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Le catcalling devrait-il être illégal au Québec?

Se fait-on respecter mieux qu’ailleurs, quand on se promène en petite robe?

Par
Camille Dauphinais-Pelletier
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On entend souvent dire que la société québécoise est féministe, voire « matriarcale » (ça, c’est généralement dit avec un sourire narquois étampé dans’ face). Mais l’est-elle vraiment ? Comme c’est difficile de mesurer le degré de féminisme d’une société, dans le cadre de notre Spécial Nouveau Québécois, on a décidé de se pencher sur un phénomène en particulier : le harcèlement de rue.

Cet article est tiré du Spécial Nouveau Québécois du magazine URBANIA (en kiosque dès maintenant).

À l’été 2013, Judith Lussier a écrit pour URBANIA le texte « La robe que je ne porte plus », dans lequel elle expliquait comment le regard, les commentaires et les gestes des hommes croisés sur son chemin l’ont dissuadée de porter une petite robe blanche qu’elle aimait bien. « Je ne la mets plus parce que j’ai l’impression qu’un mémo est passé à l’effet qu’une robe blanc cassé sur une fille blonde donnait l’autorisation aux gars de siffler la fille, toucher la fille, la dévisager, la violer du regard (avec la langue qui sort un peu de la bouche), ou lui faire des compliments déplacés », racontait-elle.

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Je me rappelle qu’à l’époque, les commentaires et sifflements me déplaisaient, mais ils étaient loin de me faire hésiter à porter un vêtement, et encore moins propices à gâcher ma journée. Ce n’est pas que je trouvais que Judith exagérait ; plutôt que je me sentais moins affectée qu’elle par ces comportements.

Mais des centaines de personnes se reconnaissant dans ses propos ont partagé son article, suscitant en retour une pluie de commentaires reprochant à Judith de beurrer épais. « Je vois dans ces propos une misandrie insidieuse démonisant la moitié de l’humanité, celle qui ne l’attire pas sexuellement », a écrit un blogueur dans un texte en réponse au sien. Pas besoin d’être sociologue pour se rendre compte qu’il y avait quelque chose en ébullition.

Depuis, des hommes accusés de harcèlement ont perdu leur emploi ; les expressions « harcèlement de rue » et « catcall » ont été utilisées dans les grands médias et les témoignages ont déferlé sur les réseaux sociaux. La situation a-t-elle pour autant beaucoup changé ?

Difficile de répondre avec des chiffres : des milliers de tweets de dénonciation, ça confirme qu’il y a un problème, mais ça ne nous renseigne pas clairement. Peu de statistiques existent sur le sujet au Québec, et les spécialistes ne courent pas les rues. On s’est donc mis en mode enquête pour découvrir de quoi ç’a l’air sur le terrain…

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MISSION : DEVENIR JUDITH

J’ai décidé de recréer en 2018 la situation décrite par Judith il y a cinq ans : porter une robe blanche pendant une journée et observer les réactions des gens que je croiserais.

Je n’ai pas trouvé de polynectar pour lui ressembler à 100 %, mais je lui ai emprunté sa robe pour que l’expérience se déroule en milieu contrôlé (on est sérieux, chez URBANIA). Seules différences : je l’ai portée avec des collants puisque c’était l’hiver et je ne suis pas blonde pantoute. [NDLR : la création de ce numéro s’est déroulée entre décembre et février 2018.]

Je me trouvais jolie dans cette robe, et un peu agace : comme le dos était en dentelle, on voyait mon soutien-gorge. J’ai pris note mentalement de cette réflexion (pourquoi mon dos partiellement découvert ferait-il de moi une agace alors que des gars se promènent en chest dans la rue ?), puis je suis sortie.

C’est au bureau que j’ai eu le plus de commentaires. Dès que j’ai enlevé mon manteau, des collègues masculins m’ont lancé devant tout le monde : « La belle robe de poupée ! » ou encore « Ouin, madame, jolie aujourd’hui ! ». J’étais un peu gênée, mais pas très surprise : je travaille dans un milieu assez relax et on se connaît bien.

Un moment m’a quand même causé un véritable inconfort. J’étais seule dans la cafétéria pendant le chiffre de soir, et un collègue que je connais peu m’a approchée : « Tu dois pas être frileuse, avec tous ces trous dans le dos ! » Ce n’était pas mal intentionné, mais… que répondre ? J’ai ri nerveusement et j’ai changé de sujet, un peu honteuse. Après, dès que je me suis retrouvée seule dans la bâtisse, j’ai eu envie de mettre un chandail pour moins me sentir comme un appât à regards.

Un collègue que je connais peu m’a approchée : « Tu dois pas être frileuse, avec tous ces trous dans le dos ! » Ce n’était pas mal intentionné, mais… que répondre ?

