C’est ça que ça donne, quand l’argent mène nos utérus.
En leur faisant croire que l’épicerie serait moins chère, Trump a convaincu des femmes de voter pour lui. En leur faisant croire à une crise de la masculinité, Trump a convaincu… d’autres femmes de voter pour lui.
Plusieurs Américaines préfèrent contrôler leurs finances que leur corps. Cela dit : leur corps, leur choix. C’est juste que leur choix (et celui de nombreux hommes – non je ne ferai pas porter le poids de cette élection sur le dos des femmes pour un simple procédé stylistique –) impacte aussi le corps d’autres femmes, dont ce n’est pas le choix.
En me réveillant, mercredi matin, j’entendais les nouvelles sur la montée de la valeur en bourse de Tesla et des bitcoins. Mais moi, je n’avais pas eu le réflexe d’ajuster mes placements en vue de l’élection. J’aurais aimé ça, mais non. J’étais trop occupée à me demander quel effet ça aurait sur mes droits, sur les droits des communautés LGBTQIA+, sur les conflits internationaux… Juste ça.
Mercredi, mon réflexe n’a pas été de regarder si mes actions avaient pris de la valeur. Je me suis plutôt demandé si je devais me faire poser un stérilet, juste au cas où.
Pendant que certains pensaient à leur cash, moi je pensais à protéger mon utérus. Nos droits ne sont pas des actions : leur valeur ne devrait pas monter ou descendre selon le gouvernement en place.
Je sais qu’on est de l’autre côté de la frontière, mais avec Pierre Poilievre aux portes du pouvoir, on dirait que je n’ai pas le choix de m’en faire. D’ailleurs, suite à la victoire de Trump, Poilievre a écrit sur X : « Les États-Unis sont nos meilleurs amis ». Parle pour toi, Pierre. Il a continué avec : « Je travaillerai avec le président pour le bien des deux pays. Ma mission : sauver nos emplois. » Ah, encore le cash… Rien au sujet de nos droits.
Je sais qu’au Canada, il y a très peu de chance qu’une loi interdisant l’avortement passe. Sauf qu’il y a d’autres moyens d’en réduire l’accès. Essayez de vous faire avorter dans les Maritimes, voir. C’est pour ça que, contrairement à ce que j’ai fait pour mes placements, j’aimerais prévenir la catastrophe.
C’est d’ailleurs ce que plusieurs de nos voisines ont fait : il y a plus de 3 millions de vues sur cette vidéo TikTok qui encourage les Américaines à se procurer des boîtes de pilules du lendemain. Question d’avoir accès à une contraception d’urgence jusqu’aux prochaines élections… juste au cas où.
Ou prenez cette autre vidéo qui a été vue 9,2 millions de fois où une femme dit avoir laissé son copain républicain pour rejoindre le mouvement 4B. Si vous n’étiez pas au courant, 4B, c’est le nom d’un mouvement féministe sud-coréen qui prône le boycott des hommes (pas de date, pas de sexe, pas de mariage, pas d’enfants). Depuis l’élection de Trump, le mouvement ne cesse de gagner en popularité sur les réseaux sociaux.
Comme quoi il y a des conséquences à élire un homme misogyne ayant été reconnu coupable de viol à la tête du pays.
C’est beau, de s’organiser collectivement. De signer et de faire circuler cette pétition pour l’instauration d’un programme garantissant l’accès gratuit à la contraception au Québec. De se dire qu’on est là les unes pour les autres, d’un bord de la frontière comme de l’autre. Sauf que personnellement, je n’ai plus vraiment foi en une bonne partie de l’humanité.
Je pense que, malheureusement, on doit aussi être égoïste et penser à nous. Prendre soin de nous : de notre corps, oui, mais aussi de nos finances. Ma mamie me disait souvent : « Dans la vie ça te prend deux choses: ton propre char et ton propre compte en banque. » Bon, ça a mal vieilli, mais c’était sa façon à elle de s’assurer une certaine liberté. De pouvoir conduire où elle veut sans avoir à demander la permission. D’avoir son propre pouvoir d’achat. Juste au cas où.
Sans mauvais jeu de mots : pourquoi on se ferait fourrer des deux bords? Pourquoi on s’en ferait uniquement pour notre corps pendant que certains hommes s’occupent de leurs placements? Parce que s’il y a une chose qu’on fait mieux qu’eux, c’est bien le multitasking. On est capables de s’occuper de la base et du haut de la pyramide de Maslow, les deux en même temps.
C’est pour ça qu’en vue de la potentielle future élection de Poilievre, je songe à sortir mon argent des fonds verts pour l’investir dans l’énergie fossile. Je ne suis pas plus folle qu’un autre : tant qu’à ne plus avoir le droit de faire ce que je veux avec mon corps, au moins je pourrai faire ce que je veux avec mon argent. Si jamais je perds mes droits, au moins je ne perdrai pas mes REER.