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Le monde merveilleux de Paul Houde

Olivier Niquet rend hommage à la seule personne avec qui il aimait faire du small talk.

Par
Olivier Niquet
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Mon travail fait que j’ai rencontré pas mal tout le gratin du star système québécois, incluant ceux qui étaient derrière les émissions qui ont façonné celui que je suis devenu : Rock et Belles Oreilles, 100 Limite, La fin du monde est à sept heures, Les jeunes loups, etc.

Heureusement (pour vous), je ne suis groupie de personne. Je ne passe pas mon temps à en parler. J’ai de l’admiration pour beaucoup de monde, mais je ne me liquéfierais devant aucune vedette. Si je devais perdre tous mes moyens devant une chanteuse que j’admire, un joueur de hockey qui m’impressionne ou un auteur de qui j’ai tout lu, c’est surtout parce que je les perds devant tout le monde.

Oui, même vous, monsieur que je croise au Provigo dans la rangée des biscuits.

Par contre, je m’attache à ces personnes lorsque je les vois régulièrement dans la vraie vie.

Le Paul Houde du boulot

Depuis deux ans, j’avais la chance de côtoyer Paul Houde toutes les semaines et son décès m’a beaucoup affecté. Je ne prétendrai pas que j’étais proche de lui. Je ne connaissais pas le Paul intime. Je n’ai jamais pris une bière en sa compagnie. Je mets beaucoup de temps à devenir proche de quelqu’un, et croiser Paul une fois par semaine, cinq minutes avant d’entrer en ondes et cinq minutes après en être sorti n’était pas particulièrement propice aux rapprochements. Il y a toujours plusieurs personnes (payées avec vos taxes) dans la place à ces moments et je ne suis jamais vraiment le moteur de la conversation.

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Je connaissais donc le Paul du boulot. Le Paul un peu grognon quand le soleil se laissait désirer, mais toujours sympathique. Il était la seule personne avec qui faire du small talk m’intéressait.

Quand Paul nous parlait de la pluie et du beau temps, c’était toujours passionnant.

C’était aussi une occasion pour l’écouter se remémorer une époque révolue, ou pour l’entendre imiter Gilles Proulx en chœur avec Pierre Brassard en coulisse. Ces deux légendes qui récitaient par cœur des bouts de cette vidéo, c’était du bonbon.

Je l’avais croisé à quelques reprises auparavant. Il était venu au Sportnographe. Il m’avait interviewé au 98,5 pour mes deux recueils de citations sportives. Les deux fois, il était crampé ben raide pendant l’entrevue qu’il entrecoupait de citations qu’il découvrait au fur et à mesure qu’il feuilletait le livre.

Disons qu’il y avait de quoi vous mettre à l’aise. C’était parfait.

Je l’avais aussi croisé dans les coulisses de La semaine des 4 Julie, mais je n’avais pas osé lui parler. Je portais un masque (pas parce que j’étais déguisé en animal pour un sketch, mais à cause d’une pandémie) et je m’étais dit qu’il ne se souviendrait sûrement pas de moi.

Paul, ne pas se souvenir de quelque chose! J’étais nono.

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Paul me fascinait parce qu’il était tout le contraire de moi. Dans un article précédent, j’ai écrit que pour faire des connexions, mon cerveau nécessite un accès au wifi. Je n’accumule malheureusement pas les informations inutiles comme je le voudrais. Je sais exactement où les trouver sur l’autoroute de l’information, mais, si un jour une intelligence artificielle ou Kim Jong-Un réussissaient à détruire Internet, je perdrais tous mes moyens.

Sans Internet, qui, autre que Paul Houde, pourrait nous dire avec exactitude la distance qui sépare la Terre et la Lune? Le numéro de Lyle Odelein avec les Devils? Le numéro du dernier vol du Concorde? Paul était un geek avant que les geeks n’aient d’ordinateurs.

Laisser le monde nous éblouir

Il faut dire que je suis moi-même très curieux, mais jusqu’à une certaine profondeur. Je m’intéresse à tout à divers degrés, mais jamais dans les moindres détails. Je suis assez superficiel, au fond. Je dis souvent que je suis, comme l’avait déjà dit Yvon Pedneault à propos d’un joueur de hockey, un « expert en polyvalence ». Je ne serais pas du genre à suivre les vols internationaux sur une application ou à parcourir le monde pour voir des éclipses.

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L’humanité a, de nos jours, accès à toute l’information du monde, mais n’a pas réussi à s’en servir pour améliorer son sort. Paul, lui, avait au moins réussi à utiliser ces « connaissances inutiles » (comme disait Jean-François Revel dont je n’ai jamais terminé la lecture et que j’évoque juste pour me penser bon).

Il s’en servait pour nous divertir, pour nous amuser, pour nous surprendre. C’est qu’il avait une grande capacité à s’émerveiller au sujet de records improbables, de faits inusités et de nombres impressionnants. C’est peut-être pour ça qu’il avait autant de facilité à s’en souvenir. Si quelque chose nous éblouit, on a plus de chance de s’en souvenir.

Ce serait bien utile que je sois ébloui par le code de mon cadenas pour mon casier de gym, d’ailleurs.

Je ne suis groupie de personne et je ne m’émerveille pas facilement, mais Paul réussissait à présenter les choses simples comme des exploits, et les merveilles de la science comme des choses simples.

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Surtout, il ne se prenait pas au sérieux. Il était un excellent remède au cynisme et il me manque déjà.

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