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D’entrée de jeu, je tiens à vous avouer quelque chose : je ne suis pas originaire de Saint-Honoré, mais de Falardeau, un peu plus au nord. Mais quand on vient de là et qu’on veut aller à Chicoutimi, une traversée de Saint-Honoré s’impose, puisque le boulevard Martel qui relie mon village à la grande ville passe en plein cœur de cette localité.
Jeune enfant, je n’en savais pas grand chose, mis à part le fait que mon père allait s’y faire couper les cheveux, qu’il y avait un aéroport et que deux de mes tantes y vivaient. Avec le temps, je me suis mis à côtoyer des gens de Saint-Honoré, que l’on appelle aussi « honoriens ». D’abord en étant scout chez eux pendant un an, ensuite pendant mon secondaire à Charles-Gravel, cette grosse polyvalente de Chicoutimi-Nord que fréquente la majorité des ados de la rive nord du Saguenay, de l’ancien Canton Tremblay à Sainte-Rose-du-Nord en passant par Saint-Honoré et Falardeau.
Avant d’aller plus loin, je tiens à vous préciser qu’il existe deux autres localités au Québec portant le nom de Saint-Honoré : une en Beauce (Saint-Honoré-de-Shenley) et une autre au Témiscouata (Saint-Honoré-de-Témiscouata). C’est la raison pour laquelle le Saint-Honoré dont il est question dans ce reportage se fait aussi nommer parfois Saint-Honoré-de-Chicoutimi, uniquement pour qu’on le distingue mieux des autres. Mais entre bleuets, quand on se parle de cet endroit, on l’appelle simplement Saint-Honoré, ou encore mieux « St-Ho », ce qui est tellement plus sympa! Et si on partait à sa découverte? Dans 3, 2, 1…
1- Un peu de géo et d’histoire pour le fun
Située à une dizaine de kilomètres au nord de Chicoutimi, Saint-Honoré est une véritable ville-champignon. Elle est nommée ainsi en honneur d’Honoré Petit, député de Chicoutimi de 1892 à 1919. Selon le recensement de 2011, 5257 personnes y habitent, un nombre appelé à grandir au cours des prochaines années, notamment en raison du fait que la mine locale est en pleine expansion, mais aussi parce que s’installer à St-Ho, ça coûte pas mal moins cher que de s’installer en ville, qui n’est qu’à même pas dix minutes de route de toute façon.
C’est la présence de la forêt, de terres agricoles et de puissantes rivières qui attire à cet endroit des colons venus d’un peu partout au Saguenay à partir de la fin du dix-neuvième siècle. La population augmente assez avec le temps pour que celle-ci demande la création d’une municipalité, chose qui fut faite en 1913. Ce sont alors les débuts de la municipalité de la paroisse de Saint-Honoré. En 1953, Saint-Honoré vit une drôle de situation alors qu’une partie de la localité fait sécession de la paroisse et crée sa propre municipalité. La municipalité du village de Saint-Honoré, indépendante de l’autre, voit alors le jour. Réalisant à la longue que ça coûtait cher d’avoir deux conseils municipaux et d’autres affaires en double, les deux Saint-Honoré s’unissent pour de bon en 1972 pour former le Saint-Honoré contemporain. En 2002, la municipalité augmente sa superficie et sa population quand une partie de l’ancien Canton Tremblay lui est greffé, alors que l’autre partie est absorbée par la nouvelle ville de Saguenay.
2- S’envoyer en l’air, dans le vent!
Au début des années 1940, la Deuxième Guerre Mondiale battait son plein, et les alumineries du Saguenay jouaient un rôle crucial dans l’effort de guerre. C’est pour assurer leur protection que le gouvernement fédéral décida de construire deux aéroports militaires dans la région du Saguenay, l’un à Bagotville, l’autre à Saint-Honoré. Les deux aéroports ont fermé leurs portes à la fin du conflit, mais ont repris du service par la suite, tout en maintenant des vocations différentes. Si la Guerre Froide a permis à l’aéroport de Bagotville de renouer avec sa vocation militaire, celui de Saint-Honoré a pris une autre voie et est devenu un aérodrome civil, où plusieurs entreprises et écoles d’aviation et de parachutisme ont pignon sur rue. C’est aussi à cet endroit que se trouve le Centre Québécois de Formation en Aéronautique, cette branche du Cégep de Chicoutimi qui offre le seul programme public francophone en pilotage d’aéronefs. Mais n’entre pas en technique de pilotage qui veut, car c’est beaucoup plus difficile de s’y inscrire que de le faire en sciences humaines pas de maths.
