Vous voulez un vélo neuf ou usagé en bon état (et surtout pas cher), mais vous n’avez encore entrepris aucune démarche? J’ai le regret de vous annoncer que vous risquez de marcher, faire du rollerblade ou (horreur!) courir cet été.
Eh oui, les montures à deux roues ont encore la cote cette année et s’envolent aussi vite que les skis de fond l’hiver dernier ou les cotons ouatés « L’amour crisse» sur mon fil Facebook.
«La COVID a causé des retards chez les fabricants et dans la chaîne d’approvisionnement au niveau mondial»
Plus même, puisque plusieurs boutiques sont déjà pratiquement à sec et ne recevront pas de vélos neufs avant plusieurs mois, à l’heure où l’on doit encore se tourner vers des passe-temps pandémiques pour avoir un semblant de vie normale. « Tous nos partenaires observent la même chose. La COVID a causé des retards chez les fabricants et dans la chaîne d’approvisionnement au niveau mondial », constate le PDG de Vélo-Québec, Jean-François Rheault.
Il cite en exemple ces données récentes émises par la firme Moneris, faisant état d’une hausse de 32% des dépenses reliées au vélo en 2020 au Québec. « Avec la COVID, les gens ont envie de bouger, être dehors et le vélo répond à ça », souligne M. Rheault, qui espère que les autorités vont continuer à supporter des infrastructures réservées aux vélos. « Plus on donne d’espace aux cyclistes, plus ils le prennent », résume-t-il.
Mais revenons à nos mout…vélos. J’ai donc pu témoigner de cet engouement monstre au cours d’une tournée de boutiques de vélos effectuées… en vélo (oui, gros concept).
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J’ai d’abord baissé mon stand chez Vélo 7 MTL au bout de ma rue, sur Masson dans Rosemont. C’est notre boutique depuis quelques années. Mon père est toujours rendu là, au point que je soupçonne le propriétaire Miguel Lopez de m’avoir bumpé sur son testament.
« À ce temps-ci de l’année je devrais avoir une quarantaine de vélos, mais depuis le début du mois, je n’ai plus rien. Je fais des réparations à 100% »
Miguel – néanmoins adorable – admet une «grande folie» présentement dans son univers, répartie sur quatre saisons. « Avant je fermais l’hiver, mais je peux maintenant ouvrir à l’année. C’est toujours occupé », résume Miguel, devant des dizaines de vélos à réparer qui envahissent tout l’espace de sa petite boutique.
À réparer, puisque ses stocks sont déjà à sec. « À ce temps-ci de l’année je devrais avoir une quarantaine de vélos, mais depuis le début du mois, je n’ai plus rien. Je fais des réparations à 100% », résume celui qui écoule d’ordinaire de bons vélos usagés entre 100 et 250$.
Les plus populaires pour la ville : les hybrides avec « de gros pneumatiques pour les nids de poule », rigole Miguel, qui ferme boutique dans quelques mois pour s’installer avec sa famille au bord de la mer au Mexique. Une grosse perte pour le quartier et pour mon père, qui devra réapprendre à m’aimer. « On verra si quelqu’un reprend le commerce, parce qu’il y a beaucoup de nouveaux clients et on fonctionne à plein régime sans publicité, seulement avec le bouche-à-oreille », souligne-t-il.
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À un jet de pierre (mais avec un bon bras), Bicycles Quilicot propose des modèles un peu plus haut de gamme et les deux étages de la boutique sont déjà bien achalandés à mon passage peu de temps après l’ouverture.
« Le problème est mondial. Presque tous nos vélos sont précommandés et vont arriver environ en juillet. »
Le directeur de la succursale, Rémi Leduc, témoigne de la très forte demande actuelle, similaire à l’an dernier. « On a plus un problème en matière de chaîne d’approvisionnement, mais le problème est mondial. Presque tous nos vélos sont précommandés et vont arriver environ en juillet », raconte Rémi Leduc, ajoutant que ce « beau problème » constitue toutefois un défi d’adaptation. « On vit présentement ce qu’on voit d’habitude en fin de saison. On a augmenté le staff et toutes les catégories de vélo sont touchées. Quelqu’un qui veut un vélo maintenant, ça ne sera pas possible », explique le directeur, invoquant quelques facteurs justifiant cette liesse. « Les gens veulent s’éloigner du transport en commun et meubler leur loisir », résume Rémi.
