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Pour faire changement, voici une introduction où je serai représentée par une alléchante tortilla, vous envoyant le beau bonjour en remuant sa petite main savoureuse.
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Se présenter grâce à l’intermédiaire d’un tacos polyglotte; voilà un grand luxe des temps modernes.
Grâce à cette savante démonstration, force est de constater que nous assistons à des mutations plus que certaines dans notre façon d’interagir. Pensons-y, il fut un temps où George Sand n’y allait certes pas à grand coup d’emoji d’aubergine dans ses correspondances avec Alfred de Musset.
Les Internets nous permettent désormais de nous exprimer en ayant recours à des moyens créatifs qui, personnellement, me charment la fibre exubérante. Avouons-le, choisir le meilleur gif pour représenter sa face du moment est un art. Ajoutons à cela les autocollants, les memes, les emoji, les OMG, les !!!!!!!!!!!!!!, les ?????????? et constatons qu’en matière d’expressivité virtuelle, ce ne sont pas les choix qui manquent.
Inévitablement, cette nouvelle façon de communiquer peut ricocher sur notre vie affective. Une question s’impose alors : est-ce qu’on est en train de créer un sacré décalage entre notre façon de communiquer online et notre façon de communiquer dans la vie réelle? Faisons-nous un usage sincère du langage 2.0?
Le nombre de <3 qu’on envoie à l’autre correspond-il vraiment à notre intensité affective?
Quand on connait quelqu’un, il peut être plus facile de saisir son intention derrière, par exemple, un envoi d’autocollant de p’tit chien qui tend un bouquet de fleurs. Mais recevoir cette fantaisie d’une personne fraîchement rencontrée sur une application peut laisser pantois. Qu’est-ce qu’un énigmatique inconnu veut bien vouloir nous dire par la transmission d’un canidé gentleman? “J’ai apprécié notre conversation, tiens, voici un bouquet de roses tendues par un teckel?!?”. Pas clair, pas clair…
On parle souvent du décalage qu’on peut vivre en voyant une personne sur une photo et en la rencontrant en vrai de vrai, mais niveau dating il est possible qu’on fasse aussi affaire à un important décalage expressif. En réalité, le nombre de <3 qu’on envoyait à l’autre correspondait-il vraiment à notre intensité affective? Et de toute façon, quelle est la valeur d’un <3?
Appuyer ses propos enthousiastes par de petites flûtes de fête, ça fait sourire.
D’un côté, ne soyons pas fatalistes, il est certainement possible d’utiliser sainement ces alternatives qui demeurent de chouettes façons de ponctuer une intention. Souhaiter bonne nuit en envoyant un petit Pusheen qui dort, c’est attendrissant. Appuyer ses propos enthousiastes par de petites flûtes de fête, ça fait sourire. C’est créatif, c’est de l’agrément et on ne boudera certainement pas notre plaisir!
Mais de l’autre côté, peut-être que l’intention n’est pas raccord avec l’émotion manifestée. On peut s’éloigner de sa vérité, en ayant l’air de vivre sa vie la pédale dans le tapis.
J’ai moi-même vécu une véritable pathologie du ricanement, constatant que pour nuancer mon rire, je suis passée du lol, au LOL pour tendre vers le LLLOOOOLLLL!!!!! et finalement tomber dans l’enfer des bonshommes qui pleurent d’hilaritude. Est-ce que je pleurais vraiment de rire, en employant ces emoji? En toute transparence, non, hélas. J’étais scandaleusement devenue malgré moi une hypocrite de la cyber rigolade, victime du syndrome de la surenchère émotive, où tout devient de plus en plus démesuré.
En vrai, il est assez rare de valider les propos de l’autre avec des gros thumbs up bleus.
Qu’on se le dise : on ne le fait pas de façon mal intentionnée. N’empêche qu’en se laissant aller dans l’exubérance fictive, il est possible qu’en vrai de vrai, avec notre vraie face de vraie personne qui vit des vraies affaires, on se sente un peu moins rayonnant ou que notre expressif interlocuteur semble un peu plate.
On est probablement moins hilare, plus nuancé et notre petit sourire en coin pas clair peut certes déclencher une insécurité chez l’autre. C’est normal; après tout, en réalité, on ne manifeste pas notre appréciation par des “wouah” et on ne valide pas constamment les propos de l’autre avec des gros thumbs up bleus (ce qui serait, ma foi, terrifiant)!
Il est possible de communiquer virtuellement sans tomber sur le pilote automatique nous amenant à partager rapidement une émotion plutôt qu’à soumettre honnêtement une réflexion. Utilisons gaiement les meme, emoji, gif et autocollants de Power Rangers de ce monde comme agréments, comme ponctuations, mais surtout, n’oublions pas le bon vieux vocabulaire.
Oui oui!
Ces mots que l’on peut énoncer dans le virtuel, tout en les transposant dans le réel! Cette bonne vieille séquence sujet-verbe-complément qui peut exprimer un “j’aimerais ça te revoir!”, pouvant être masqué derrière un dessin de chat qui a des cœurs à la place des yeux!
Parce qu’après tout, oui, une image vaut mille mots, mais encore faut-il être capable d’associer les bonnes déclarations à la bonne représentation!
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On s’analyse, on clique, on like, on swipe, on est ravi, on est déçu, on se croise, on se rencontre, souvent dans le virtuel puis dans le réel à moins qu’on ne préfère le réel au virtuel? On a le choix, beaucoup de choix, trop de choix ? Dans cette série d’articles mensuels, notre collaboratrice Julie Lemay se penche sur les nombreux enjeux de la date en 2016.
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Pour lire une autre chronique de Julie Lemay : “Toi + Moi + Lui + Elle”