Bon an mal an, environ 350 étudiants s’essaient et seulement 40 d’entre eux (dont seulement 5 à 10% de filles) réussissent. Tout comme à Bagotville, Saint-Honoré a son festival aérien, où les petits avions et les cerfs-volants sont à l’honneur, laissant les appareils plus gros et plus bruyants au festival de sa consoeur militaire.
3. Une capitale sans en avoir l’apparence
S’il y a une chose méconnue qu’on oublie quand on traverse Saint-Ho, c’est qu’on traverse une capitale. C’est vrai que St-Ho, ce n’est pas Paris, ni Washington, ni Ottawa, sauf qu’il n’y a pas de mine de niobium ni à Paris, ni à Washington, ni à Ottawa. Mais il y en a une à St-Ho, la capitale nord-américaine du niobium, l’élément chimique numéro 41 au code « Nb » pour ceux qui sont nostalgiques de leur cours de science physique de secondaire 4. Du niobium, ça sert principalement dans la fabrications d’alliages métallurgiques, et la mine de Saint-Honoré, de par son statut de seule mine active de ce minerai sur le continent, produit 15% par année de tout le niobium extrait annuellement sur la planète. Grâce à St-Ho toute seule, le Canada figure au deuxième rang des producteurs mondiaux de cette substance, derrière le Brésil qui en produit 80%. C’est en 1967 que des traces de la présence de niobium sont trouvées sur le territoire de St-Ho par la Société Québécoise d’Exploitation Minière. Sept ans plus tard, le gouvernement du Québec investit 20 millions de dollars pour la construction d’une mine et la production commence en janvier 1976. Maintenant propriété de la compagnie Iamgold, Niobec emploie environ 500 personnes. Depuis 2011, la mine entreprend un plan d’expansion ambitieux qui lui permettra de rester compétitive et de tripler sa production. Ça fait déjà toute une manne pour Saint-Honoré, qui vit déjà un véritable boom économique et immobilier depuis quelques années, au point où elle a même depuis quelques années son propre parc industriel! Think big!
4. Le temple du Relais
Depuis que les perrons d’église n’ont plus la cote pour la circulation des cancans de village, les restos ont su prendre le relais à merveille dans les localités de notre belle province. St-Ho ne fait pas exception à la règle, car les honoriens ont comme lieu de prédilection pour un café, un steamé ou une poutine BBQ le restaurant Le Relais, très bien situé en plein cœur du village. Lors d’une récente visite, la date d’ouverture de ce casse-croûte faisait l’objet d’un débat, puisque les waitresses se relançaient entre elles quand j’ai osé poser la question à l’une d’entre elles. L’une me disait 30 ans, une autre 29, une troisième 32. Mais la propriétaire, Marie Gravel, est venue trancher le débat d’un « 31 ans » bien senti et sonnant la fierté. Le décor du restaurant fait partie de sa renommée, autant en dehors qu’en dedans, où les murs blancs et le bois verni forment un heureux mariage, agrémenté par de nombreuses toiles représentant poutines, hamburgers et autres mets figurant au menu. Ça donne une ambiance à la fois kitsch et chaleureuse, agrémentée par le monde de Saint-Honoré qui y discute et y jase, au travers des « BBQ ou Hot-Chicken? » lancés par les waitresses aux gens qui y commandent de la poutine. L’ambiance sonore du quotidien de ce restaurant nous fait pénétrer dans l’âme de St-Ho, car c’est un peu à travers ce haut lieu de gastronomie populaire qu’elle se manifeste dans toute sa chaleureuse splendeur. Plus besoin d’aller à l’église, après tout…
5. La Dairy Queen peut rester dans son royaume.
Si vous êtes à St-Ho et que l’envie d’une crème molle vous prend, vous risquez de chercher longtemps avant d’y trouver un Dairy Queen, puisque la chaîne est absente du territoire du Saguenay-Lac-Saint-Jean. (Elle y aurait toutefois été présente il y a de ça bien longtemps, mais cette présence serait partie en fumée lors de l’incendie historique de Place du Saguenay.) Mais n’allez pas croire que nous considérons cette absence comme un grand manque à notre région. Après tout, quand on a des gens à l’échelle locale qui décident d’occuper son créneau, on n’a pas trop envie de voir la Dairy Queen annexer notre région à son royaume. Le bar laitier l’Arc-en-ciel est une des traditions estivales préférées des gens de St-Ho et des environs. Depuis 30 ans, la toute petite cabane joliment décorée ouvre ses portes à Pâques et ferme en septembre. J’y vais depuis que je suis tout jeune, et c’est le même monde qui me souhaite la bienvenue à chaque fois avec le même sourire et la même chaleur. Ça fait autant de bien à l’âme que la fraîcheur de n’importe quel des produits qu’ils confectionnent eux-mêmes. La plus célèbre de leurs inventions : la crème molle fourrée au sucre d’érable! Mets ça dans ta pipe, Dairy Queen! Et reste chez toi!
