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Le mot du Président : Non merci pour l’Écosse et le quitte ou double référendaire
Il y a quelques jours à peine, les Écossais ont été 55% à répondre à la négative à la question : “L’Écosse devrait-elle être un pays indépendant?” Ça m’a fait réfléchir un peu au concept de référendum et aux conséquences qui accompagnent ce modèle de prise de décision collective.
La population écossaise s’est montrée plus réticente que les prédictions ne le laissaient croire à l’égard de l’option du oui. Plusieurs comparent le scénario qui s’y est produit jeudi soir passé à celui qui a eu lieu ici au Québec en 1995, lorsque le camp du oui l’a quasiment emporté avec un peu plus de 49% des voix.
Dans plusieurs journaux et médias, on parle littéralement d’une douche froide pour les supporters du projet de pays en Écosse. C’est compréhensible : pour ceux qui tiennent à cette idée, il faudra probablement attendre au moins une décennie, et probablement deux, avant de voir un nouveau référendum se préparer, et ça c’est si un jour nouveau référendum il y a.
C’est quand même incroyable quand on s’attarde au fait que quelques points de pourcentage de différence (5% et moins) peuvent altérer drastiquement le futur d’un pays. À cause de la logistique impliquée dans le fait d’organiser un référendum, la défaite d’une idée mise de l’avant par le processus référendaire cause souvent l’idée en question à subir l’effet « quitte ou double ». Tellement d’énergie se retrouve déployée en faveur ou non d’une idée débattue par référendum que le résultat obtenu devient beaucoup plus significatif que le pourcentage de gens soutenant réellement l’idée gagnante. Ce paradoxe peut s’avérer frustrant : tout en démontrant que pas très loin de la moitié des gens en Écosse croient en l’idée de l’autodétermination politique écossaise, la campagne « échouée » du Oui vient aussi en quelque sorte mettre un clou, mais pas nécessairement le final, dans le cercueil de cette idée, ou du moins pour les quelques années à venir. Les gens vont préférer parler et débattre d’autre chose, parce que de toute façon, on a déjà voté là-dessus.
Je me demande donc si le processus référendaire est le véhicule stratégique idéal pour l’épanouissement et l’accomplissement d’une idée qui est estimée par une portion significative de la population, mais à l’égard de laquelle une portion tout aussi significative des électeurs se montre frileuse. Si c’était le cas, on pourrait mettre de l’avant l’idée que tant et aussi longtemps qu’un parti politique ne serait pas profondément convaincu de la victoire écrasante d’une idée, la soumettre à un référendum dans le doute aurait tendance, plus souvent qu’autrement, à éliminer ses chances à long terme de faire avancer l’idée en question. Et la question se pose dans les deux sens : si, par exemple, les Écossais avaient dit oui à 51%, le projet de pays alors mis en branle aurait éclipsé la possibilité d’une remise en question à court ou même moyen terme du projet national écossais. On ne peut pas arrêter la machine, on vient tout juste de la partir… Quand une idée est chaudement disputée par référendum, c’est donc vraiment du quitte ou double, ce qui, justement, finit par ne pas refléter du tout le partage des opinions exprimées par la chaude lutte référendaire. Je trouve que c’est un drôle de paradoxe.
La question qui me vient par après est la suivante : si le processus fondamentalement démocratique qu’est le référendum se montre comme une avenue de type « gambling », y a-t-il une autre voie acceptable qui peut mener à l’application d’une idée qui implique des conséquences qui concernent l’ensemble de la société? Rapidement, on dirait que non. Certains partis politiques ont élaboré des stratégies de gouvernance temporaire pour se rapprocher d’un certain idéal d’autonomie et d’autogestion en l’absence d’une indépendance totale, mais en tant que tel, je ne crois pas qu’on puisse parler d’une méthode officielle reconnue pour fonctionner et démocratiquement compatible qui puisse permettre aux tenants de l’idée de nouveau pays de se passer d’un référendum.
Ainsi, pour toute personne adhérant à un projet national pour lequel le support populaire n’est pas foncièrement majoritaire, le référendum devient cette terrible épée à double tranchant : on attend des années en souhaitant sa tenue, le percevant comme la solution tant attendue, mais si le résultat s’avère décevant, le refus exprimé par la population devient monolithique peu importe son score au vote et relègue l’option de l’indépendance au dossier des affaires déjà classées.
Et même quand ce n’est pas exactement cela qui se produit, comme par exemple suite au référendum de 1980, il faut admettre que quinze années d’attente pour un autre référendum est une période assez longue pour en décourager plusieurs, ou du moins transformer l’idée du pays en simple rêve dans leur tête. De ce point de vue là, on pourrait difficilement reprocher à René Lévesque d’avoir démissionné en 1985, de même qu’il est facile de comprendre la démission soudaine de Alex Salmond suite à la défaite du Oui en Écosse. En mon humble avis, la nature quitte ou double d’un référendum serait à son comble advenant la tenue d’un nouveau référendum au Québec, un troisième Non ayant sûrement pour effet de fermer une fois pour toute le dossier sur la question nationale québécoise.
Tu veux un référendum ? Be careful what you wish for…
Crédit photo: Darren Johnson