Alors que le ratio hommes-femmes est pas mal 50-50 au bureau, tous les commentaires reçus provenaient de messieurs. Mais hormis le collègue à la cafétéria, les autres m’ont parlé de ma tenue avec l’attitude d’un oncle qui commente la robe de sa filleule à sa première communion. Je ne me suis pas sentie sexualisée, mais je note la tendance : quand une jeune femme entre au bureau avec un air pimpant, les hommes dans la cinquantaine ont le réflexe de commenter. Question de génération.

J’ai enchaîné avec un party d’appartement, où la crowd était principalement masculine : des gars dans la fin vingtaine (célibataires et avinés) que je connaissais à peine. Et ils n’ont passé aucun commentaire sur mon apparence. (Ils se sont par contre obstinés sur la validité d’un article qui prétend que les gars qui boivent de la IPA finissent par avoir des seins. Hypothétiques man boobs : 1, corps des filles présentes : 0.)

Après cette journée relativement pauvre en interactions malaisantes, j’ai commencé à croire l’historienne féministe française Florence Montreynaud, qui remarque qu’au Québec, les hommes et les femmes ne se sentent pas constamment obligés d’entretenir des rapports de séduction, et qui trouve même que notre province est ce qui se rapproche le plus d’un paradis féministe. En même temps, en tant que femme de 27 ans qui porte des robes depuis toujours, je sais de quoi parle Judith.

Ce qui est dur à faire comprendre à ceux qui disent que les commentaires, « ce ne sont que des mots », c’est le rapport de force qui se cache derrière ceux-ci. Héloïse Duché, créatrice du collectif militant français Stop harcèlement de rue, résume bien l’affaire : « Si une personne n’a pas vécu de moment où elle a eu peur, elle va pouvoir imaginer qu’on est dans un rapport de séduction, et se dire que c’est agréable. Mais dès que ça t’est arrivé, tu sais que ce n’est pas un rapport de séduction, mais de pouvoir. »

D’ailleurs, si c’était de la séduction, nos marques de désintérêt seraient comprises et l’interaction s’arrêterait là. Mais comme me l’a lancé l’autre jour sur Saint-Hubert un homme dont je n’avais pas retourné le compliment : « C’est ça, vous voulez toutes pas de moi ! Continue à marcher ! » Merci de la permission…

LA MAGIE DE MONTRÉAL ?

En l’absence de statistiques officielles, le Centre d’éducation et d’action des femmes de Montréal (CÉAF) a organisé, en 2016-2017, un sondage sur le harcèlement de rue dans la métropole. Certes, les résultats n’ont rien de scientifique – le questionnaire était à remplir de façon volontaire sur Internet, et seules 240 femmes y ont répondu –, mais les résultats permettent quand même de constater l’existence du phénomène. Près de 94 % des répondantes déclarent avoir vécu du harcèlement de rue, et près de 67 % en ont été témoins. Pour 88,8 % d’entre elles, le harcèlement de rue est un problème à Montréal, même si plusieurs rapportent que c’est moins pire que dans d’autres villes.

Plusieurs Françaises qui ont aussi vécu au Québec m’ont dit que c’était bien moins pire ici. L’une d’entre elles qualifiait même le phénomène de « magie de Montréal ».

Au niveau international, si les témoignages affluent, les chiffres restent vagues et peu fiables. Mais selon la plateforme Stop Street Harassment, qui rassemble les résultats d’études faites dans plusieurs pays, dans certains coins du globe, ce sont entre 70 et plus de 90 % de femmes qui disent avoir déjà été confrontées au harcèlement de rue. Bref, ce que les chiffres semblent nous dire, c’est qu’il s’agit d’un problème partout dans le monde.

Question de comparer notre « paradis féministe » au reste du globe, j’ai demandé à des femmes de me raconter leur expérience avec le catcalling à l’international. Plusieurs Françaises qui ont aussi vécu au Québec m’ont dit que c’était bien moins pire ici. L’une d’entre elles qualifiait même le phénomène de « magie de Montréal ».

Il y a aussi le témoignage de Lucie, qui après s’être fait siffler et klaxonner à Rome, Barcelone et Atlanta, se promène maintenant avec des écouteurs quand elle voyage. Une tendance qui reviendra au cours de mes entretiens. De son côté, Émilie fuyait les transports en commun lorsqu’elle habitait Lyon pour éviter les regards déplaisants. Quand elle est tombée enceinte, elle espérait avoir la paix. Ça n’est pas arrivé. « Je pensais bêtement que mon ventre calmerait les ardeurs, mais même pas. Depuis, je vis à la campagne, dans un tout petit village, et je suis tranquille. » Ces exemples restent anecdotiques, mais à force d’écouter de nombreux témoignages, il semble effectivement que Montréal tire mieux son épingle du jeu que d’autres métropoles…

LES HARCELEURS AU TRIBUNAL

Quand, en tant que femme, on parle de harcèlement de rue, on nous répond souvent : « OK, ça vous gosse, mais est-ce que c’est illégal ? » Idéalement, on s’abstiendrait d’être irrespectueux même si c’est légal. Mais la question est pertinente, parce qu’on peut avoir une bonne idée des valeurs d’une société en regardant ses textes de loi (et parce qu’on peut moins s’obstiner autour d’un article de loi que d’un article d’URBANIA !)