6. Un boss boy très rentable
Le nightlife à St-Ho, ça se passe au seul bar de l’endroit, Le Laser. Propriété de Frédéric Laberge, il est ouvert depuis 1994 dans un des rares bâtiments centenaires de la localité. Les débuts sont modestes, mais le Laser réussit assez vite à tirer son épingle du jeu malgré la présence de deux autres établissements du genre dans la localité. Un beau jour, un certain Hugues Dubé y est engagé comme débarrasseur. Quelques temps après, Hugues va voir son patron et lui demande de le commanditer dans une drôle d’aventure. Hugues déclare à Frédéric qu’il va participer à un jeu à la télé. Frédéric pense du premier coup qu’Hugues s’en va jouer à Action-Réaction ou un autre quiz du genre. Or, ce que Frédéric ignore, c’est qu’Hugues a été sélectionné pour faire partie de la première mouture de la télé-réalité Loft Story, à TQS. Frédéric donne alors à Hugues quelques t-shirts et camisoles à l’effigie de son établissement sans trop savoir ce que ça donnera. Il était loin de se douter que cette commandite allait lui être rentable dans des proportions qu’il n’oserait jamais imaginer, même dans ses rêves les plus fous. Dès qu’Hugues est vu à TQS portant un chandail du Laser à Loft Story, l’effet est immédiat! Le coup de publicité est génial. Hugues Dubé à Loft Story qui parle de St-Ho et qui porte son chandail du Laser devant les yeux de milliers de téléspectateurs de partout au Québec, ça produit exactement le même impact qu’Annie Villeneuve qui parle du fromage Boivin à Star Académie quelques mois plus tôt. La renommée du bar déborde alors largement les frontières de St-Ho et l’endroit devient encore plus « in », à un point tel que maintenant le Laser règne désormais seul dans son royaume, libéré de toute concurrence depuis belle lurette. La plogue gratuite de Hugues à la grandeur du Québec à TQS a-t-elle été le coup fatal à la concurrence? Ni Hugues, ni Frédéric Laberge n’ont pu me le confirmer, mais ils avouent néanmoins que ça a joué un rôle majeur dans l’établissement de la suprématie du Laser à Saint-Honoré. En passant, si vous êtes nostalgiques de la O’Keefe, sachez que cette bière n’est pas morte, car on la sert encore à cet endroit!
7. St-Ho dans la vie de Marie-Mai
Outre le lofteur Hugues Dubé, Saint-Honoré a vu d’autres de ses enfants acquérir une renommée qui dépassa ses frontières. On peut nommer le journaliste indépendant Frédérick Lavoie, le comédien Maxime Denommée et l’animateur de radio sportive Dany Calgary (alias Dany Lemieux). Mais la liste ne s’arrête pas là! Quand Marie-Mai se lève au gala de l’ADISQ pour aller chercher ses prix, on ne réalise pas jusqu’à quel point St-Ho joue un rôle crucial dans ce fait qui peut sembler banal. N’oubliez pas que la chanteuse de Varennes partage sa vie avec le multi-instrumentiste Fred St-Gelais, un autre célèbre enfant de Saint-Honoré. Le fruit du travail de Marie-Mai et de son célèbre chum a été souvent récompensé à l’ADISQ, où ils ont gagné à plusieurs reprises l’enfant le plus célèbre que Saint-Honoré ait produit à ce jour, soit le fameux trophée Félix. On l’a peut-être oublié, mais la célèbre statuette a été créée à Saint-Honoré en 1979 par un sculpteur de l’endroit du nom de Marc-André Parisé. Donc, Marie-Mai, si jamais tu lis ces lignes, ça serait bien que la prochaines fois que tu gagnes un Félix, tu remercies Saint-Honoré pour tout ce qu’elle t’a amené dans ta carrière et ta vie personnelle. En cette année où St-Ho fête ses 100 ans, ça serait bien mérité, n’est-ce pas??
