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« La médiatrice » ou l’art du conflit

Bien se chicaner, c’est plus sain que de ne pas se chicaner du tout.

Par
Benoît Lelièvre
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N’importe quel professeur d’écriture vous le dira : la base de toute bonne histoire, c’est le conflit.

Ça peut être un conflit entre deux personnes ou deux clans ennemis ou un conflit intérieur auquel le ou la protagoniste cherche une solution en se réconciliant avec un passé douloureux. Ça peut aussi être très théorique, par exemple un conflit de valeurs entre deux amoureux.

Bref, un conflit peut prendre plein de visages différents. Et c’est ça, la beauté de la chose.

Une bonne histoire nous permet de nous réconcilier nous-même avec ce qui cohabite mal dans notre esprit. Elle nous apporte un peu de paix.

La nouvelle websérie La médiatrice passe à travers à peu près toute la gamme de conflits possibles et imaginables en fiction, sauf peut-être la bagarre à mains nues et la guerre nucléaire, avec énergie et ingéniosité à travers un format dynamique et une problématique classique (la séparation) de manière contemporaine. Bref, c’est très bon et ça se regarde en même pas une soirée sur Tou.tv, peu importe votre capacité d’attention.

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Ça devrait assurément faire partie de vos plans pour la fin de semaine.

La place de la colère

La médiatrice raconte l’histoire de Catherine (une Mylène Mackay au sommet de son art), une médiatrice professionnelle et star des réseaux sociaux faisant la promotion de la séparation bienveillante sous la devise « se séparer ensemble », qui se retrouve elle-même à vivre une séparation qui mettra ses principes à l’épreuve.

Comme je l’expliquais plus haut, cette série déborde de conflits : entre Catherine et Alex (Maxime de Cotret), entre Catherine et la nouvelle blonde d’Alex (Rosalie Bonenfant), entre Catherine et ses clients malhonnêtes, entre ses valeurs et ses émotions, entre sa marque personnelle et son humanité. Beaucoup de choses se passent en très peu de temps, mais aucun de ces conflits n’est traité à la légère, malgré le ton humoristique.

L’idée qui propulse La médiatrice, c’est que malgré l’image qu’on renvoie, on ne peut pas toujours être en contrôle de tout. Surtout pas de soi-même. Que parfois, il va falloir souffrir et que certaines situations vont nous pousser à faire des choix qui vont tester les assises de notre identité et parfois même en venir à les redéfinir.

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Face à l’implosion de son couple, Catherine voit aussi son identité en tant que « professionnelle de la séparation bienveillante » lui exploser au visage. Grâce à son amie Tonya (Ariane Castellanos), la médiatrice pourra néanmoins accéder à une nouvelle partie d’elle chaotique, créative et qui prend en charge son destin. À travers l’effondrement de son modèle de vie, Catherine se transforme et adapte son système de valeurs à ses expériences.

Sérieux, j’ai parfois cette discussion avec des gens un peu péteux qui me demandent : « Pourquoi regarder de la fiction alors qu’il y a tellement de choses à apprendre à propos du monde? » (j’vous jure, ça arrive quand même souvent) et à ces gens, je conseillerais de regarder La médiatrice, qui utilise la fiction pour expliquer comment traverser une crise personnelle pour s’en sortir grandi.

Y a pas un exemple théorique qui accote ça, surtout quand c’est raconté avec humour et légèreté.

La fiction rassembleuse

Pour la deuxième fois cet hiver, Tou.tv diffuse une série web qui utilise des codes humoristiques pour traiter de problématiques familières d’un point de vue contemporain et dans un format mieux adapté à un paysage numérique qui s’adresse à un public de plus en plus jeune.

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Comme quoi il aura fallu attendre le XXIe siècle, au Québec, pour commencer à rejoindre les jeunes sur le web sans nécessairement ne s’adresser qu’à eux ou les infantiliser. Vous pouvez regarder La médiatrice avec votre grand-mère et vous allez tous les deux rire. Si, par le passé, j’ai eu mes réserves à propos de certaines séries de KOTV (certains d’entre vous auront remarqué que j’en parle pas beaucoup), une série comme La médiatrice me donne foi en un futur durable pour la culture québécoise.

On est encore capable de rassembler le monde devant la télé, mais, surtout, ON PARLE AUX JEUNES! C’est excitant!

Je m’en voudrais de clore cette critique sans vous parler de Maxime de Cotret. Fuck, ce gars-là est bon. Je l’ai découvert il y a quelques mois dans le rôle de Greg, un busboy tyrannique et interlope dans l’adaptation cinématographie de l’excellent roman de Stéphane Larue Le plongeur, et dans La médiatrice, il brille une fois de plus, mais dans un rôle complètement différent. Le gars est capable de se métamorphoser émotionnellement à un point tel qu’il ne ressemble plus à la même personne. Donnez-lui un rôle dans une grande série au plus vite!

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Les huit épisodes de La médiatrice sont disponibles sur Tou.tv et durent entre 8 et 12 minutes chacun. Vous pouvez texter un ou une amie en plein milieu (surtout si c’est pour lui dire de regarder) sans perdre le fil. En plus, vous allez en sortir grandis! Chapeau bas aux conceptrices Marie-Hélène Lebeau-Taschereau et Marie-Élène Grégoire! Toutefois, autant puis-je aimer le format, j’aurais aimé de plus longs épisodes pour en avoir plus.