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« Belle-Mère » et ses petites Cendrillon compliquées

Une petite série bien sympathique qui déconstruit le mythe de la méchante voleuse de papa.

Par
Benoît Lelièvre
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Walt Disney se retournerait dans son congélateur s’il pouvait observer l’ampleur de l’emprise que son imaginaire exerce encore sur la culture populaire.

Prenez la belle-mère de Cendrillon, par exemple. C’est elle qui se cache derrière chaque personnage de belle-mère froide, insensible et voleuse de papas. Non, mais pouvez-vous me nommer un personnage de nouvelle blonde d’un jeune père qui soit gentille, sensible, nuancée et qui ne tombe pas dans le stéréotype de la boniche ou de la mère Teresa de Belœil? À la télé comme au grand écran, ça ne court pas les rues.

Eh bien, figurez-vous donc que j’en ai rencontré une, cette semaine. Elle se nomme Frédérique et elle est le personnage principal de la série Belle-Mère, disponible dès maintenant sur Tou.tv EXTRA. Belle-Mère est une comédie qui se décline en huit épisodes de quinze minutes chacun. En plus d’être un réel bonbon télévisuel, ça déconstruit un tas d’idées préconçues sur la parentalité, la famille et le droit de retomber en amour quand on a des enfants.

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Trouver sa place dans un écosystème brisé

Belle-Mère, c’est l’histoire de Frédérique (interprétée par une Camille Felton pétillante), une jeune étudiante à la maîtrise de 25 ans qui tombe amoureuse de Jules (un Philippe-Audrey Larrue Saint-Jacques toujours aussi efficace). Une romance somme toute ordinaire à un détail près : Jules est papa d’un petit garçon de quatre ans prénommé Arnaud et les deux tourtereaux sont déterminés à ne pas laisser ce « détail » les séparer.

Au-delà d’une comédie écrite avec cœur et énergie par Francesca Gauthier et Julien Pelletier, Belle-Mère est une série sur le besoin de trouver sa place à l’âge adulte.

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Ça peut paraître simpliste, mais l’âge précoce auquel Frédérique est confrontée à la responsabilité de remplir un rôle dans un système familial brisé, ça donne une nouvelle perspective sur la pression à laquelle font face les beaux-parents de réparer une blessure sans avoir la légitimité d’un lien de sang avec un enfant. C’est compliqué, ça demande énormément d’abnégation et une clarté émotionnelle qui n’est définitivement pas accessible à tout le monde.

Grâce à son « groupe de soutien » composé de Geneviève (une Myriam Fournier en plein dans son élément) et Christophe (un Sacha Charles très à l’aise dans le rôle de douchebag qui découvre son grand cœur), deux autres beaux-parents rencontrés lors de leur expulsion d’un véritable groupe de soutien aux beaux-parents aux règles un peu intenses, Frédérique apprend à comprendre les implications de sa décision de partager la vie d’Arnaud avec les doutes et insécurités que ça implique.

La série présente aussi les enfants sous un jour différent. Au diable, les petites créatures pures et remplies d’amour, les enfants de Belle-Mère sont des petites machines génératrices de chaos pleines de caprices et de contradictions qui doivent être constamment surveillées. Mais c’est ça, aussi, un enfant : un gros criss de contrat pour une relation à peine entamée.

La belle-mère de Cendrillon est une marâtre, oui, mais elle avait peut-être juste pas envie de tout recommencer avec un autre mioche. Le problème, c’est qu’elle l’exprimait fucking mal.

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Parler des vraies affaires avec humour

Un autre aspect de Belle-Mère que j’ai particulièrement apprécié, c’est sa capacité à faire passer des messages sans tomber dans ce que j’appelle « le piège de la comédie dramatique ».

Certains moments clés sont beaucoup plus sérieux (entre autres une colère poignante et mémorable de Philippe-Audrey Larrue Saint-Jacques à propos des terreurs nocturnes d’Arnaud), mais Francesca Gauthier et Julien Pelletier arrivent à parler de situations difficiles sans toutefois sacrifier leur sens de l’humour et ça, c’est plutôt rare. La série nous garde sur les talons, à constamment réfléchir et questionner la nature des images qu’elle nous montre. Elle ne se contente pas de présenter un enchaînement de scènes drôles et de scènes qui font réfléchir. On ne sait jamais à quoi s’attendre.

C’est beau, c’est drôle, c’est plein de vie et ça en vaut la peine.

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Le meilleur exemple, c’est la première confrontation entre Frédérique et l’ex de Jules (jouée par une Catherine Chabot impérieuse). Un moment lourd de sens à la base, mais filmé comme une scène de duel dans un western où Frédérique essaie de maintenir sa dignité vêtue uniquement d’un pyjama en moumou rose. Le silence et le malaise rendent à eux seuls la scène hilarante, mais elle n’est pas que comique.

Cette scène illustre aussi le gouffre énorme entre la monotonie du quotidien et la confrontation idéologique avec une ex avec qui une jeune belle-maman comme Frédérique se sentira toujours comparée. Camille Felton ne perd jamais de vue le potentiel humoristique de la scène dans son interprétation, mais on ressent aussi une touche de fierté et de frustration qui rendent la scène encore plus poignante.

Belle-Mère est disponible dans son entièreté sur Tou.tv Extra depuis mercredi. À vous claquer en une soirée ce week-end, avec un p’tit verre de vino!

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