Au Canada, le harcèlement sexuel n’existe pas dans le Code criminel : il tombe dans la catégorie plus générale du « harcèlement criminel ». Pour être qualifiées ainsi, les remarques doivent être répétitives, et la victime doit avoir des raisons de craindre pour sa sécurité. Difficile de punir le « simple » harcèlement de rue avec une telle législation.

Au Canada, le harcèlement sexuel n’existe pas dans le Code criminel : il tombe dans la catégorie plus générale du « harcèlement criminel ». Pour être qualifiées ainsi, les remarques doivent être répétitives, et la victime doit avoir des raisons de craindre pour sa sécurité.

Mais un vent de changement souffle : par exemple, en France, le gouvernement mettra en place dans les prochains mois un système permettant aux policiers de distribuer des amendes pour punir les gestes déplacés, sifflements et remarques obscènes visant les femmes. Si les choses évoluent, c’est notamment grâce à des initiatives comme celles de Stop harcèlement de rue. Au début de notre mouvement, en 2014, on devait expliquer l’expression aux journalistes, mais aujourd’hui, ça fait partie du langage courant. Avoir réussi à nommer quelque chose, c’est déjà une bonne victoire. »

Quant au règlement en développement, elle souligne que l’idée d’imposer des amendes n’est pas parfaite non plus. « La France est un pays où il y a beaucoup de racisme institutionnel, de bavures policières et de contrôle fait sur certaines populations. C’est une bonne idée d’interdire juridiquement le harcèlement, mais s’il s’agit de mettre en place un contrôle plus intense sur une seule population, ça peut poser un problème. »

Dit simplement : ruiner la jeunesse des quartiers défavorisés à coup d’amendes et de nuits au commissariat ne résoudra probablement pas un problème lié au manque d’éducation et d’empathie.

D’autres pays ont déjà légiféré, notamment en Amérique du Sud, où les catcalls (ou piropos, comme on les appelle là-bas) sont très fréquents et vulgaires. En 2015, le Pérou a adopté un ensemble de lois qui font en sorte que, tout dépendant des circonstances, un harceleur peut écoper d’une sentence allant jusqu’à 12 ans (!) de prison. L’Argentine a suivi en 2017, et des amendes de 120 $ peuvent être distribuées en réponse à des regards intimidants, des sifflements ou des coups de klaxon. Et surtout, les policiers ont l’ordre de prendre les signalements au sérieux, puisqu’il s’agit désormais d’une infraction.

RESPECTER LES FEMMES = ÊTRE CASTRÉ ?

Maintenant, il y a ceux et celles qui prétendent que la vague de dénonciations va trop loin et « castre » les hommes. Avons-nous raison de nous en prendre au catcalling, aujourd’hui ?

Le chroniqueur Richard Martineau, du Journal de Montréal, évoque une dystopie troublante : « […] les amies, on ne vous flirtera plus. On va s’enfermer dans notre chambre et on va surfer sur Pornhub avec une boîte de Kleenex ».

Qu’en pense Héloïse Duché ? « Il n’a jamais été question de ne pas pouvoir aborder qui que ce soit de manière respectueuse. Ces hommes qui viennent nous dire qu’ils ont du mal à aborder des filles ne parlent pas de harcèlement de rue, mais bien de leur difficulté à entrer en contact avec les gens. S’ils veulent rencontrer, qu’ils s’inscrivent à des cours de théâtre ou à des activités, je ne sais pas, mais qu’ils ne blâment pas les féministes ! »

Nous sommes prévenues, en tout cas : certains brandissent la menace d’un arrêt complet des flirts si on se met à « voir des agressions partout ». Le chroniqueur Richard Martineau, du Journal de Montréal, évoque une dystopie troublante : « […] les amies, on ne vous flirtera plus. On va s’enfermer dans notre chambre et on va surfer sur Pornhub avec une boîte de Kleenex ».

L’AVIS DES CATCALLERS

Alors, se sentent-ils castrés à ce point, les catcallers ? J’ai sondé les motivations de quelques dizaines d’entre eux (la majorité sur des forums anonymes, parce que ça ne semble pas très glorieux à avouer).

