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Il n’y a pas fort longtemps, l’Église et l’État étaient deux institutions pratiquement indissociables. Certains pays se sont débarassés de cette union concubine plus tôt que d’autres.
Les États-Unis ont techniquement abandonné ce mariage d’intérêt en 1776, tandis que certains pays, comme l’Arabie Saoudite, en sont encore de fervents supporteurs aujourd’hui. Et d’autres pays, comme le Canada, reconnaissent le principe de la séparation de l’Église et de l’État tout en ayant comme chef d’État officiel une reine dont un des nombreux titres est nul autre que ‘Defender of the Faith and Supreme Governor of the Church of England’. Bref, l’union ou la séparation de l’Église et de l’État, on peut vous la servir à pas mal n’importe quelle sauce.
Mais pourquoi vouloir que l’Église et l’État travaillent d’un commun accord ? Eh bien, mis à part le processus historique particulier qui fait en sorte qu’un pays se ramasse avec le roi et le prêtre assis sur la même chaise, il semblerait quand même y avoir une certaine logique politique à l’affaire. En effet, dans une société où le plus grand dénominateur commun du bien, du beau et du bon est une religion suivie et pratiquée par la vaste majorité du peuple, soumettre les décisions politiques à un examen de valeurs religieuses semble être un processus cohérent.
À l’inverse, pourquoi au juste vouloir empêcher l’Église et l’État de roll ensemble ? Ces deux bons vieux partenaires n’ont-ils pas déjà fait leurs preuves ensemble ? Maurice Duplessis et sa gang de rue du clergé catholique qui allait frapper aux portes directement dans l’street pour faire avancer l’agenda politique du G.O.D, c’était pas efficace ?
Justement, oui, c’était pas mal efficace. Tellement efficace, en fait, qu’on a fini par avoir des doutes sur les intentions réelles du gouvernement et du clergé. Quelqu’un, quelque part, a réalisé qu’il était peut-être possible pour l’État d’utiliser l’Église à ses propres fins (ou vice versa)… À partir de ce moment-là, la conception selon laquelle l’Église est un chien-guide moral qu’on laisse auprès du gouvernement afin de le mener dans la direction divine a perdu beaucoup de crédibilité et de popularité.
Au Québec, le résultat a entre autres été la Révolution tranquille. On a décidé de ne pas garder la religion parce qu’on avait le choix, mais on a décidé de garder le gouvernement parce qu’on avait pas le choix.
À cet instant précis dans l’histoire, deux questions importantes s’imposent.
- Considérant l’absence nouvelle de la religion auprès de l’État, qui va maintenant jouer le rôle du chien-guide qui mène le gouvernement dans la bonne direction ?
Réponse de la démocratie libérale contemporaine : le peuple.
- L’ancien chien-guide du gouvernement, c’est-à-dire le clergé, pouvait littéralement se tenir proche des gens au pouvoir afin de garder un oeil sur eux. Le peuple, lui, est moins mobile. Le nouveau chien-guide a donc besoin d’un chien de garde pour l’avertir à distance quand le gouvernement fuck le chien. Qui sera ce chien de garde ?
Réponse de la démocratie libérale contemporaine : la presse libre.
D’accord. Tant et aussi longtemps que la presse est libre de scruter les actions du gouvernement et de les critiquer sur une place publique médiatique accessible à tous, le peuple pourra s’informer et réagir en conséquence. Ça semble être un processus cohérent. Le all-seeing eye de Dieu qui voit tous les mauvais coups est remplacé par le all-seeing eye de la presse libre.
Toutefois, qu’est-ce qui arrive quand la presse et l’État commencent à se rapprocher un petit peu trop ? Selon moi, les mêmes dangers qui guettaient jadis le prêtre guettent aujourd’hui le journaliste : à force d’être trop proche du gouvernement, les aspirations religieuses/journalistiques se transforment invariablement en ambitions politiques, habilement déguisées ou non. L’outil supposé du peuple devient de cette manière son propre bourreau. La presse ou la religion deviennent des modes de contrôle plutôt que des outils d’émancipation. C’est un scénario classique qui s’est produit à d’innombrables reprises à travers l’histoire.
