus à contrôler. Par contre, ce qui se passe dans la trame secondaire est un peu moins clair. On y suit une maman en deuil de son petit sur deux temporalités différentes sans trop savoir en quoi son histoire est rattachée à celle de Daniel.
Sans être intrusive, cette trame ralentit le rythme de quelque chose qui demeure sinon très original et réussi.
L’ombre de Daniel Major
Finalement, c’est la performance béton de Jean-Philippe Perras (L’empereur) qui permet à Dérive de se tenir. La vulnérabilité et la noirceur se mêlent sur son visage, souvent au fil d’une même scène, parfois même dans un seul regard.
Sans rien vous révéler, ça devient très vite difficile de comprendre si Daniel est un bon gars ou non.
Même si ses terreurs nocturnes le réduisent à l’état de pantin, la portée de ses gestes lorsqu’il est sous leur emprise est effroyable. À travers la performance de Perras, on voit Daniel tout mettre en branle pour se protéger d’un ennemi qui vit à l’intérieur de lui.
Les premiers épisodes de Dérive sont colorés, foisonnants, et malgré quelques écarts au niveau du rythme, on ose enfin proposer quelque chose de différent. Même si les temps sont durs pour la culture québécoise, une telle proposition est à la fois rafraîchissante et nous donne l’espoir qu’un diffuseur comme Crave soit ouvert aux propositions du genre. Si vous cherchez quelque chose qui vous amène sur une autre planète qu’Antigang, on est pas mal là-dedans.

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