Certains avancent l’impossibilité de se contrôler. « Quand tu vois une belle personne, tu ressens une pulsion viscérale, tu veux son attention. [Le catcalling], c’est un manque de contrôle de soi. » J’ai de la misère à retenir mon eye roll ; j’ai l’impression que ces gars réfrènent sans problème leurs pulsions quand leur boss passe dans le corridor…

D’autres semblent vraiment obtus. « Honnêtement, je le fais parce que je pense que c’est amusant. Je ne ferais jamais de mal à personne, je n’approcherais jamais une femme d’une façon qu’elle ne voudrait pas. Par contre, je pense que c’est l’fun de catcaller. » (Jeu : cherchez la contradiction dans les phrases précédentes !)

«[Le catcalling], c’est un manque de contrôle de soi. »

Plus globalement, il ressort que les catcallers sont souvent saouls/high quand ils font ce qu’ils font. Pour certains, c’est uniquement pour attirer l’attention. « J’y voyais seulement une façon de faire rire mes amis sans faire de mal à qui que ce soit. Je me foutais bien [d’] à qui je le faisais et [de] ce que ça pouvait signifier pour elles, tant que mes amis riaient », explique d’ailleurs un gars interrogé.

D’autres espèrent bien plus et parfois, ça marche. « Ça m’est souvent arrivé, après avoir bu ou m’être gelé, d’aborder toutes les filles qui passaient sur la rue en leur disant qu’elles étaient sexy. Si j’en abordais 10, au moins une allait s’arrêter et me parler. […] Ça m’a donné un bon nombre d’escapades sexuelles au fil des ans », révèle un des sondés. Pourquoi manquer sa chance (quitte à mettre toutes ces autres filles mal à l’aise) ?

Fait intéressant : bon nombre d’entre eux ont cessé les catcalls en vieillissant, et souvent lorsqu’une blonde ou une amie leur a expliqué comment ça la faisait se sentir. Comme ce gars qui klaxonnait les belles filles pendant leur jogging. « Je trouvais que c’était drôle. Mais quand j’ai commencé à sortir avec la magnifique fille qui allait devenir ma fiancée, elle m’a raconté comment, chaque soir, des colons la klaxonnaient alors qu’elle prenait une marche. J’étais fâché et je me disais : “Fuck ces gars, pourquoi est-ce qu’ils font ça ?” et j’ai eu un déclic. J’ai arrêté. »

UN QUÉBEC PAS SI FÉMINISTE

Revenons-en à notre question de départ : la société québécoise est-elle féministe ? Un « oui » signifierait que tous les genres sont traités de la même façon ; notre « simple » exemple du harcèlement de rue prouve le contraire, même si c’est pire ailleurs. Mais il y a de l’espoir. Ce que dit Héloïse Duché sur le harcèlement de rue s’applique à tous les enjeux féministes : « À partir du moment où les choses sont nommées, un changement culturel se met à l’œuvre. […] Il y a une prise de conscience chez les victimes, mais pas encore de remise en question chez les harceleurs. Ce sera l’étape d’après, la plus difficile. »

***

J’ai profité de ce reportage pour demander à Judith ce qu’elle pensait de son texte cinq ans plus tard, et si elle a remis la fameuse robe. « Bien sûr que j’ai remis la robe blanche. Ça n’a jamais été la robe, le problème. C’est la société ! », me répond-elle.

En 2018, elle ne réécrirait sûrement pas son texte de la même façon, mais pas parce qu’elle renie ses propos. « Je réalise que je n’étais pas outillée pour aborder la question. Je n’avais même jamais entendu l’expression catcaller. Alors que mon texte était une sorte de désaveu de l’idée que les filles peuvent porter ce qu’elles veulent, qui ne se concrétisait pas pour moi par un sentiment de sécurité, les gens m’ont surtout reproché l’expression “violer du regard”. Je pense aussi que le fait d’être lesbienne a nui à la réception de mon texte. Plusieurs lecteurs ont fait l’extrapolation, comme quoi je n’aimais pas attirer le regard des hommes parce que je déteste les hommes. Les gens ont une vision bien simple de la vie des fois. Oh well. »

Judith aura en tout cas fait partie de celles qui ont mis le sujet à l’ordre du jour, comme Héloïse Duché et comme tant d’autres à travers le monde. « Depuis, on a beaucoup parlé de la séduction en public – que certains hommes semblent avoir tellement peur de perdre ! – et de l’accès des femmes à l’espace commun. On réalise de plus en plus que certains facteurs peuvent contribuer à ce que les femmes ne se sentent pas autant en sécurité dans cet espace que les hommes », constate Judith.

Entendons-nous donc pour dire prudemment que le Québec est chaque année un peu plus féministe, et qu’on peut espérer, sans porter des lunettes roses, davantage de respect et moins de commentaires déplaisants dans les années à venir.

Quant au moment exact où on pourra porter une petite robe blanche complètement sereinement… les paris sont ouverts !

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