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Non, Voltaire n’a jamais dit « Je ne suis pas d’accord avec ce que vous dites mais je me battrai jusqu’à ma mort pour votre droit de le dire ». C’était pas son style. Mais c’est pas mal le mien, par exemple.
Vous me voyez venir.
Vous me voyez tellement venir à cent milles à l’heure que je vais le dire tout de suite, et comme ça vous pourrez arrêter de lire et commencer à écrire vos commentaires haineux tout de suite.
J’espère que Mariloup Wolfe ne gagnera pas son procès.
Vous savez duquel je parle. Heureusement que PKP se présente pour le PQ, sinon on n’aurait parlé que de ça toute la fin de semaine.
Alors là c’est le bout où j’explique pourquoi je pense comme ça, parce que c’est loin d’être l’opinion en vogue, apparence.
Je vous dirais que c’est assez simple.
Vous connaissez sûrement mon aversion profonde pour le satané idiot qu’est Gab Roy. Vous savez certainement que je le trouve abject, insipide, ignorant, odieux, et plein d’autres mots comme ça qui sont plus souvent utilisés pour des choses qu’on trouve à l’Insectarium que pour des êtres humains. Vous savez peut-être même qu’il a déjà menacé de venir directement chez moi pour me « péter les dents », on camera.
Bref: on ne peut pas dire que je sois son fan #1.
Ce dont je suis fan, et je dirais même fanatique, c’est la liberté d’expression. Et oui, je suis d’avis qu’on devrait, à quelques exceptions près, avoir le droit de tout dire. Je ne crois pas qu’on devrait empêcher quelqu’un de faire des films de gore extrême. Je ne crois pas qu’on devrait interdire des chansons de rap parce que les paroles sont misogynes ou violentes. Et cette conviction profonde ne s’arrête pas à des entreprises artistiques que j’apprécie (ou pas). Elle s’étend aussi à des gérants de bar qui trouvent amusant de faire des blagues de viol en pleine rue Beaubien, et à des « humoristes » bâtis pour qui décrire une agression sexuelle sur une personnalité publique est une source de lol.
Je ne crois pas qu’on devrait interdire aux gens d’être cons.
En fait: je ne crois pas qu’on puisse interdire aux gens d’être cons.
Dans toute appréciation réside une part, plus ou moins grande, de subjectivité. Dans le cas qui nous occupe, la lettre de Gab Roy a été, globalement, considérée comme odieuse et affreusement déplacée. Je suis tout à fait d’accord: Gab Roy est, selon toute vraisemblance et malgré le fait qu’il brandisse son QI à qui mieux-mieux et que tout le monde qui le connaît personnellement m’ait toujours dit qu’il est vraiment un bon jack et un super bon père, ce qu’on pourrait appeler en langage courant un sapré colon. Un gars qui n’a pas assez de jugement pour la vitesse de ses doigts sur le clavier. Un gars qui n’a pas conscience des limites du bon goût et de la décence. Et probablement le pire porte-étendard pour la liberté d’expression qu’il nous ait été donné de voir depuis longtemps. Vous comprendrez que j’ai zéro fun à être de son bord, là. Le discours de ce gars-là a généralement la profondeur d’une chanson d’Andrée Watters. Sauf que j’ai comme pas le choix.
Le grand problème est justement là: si on légifère la décence, on ouvre tout droit la porte à un procès comme celui de Remy Couture, par exemple. Si on laisse à une Cour le soin de choisir ce qui a le droit d’être dit ou non, on embarque dans une pente assez glissante merci.
Vous me direz qu’il n’y a pas de lien entre un procès comme celui de Couture, où on accusait l’oeuvre de quelqu’un d’être contraire aux bonnes moeurs, et celui de Roy? Je vous répondrai que la ligne est beaucoup plus mince: dans l’article qui a annoncé la poursuite — un scoop, faut-il le rappeler, de Sophie Durocher — on ne parle pas beaucoup de dommages réels: Wolfe dit avoir été humiliée, certes, mais l’accent est surtout mis sur le fait que les propos de Roy « ne sont pas acceptables, selon la poursuite, «dans une société moderne et égalitaire comme la société québécoise, que ce soit au nom d’une quelconque liberté d’expression ou encore en se cachant lâchement derrière un humour de mauvais goût» » et, personnellement, wô boboy que je n’aime pas me faire dire qu’on n’a pas le droit de publier quelque chose « au nom d’une quelconque liberté d’expression ».
La liberté d’expression n’a rien de quelconque. Elle est, au contraire, fondamentale.
Et je refuse de la voir être soumise à « ne pas faire de peine à quelqu’un », si blonde, gentille, cute et connue soit-elle.
Ce que la liberté d’expression n’est pas, par contre, c’est un passe-droit. Parce que Gab Roy semble penser que la liberté d’expression, ça veut dire « dire ce que tu veux sans subir de conséquences », et c’est faux. Ça ne veut pas dire ça. Ça veut dire que tu peux choquer des gens et que tu as le droit de choquer des gens, mais que ces gens-là ont aussi le droit de te traiter de crétin, de faire des campagnes pour que tes commanditaires te quittent, de faire annuler tes tournées de spectacles, et toutes sortes d’autres choses. Ça ne veut pas dire qu’ils sont contre la liberté d’expression. C’est qu’ils sont contre toi, mon grand. Ou, peut-être contre la connerie.
J’étais bien content de voir beaucoup de gens sur Internet être fâchés noirs contre le Nacho Libre il y a quelques semaines; c’est, comme on dit dans le jargon marketing, un pas pire move de marde, de mettre des jokes de viol sur ton enseigne de bar pour inciter les gens à entrer. On s’entend que c’est pas l’idée du siècle. Auraient-ils mérité une poursuite? Je ne crois pas. Le peuple s’en est chargé; ce serait bien étonnant qu’une table ronde féministe se tienne dans cet endroit à l’avenir, par exemple. T’as fait une connerie, mon grand? Ben c’est ça. T’as fâché du monde, pis il va falloir que tu considères peut-être ne pas trop être un imbécile à l’avenir. Mettons, si jamais il te vient l’idée d’offrir un flacon de GHB à l’achat de deux quilles de Bleue Dry.
J’ai tenu la même position dans le désormais légendaire cas de Blanc v. Jodoin. Les agissements de Simon Jodoin envers Michelle Blanc étaient-ils gentils, délicats, sensibles? Pas une estie de miette. Jodoin méritait-il de se faire poursuivre? Pas plus. Et j’ai été fort soulagé de le voir triompher en cour.
Parce qu’il n’y a pas de loi contre être pas fin. Ce n’est pas illégal d’être méchant sur internet – ni ailleurs – sauf quand ça devient du harcèlement, par exemple. Et c’est un des seuls points où je rejoins Mike Ward dans son billet de blogue sur le sujet (d’ailleurs, Mike, tu devrais te pogner Antidote, c’pas trop cher) : il serait étonnant que quiconque ait changé d’opinion au sujet de Wolfe suite au texte de Roy. À moins que je me trompe terriblement, la réputation de la victime n’aura subi aucun dommage. Y’a un moron qui a été moron à son sujet sur le web, oui, mais ce n’aura pas été du harcèlement (qui doit être, par définition, sur une longue durée) ni une atteinte à sa réputation (parce que, comme je l’ai dit, et j’insiste, personne ne pense moins de Mariloup Wolfe depuis que l’autre roux aik des bras a écrit son torchon).
Gab Roy devrait juste finir par apprendre que ce même si ce n’est pas illégal, c’est pas nécessairement une bonne idée, d’être un hostie de cave.
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