L’annonce de la candidature de Pierre-Karl Pédalo au sein du Parti Quoibécois pour la prochaine élection est en ce sens hautement problématique. Qu’on soit pour ou contre la souveraineté du Cul Bec et que l’on considère PKP comme une personne apte ou non à bien gouverner au nom des réels intérêts de la collectivité ne change absolument rien au fait suivant : il est incontestablement ridicule pour un homme étant l’actionnaire majoritaire du plus gros groupe médiatique de la province de prétendre que sa candidature au sein du parti politique présentement au pouvoir ne comporte pas un gargantuesque potentiel de conflit d’intérêts.
Selon PKP, il n’y a absolument aucun risque, car il nous assure de ne plus avoir de « rôles opérationnels ou décisionnels de quelque nature que ce soit en ce qui concerne Québecor et toutes ses filiales ». Et ça devrait nous convaincre que ses collègues chez Québecor vont traiter son parti et lui de la même manière qu’ils vont traiter un autre politicien et son parti ? Ça devrait nous convaincre que Québecor est encore bien placé pour être une des principales sources d’information impartiale sur l’actualité politique québécoise ? Pas vraiment, non.
Monsieur Pédalo, la seule chose qui inquiète les minces plus que les décisions qui vont se prendre chez Québecor pendant votre mandat politique, ce sont les décisions que vous allez prendre au sein du gouvernement pendant votre mandat politique. Pourquoi ? Parce qu’il semble être clair que vous comptez retourner au privé après votre incursion au public. Effectivement, afin de nous rassurer que votre éventuel retour aux commandes du privé est pas mal déjà prévu d’avance, vous nous avez aimablement fait savoir que peu importe l’avis du commissaire à l’éthique, vous ne vendrez pas vos actions.
Je demanderais aux Bas-Canadiens et aux Bas-Canadiennes de tous les horizons politiques de bien vouloir s’arrêter quelques instants afin d’analyser cette situation des plus aberrantes :
Un des hommes les plus puissants du Québec corporatif, l’actionnaire de contrôle du plus grand conglomérat médiatique de la nation, lequel participe à forger une portion très considérable de l’opinion publique, est en train de nous dire que son implication en politique n’est pas douteuse quant à l’influence ouverte ou cachée qu’il pourrait avoir sur son empire médiatique, pour la simple et bonne raison qu’il compte reprendre le contrôle actif de ses avoirs corpo-médiatiques seulement après avoir terminé son mandat politique.
Après ?
Après comme dans « profiter de mes décisions politiques une fois que je n’aurai plus à rendre de comptes quant à mes décisions politiques » ou après comme dans « les Québécois vont se rendre compte que je les ai fourrés après que j’aie remis mes pantalons » ? En d’autres mots, PKP pourrait très facilement apporter des décisions au public qui lui seraient par la suite avantageuses au privé, et Québecor pourrait très facilement « arranger » son contenu médiatique afin de favoriser le PQ pendant la carrière politique de PKP. Quelqu’un a dit collusion ?
Monsieur Pédalo est en train de nous passer un savon à la même vitesse que les bits passent dans ton câble Illico. Son entrée en politique illustre à merveille jusqu’où les effets de la convergence des médias peuvent se rendre et comment les rapprochements entre la presse et l’État peuvent ressembler à ceux qui existaient autrefois entre l’Église et l’État. Tout comme les politiciens d’antan étaient assistés d’une escouade tactique cléricale pour les aider à mouler l’opinion publique en leur faveur, Mauline Parois risque fort probablement, d’une manière ou d’une autre, de pouvoir compter sur les services médiatiques du pédalo Québécor pour l’appuyer dans ses démarches (si PKP est élu). Et ça, c’est ni de gauche, ni de droite, ni fédéraliste, ni souverainiste, c’est tout simplement de la corruption.
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