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Passion ski de fond

Les fondeurs sont les joggeurs de la deuxième vague.

Par
Hugo Meunier
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C’est officiel, le ski de fond s’ajoute à la longue liste des activités pandémiques qui ont occupé la populace depuis mars, avec la fabrication de pain, le stockage de papier de toilette, le badigeonnage de Purell, le rollerblade, la délation, le complotisme, la course, le roller-blade, le cochonnage de la Gaspésie et la gérance d’estrade sur les réseaux sociaux.

Enfin une activité saine permettant de prendre une puff d’oxygène à peu de frais, qui semble connaître un engouement monstre à en juger par un modeste coup de sonde sur le terrain.

Si plusieurs reportages ont fait état de la pénurie d’équipements et des boutiques de plein air prises d’assaut, on a voulu donner la parole aux fondeurs; les nouveaux adeptes comme les inconditionnels.

Nous avons d’abord mis le cap à Laval, à l’entrée des sentiers des Coureurs de boisés, un site comptant 25 kilomètres de pistes situé sur le rang Elzéar à Duvernay.

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Plusieurs fondeurs rencontrés là-bas seront fâchés après nous, puisqu’il s’agit apparemment d’un trésor caché. De moins en moins à en juger toutefois par le stationnement déjà bien rempli en ce jeudi matin.

Charles Harvey range ses skis dans le coffre de sa voiture après une promenade d’une heure. C’est la troisième fois qu’il en fait cette saison, mais c’est surtout une sorte de retour aux sources pour le Montréalais de 27 ans, qui avait raccroché ses bâtons il y a plusieurs années. « Je viens du Saguenay, alors j’en faisais avec ma famille quand j’étais jeune. Je voulais me rééquiper depuis un bout et j’ai décidé de passer à l’action cette année. Les gyms sont fermés et j’avais besoin de bouger », raconte Charles, qui s’est d’abord frotté à la pénurie d’équipement. « Il n’y avait plus rien à Montréal, alors mes parents m’ont acheté le stock au Saguenay. C’est une bonne activité ressourçante et ici c’est vraiment cool comme spot », louange Charles.

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Pour les Marcant, le ski de fond est depuis longtemps une affaire de famille. « On n’a pas beaucoup de temps, on est dans notre pause du midi », prévient Céline qui est venue avec son conjoint Cyrille et leurs deux enfants. « Avec la pandémie, on devrait venir plus souvent, mais il manque encore de neige un peu », analyse Céline, avant de s’élancer avec Cyrille rejoindre leurs enfants qui ont fugué vers le boisé à vive allure.

À cause du manque de neige, il n’y aurait d’ailleurs que deux pistes ouvertes. Rien pour décourager Andreï, qui a de nouveau farté ses skis après une retraite de plusieurs années. « J’en faisais professionnellement dans ma jeunesse en Russie, mais je n’avais plus le temps avec la famille, les enfants », explique Andreï, qui a décidé de s’y remettre pour bouger un peu dans le contexte actuel. « Je m’entraîne à la maison, mais ça fait du bien de respirer l’air frais, tout simplement. »

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Si quelqu’un mérite de venir se ressourcer dans les sentiers, c’est bien Antoine, un infirmier clinicien affecté aux urgences à la Cité de la santé, en première ligne depuis la première vague. « Ça me fait du bien, c’est relaxant et je suis capable de décrocher. J’ai déjà remarqué qu’il y a plus de monde, ça ralentit un peu, mais on n’est pas ici pour être stressé », confie le jeune homme, qui pratique le ski de fond sur une base régulière depuis quelques années. « Avant j’en faisais une ou deux fois par semaine et je complétais avec le gym. Là, je vais venir 4-5 fois par semaine » prévoit le Terrebonnien, qui a déjà une dizaine de sorties à son actif cette saison.

Un peu plus loin, Florence, une jeune Montréalaise, raconte avoir pris goût au ski de fond il y a deux ans et promet de redoubler d’ardeur avec la pandémie. « Je ne me sens vraiment pas en forme, d’habitude je fais des cours de yoga, de danse et je joue au ping-pong », énumère l’étudiante en musique au Conservatoire, bien tannée de ses cours sur Zoom. Florence vante les bienfaits du ski de fond, tant pour le sport que pour la musique. « C’est un moment où tu ne penses à rien et où tout le corps travaille. On ne met pas assez d’emphase sur l’aspect physique en musique mais pourtant, la posture et la forme sont importantes », souligne-t-elle.

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Skidefondmania au parc Maisonneuve

Les fondeurs étaient nombreux au parc Maisonneuve. Très même, sans doute à cause du soleil printanier qui brillait au-dessus de nos têtes. Line, une habituée, n’a d’ailleurs jamais vu une telle effervescence dans les quelques sentiers éparpillés au parc et au Jardin botanique. « On ne rencontre jamais personne d’habitude à ce temps-ci et à cette heure-ci. Ça donne un beau portrait de Montréal », s’enthousiasme celle qui aime jouer dehors et s’aérer l’esprit. « Je vais en faire plus avec la pandémie, qui m’aura appris qu’il faut prendre soin de notre petit bonheur quotidien », philosophe la Montréalaise.

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Les néophytes sont nombreux à apprivoiser leur nouveau passe-temps ici. Parmi eux, Julien, Rémi et Émilie ont visiblement trouvé une agréable manière de maintenir la forme sans sortir de la ville. « On trouvait qu’on ne profitait pas assez de l’hiver avec les gyms et les voyages. Des fois, ça fait du bien de lâcher les écrans et de profiter de la vie pour être dehors! », lance avec enthousiasme Émilie.

Même constat pour Rémi, un pilote d’avion qui prend un peu plus le temps de savourer la vie sur la terre ferme. « C’est notre troisième fois cette semaine, d’habitude, j’allais plutôt au gym », explique-t-il.

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Évidemment, ce reportage serait incomplet sans la présence d’un tout nouveau fondeur. Ce spécimen existe, se prénomme François et est âgé de 64 ans. On l’a repéré de loin d’ailleurs, en le voyant avancer un peu chancelant sur ses skis. Une sorte de profilage sportif, oui. « Je viens de tomber après mes premiers trois pieds », admet avec franchise le principal intéressé, qui s’est mis au ski de fond pour remplacer les deux heures de gym qu’il faisait par semaine. « J’ai un léger diabète, alors je dois bouger et j’avais envie d’essayer ça. J’ai des raquettes aussi, mais il manque encore de neige », raconte ce citoyen de Villeray, qui a aussi eu du mal à mettre la main sur son équipement. « Il n’y avait plus rien à louer depuis novembre, j’ai finalement trouvé du neuf. Je ne sais pas si je vais en faire beaucoup, c’est un test », admet François, qui repart sur ses skis avec une belle détermination.

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En quittant le parc, on croise Michelle en train d’enfiler ses skis, un sourire estampé au visage. Lorsqu’on lui parle de ce nouvel engouement, cette inconditionnelle s’exclame. « C’est fou! C’est beaucoup plus calme d’habitude. Là, il y a plein de nouveau monde et beaucoup de jeunes! Je trouve ça plaisant », résume la sympathique dame, qui habite à quelques rues du grand parc.

Rendu là, il ne nous reste qu’une chose à ajouter (désolé d’avance): à vos marques, prêt, fartez!