C’est sans compter bien sûr la météo, qui a décidé de donner des airs de mai au mois de mars, au point de compromettre sérieusement la pertinence de l’expression « en avril on ne se découvre pas d’un fil ».
La surenchère explose dans les ventes de vélos usagés.
Bref, la frénésie entourant le vélo est telle, que Bicycles Quilicot rapporte quatre-cinq tentatives d’introductions par effraction dans ses boutiques en deux mois, du jamais vu. « C’est super rare que ça arrive, mais là c’est un record en aussi peu de temps. Disons que notre vitrier est très content », badine Rémi.
Comme la demande dépasse largement l’offre, la surenchère explose dans les ventes de vélos usagés, s’inquiète-t-il. « Les prix de vente sont hallucinants, j’ai vu des prix de vélo usagés au prix du neuf. Je conseille aux gens d’acheter un bon cadenas et de faire évaluer leur vélo usagé par un technicien avant de l’acheter », suggère Rémi Leduc, qui veut éviter aux cyclistes de mauvaises surprises.
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Chez Vélomane dans Hochelaga-Maisonneuve, on impute à la pandémie et au temps exceptionnel l’enthousiasme pour le vélo. Le propriétaire André Desmeules met toutefois quelques bémols. « Pour moi la pandémie, c’est comme être sur le neutre. Les vélos se vendent oui, mais ils sont livrés en retard et il faut être agressifs pour mettre la main sur des stocks. Bref, la demande est là, mais pas les stocks », résume André, qui a dû jouer du coude pour commander des vélos, allant même jusqu’à avancer 100 000$ pour en obtenir. « J’ai même commencé à organiser mes commandes de conteneurs pour 2022 », illustre le propriétaire, qui n’a qu’une seule monture à vendre en magasin à mon passage: un vélo de ville vintage en acier à 400$. « On a des conteneurs prévus cet été jusqu’en juillet », assure-t-il.
« la demande est là, mais pas les stocks »
D’ici là, André met aussi en garde les cyclistes contre la surenchère qui explose dans l’usager sur des sites de reventes en ligne, comme Kijiji. « Si tu vois un vélo à 100$, c’est sûrement un vélo volé. Sinon les gens se font avoir, je vois des cas pathétiques », se désole André, qui encourage vivement les gens à faire évaluer leur achat par un mécanicien avant de finaliser la transaction. « On voit aussi beaucoup de gens faire réparer des vélos qu’ils vendraient d’habitude », ajoute-t-il.
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J’ai ensuite roulé jusqu’au Canadian Tire le plus proche, pour voir si la folie des bécyks à pédales avait aussi frappé les magasins grandes surfaces.
Surprise, la section vélo n’a pas été dévalisée. Au contraire, on en retrouve en grande quantité et à plusieurs endroits sur le plancher. « Nous on s’est préparé en avance à ça alors on en a commandé beaucoup. Alors tu payes et tu pars avec », souligne un employé devant une rangée de vélos « Supercycle » à 129$.
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J’ai fait un dernier arrêt chez Vélo Urbain sur Papineau, où le propriétaire accueille les clients à la chaîne au petit comptoir installé devant la porte de la boutique. « Ça va super bien, mais c’est chaud rapidement cette année. Même en janvier j’avais déjà beaucoup de commandes pour ce printemps », résume Philippe Vezies, qui observe une croissance constante chaque année depuis l’ouverture de son magasin il y a dix ans. Les clients doivent s’inscrire en ligne pour se présenter en magasin et son calendrier de rendez-vous était rempli à notre passage. « La hausse mondiale des achats de vélos explique les retards d’approvisionnement en vélos et en pièces », observe-t-il.
En verrouillant mon vélo sur mon balcon au retour de ma tournée, je regarde ma vieille bécane avec affection. Mon vélo m’a peut-être coûté 100$ il y a deux ans, j’ai l’impression qu’il vaut de l’or.
Tiens, je vais le rentrer en dedans d’ailleurs.
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