8. Le barbier de St-Ho
St-Ho et Séville ont chacun leur barbier. Contrairement à son célèbre homologue espagnol, Raymond Girard n’a pas d’opéra à son nom. Pourtant, il le mériterait bien!! L’homme qui ne fait pas ses 70 ans coupe les cheveux des gens de St-Ho et des environs depuis plus d’une trentaine d’années. Originaire de Chicoutimi, mais fils d’une mère originaire de St-Ho, Raymond apprend son métier à l’âge de 19 ans en suivant un cours à Québec. Il commence sa carrière à Chicoutimi, avant d’émigrer à Saint-Honoré, où il est appelé à remplacer un autre barbier qui doit s’absenter, victime de la maladie. C’est alors que le destin est entré en jeu, puisque le barbier que Raymond remplaçait n’a jamais repris du service, ayant été trop affecté par la maladie. Les gens de Saint-Honoré ont alors aussitôt adopté Raymond qui, comme un vieux phare, tient encore debout après toutes ces années. Malgré le temps qui passe et l’âge qui avance, Saint-Honoré peut dormir tranquille, puisque son sympathique barbier n’entend pas prendre sa retraite de sitôt. Il compte pratiquer son métier tant et aussi longtemps qu’il en sera capable. Aimant jaser avec sa clientèle, Raymond Girard n’a pas le temps de s’ennuyer et pratique son métier avec le même enthousiasme qu’un débutant. Il pourrait presque le faire en chantant…
9. La fiesta des retrouvailles
Quand la fin de juillet se pointe le bout du nez, Saint-Honoré se prépare à un rituel qui fait partie de son ADN depuis le milieu des années ’70, alors que la traditionnelle Fiesta de la Balle Lente se déroule au terrain de balle local. Durant une fin de semaine complète, des équipes de Saint-Honoré, du Saguenay-Lac-Saint-Jean et même d’ailleurs se disputent les honneurs de ce tournoi. Imaginez un peu ce que c’est d’y être. Le stade est petit, chaleureux. Il est en plein cœur du village, proche de tout. Ça sent bon le gazon coupé, on a une « frette » et un hot-dog à la main et on regarde les joueurs frapper des circuits qui aboutissent dans les arrière-cours de l’église et de l’ancienne quincaillerie devenue garage municipal. De la bonne balle lente qui fait oublier que les Expos n’existent plus. Mais au-delà de l’aspect sportif de cette fiesta, il y a tout un aspect retrouvailles qui s’inscrit dans cette compétition, puisque de nombreux honoriens expatriés un peu partout dans l’Univers profitent de cette occasion pour revenir dans leur village natal. Ils viennent s’y ressourcer et renouer avec des amis que la vie a éloigné d’eux. Le temps de cette fin de semaine, les distances n’existent plus, sauf celles requises pour qu’un frappeur réussisse son coup de circuit. L’heure est au rapprochement, à la réjouissance. La balle lente sert de vecteur à cette fiesta qui a su, à sa façon, s’imposer parmi une tradition devenue sacrée aux yeux de bien des gens de St-Ho, raison pour laquelle elle dure depuis si longtemps et pourquoi elle n’est pas près de s’éteindre.
10. Cachez ce lac que je ne saurais voir!
Je me rappelle de mon passé d’étudiant à Charles-Gravel, où à chaque année revenait un rituel qui semble perdurer encore de nos jours : ces fameux partys de classe au Lac des Fesses, ce plan d’eau reclus situé proche des carrières que l’on rencontre à l’entrée de Saint-Honoré, sur le boulevard Martel tout de suite après avoir quitté Chicoutimi. Voici quelques vérités sur ce plan d’eau bien spécial. D’abord, ce n’est pas un véritable lac en tant que tel, mais plutôt une carrière désaffectée qui a accumulé de l’eau de pluie et de neige pendant de longues années, ce qui explique la chaleur de l’eau, le teint blanchâtre de cette dernière et aussi ses hauts contreforts, qui font la joie des casse-cou. D’ailleurs, quelques uns de ces derniers aiment bien se filmer à se pitcher dans ce lac et à mettre ça sur Youtube après. Bien que le surnom « Lac des Fesses » ait transcendé les générations, ce n’est pas le nom officiel de ce plan d’eau qui semble, après moult recherches, ne pas en avoir. Il faut dire qu’il se trouve sur un terrain privé, et qu’il est surveillé, un peu comme le secteur de Chute-aux-galets à Saint-David-de-Falardeau (J’en parle dans mon article sur cette localité, que je vous plogue au passage.) Mais vous savez aussi bien que moi que quand le chat n’est pas là, les souris dansent. Et quand elles dansent, la bière coule, le party pogne et plein d’autres choses se passent, assez pour nous faire comprendre pourquoi cet endroit se surnomme le « Lac des Fesses. » Plutôt que de proscrire cet endroit, je termine cet article en faisant appel aux autorités compétentes pour que cette destination soit réhabilitée et inscrite dans un éventuel circuit touristique de lieux au Saguenay-Lac-Saint-Jean portant des noms à connotation sexuelle. Avec Le Trou de la Fée à Métabetchouan, L’hymen à Maria à Péribonka, La Petite Décharge et La Grande Décharge à Alma, le Rang des Bobettes à Jonquière et le Lac des Fesses à St-Honoré, les touristes découvriraient un aspect méconnu de notre personnalité régionale, celui qui fait en sorte qu’au Saguenay-Lac-Saint-Jean, on ne se ratatine pas du tout le bleuet!
St-Honoré en images
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