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Je me suis fait fabriquer la plus grosse épée de GN possible

C'est la taille qui compte.

Par
Clément Hamelin
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Oui, j’ai déjà fait du grandeur nature. J’ai joué un devin, un usurpateur et même un guerrier mi-homme, mi-ours. Même si j’aimais ça, mettons que ce n’est pas la première info que je donne à mon sujet sur une date.

J’étais cependant loin de ce qu’on peut voir, chaque année, quand les vrais tripeux de grandeur nature se réunissent à Bicolline. Mes amis et moi, on faisait avec les moyens du bord. Des épées faites avec des tubes de PVC et du duct tape, des costumes patentés avec des retailles de tissu trouvé aux Renaissances et un jeu de piètre qualité avec un français international.

Je n’avais jamais goûté au vrai grandeur nature… jusqu’à tout récemment.

On est à la mi-novembre et je suis en route vers Sherbrooke, sans trop savoir ce qui m’attend. Tout ce que je sais, c’est que je m’en vais dans une des plus grandes fabriques d’armes de combats synthétiques en Amérique du Nord : Calimacil.

Depuis 8 ans, chaque année, plusieurs fabricants et artisans d’accessoires médiévaux se réunissent annuellement dans les locaux de l’usine pour célébrer leur savoir-faire, tenir des ateliers, et s’en swinguer une ou deux avec des glaives en mousse de polyuréthane flexible (dite “mousse calimacil”).

Ma quête est simple, sortir de là avec une épée en mousse personnalisée et, idéalement, imposante. Il est temps qu’on me respecte, au bureau.

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Arrivée à la fabrique

Dès mon arrivée, on m’informe que, si je veux me mériter une arme, va falloir que je joue le jeu.

Shit. Je suis gêné, mais mon enfant intérieur a le goût.

On me demande ce que je veux comme armure.

« Sortez-moi de ma zone de confort ».

Je travaille pour URBANIA, quand même. Pas vrai que je vais me déguiser en mage niveau deux.

L’armurier (qui est aussi le responsable des communications de l’entreprise) revient avec une armure qui me rappelle drôlement la robe d’après-bal de Sauron.

Je vais tellement avoir chaud.

« Et ce sera quoi, ton nom? »

Deux semaines plus tôt, j’ai mixé dans un party d’Halloween déguisé en chevalier et on m’avait baptisé DJ Goldorak pour la cause. Je décide que c’est ça, mon nom.

« On va t’appeler Goldo, pour ne pas fâcher les admirateurs de l’émission. »

OK.

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On me présente à l’empereur (c’est-à-dire, le fondateur de l’usine Calimacil), Patrick Lessard. C’est pas pour me vanter, mais il est pas mal impressionné par mon look.

Patrick a fondé l’entreprise en 2004. En bon ingénieur « patenteux », il voulait créer un produit innovateur pour proposer des armes robustes, mais sécuritaire. C’est là qu’il a eu l’idée de fabriquer des épées à base de mousse d’uréthane.

«J’ai fait des tests pendant plus de 8 mois pour finalement tomber sur la recette parfaite. […] Cette année, on va atteindre plus de 20 000 unités vendues».

Le GN de qualité, ça pogne.

Maintenant que les présentations sont faites, on commence la visite de l’usine pour que je choisisse les pièces de mon arme. Au final, je veux que celle-ci corresponde aux ambitions de Goldo, Seigneur des ténèbres et Protecteur du royaume des médias.

Une fois les différents morceaux choisis, je peux les remettre aux artisans du fer. Forger une épée prend du temps, et ça tombe bien, parce que j’avais beaucoup de questions.

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Table ronde

Tout d’abord, la question qui bouillonne sous mon casque de huit tonnes: qui achète des épées en mousse? Qui sont ces 20 000 acheteurs?

« 24% de mes ventes sont au Québec. Le reste va aux États-Unis et en Europe. Les gens reconnaissent l’expertise québécoise. Ils ne disent pas “j’ai une épée en mousse”, ils disent “j’ai une Cali [pour Calimacil]” », me confie Patrick.

Ok, c’est pas la première fois qu’on entend dire que l’étiquette made in Québec rayonne à l’international. Mais pourquoi réunir tous ses compétiteurs sous le même toit, l’espace d’une journée?

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« C’est un petit milieu hein, et quand j’ai commencé, on se demandait : “C’est qui lui, l’ingénieur, avec ses bébelles? Pourquoi est-il là? […]” J’ai vite compris qu’il fallait que je me fasse des amis, si je voulais que mon projet fonctionne. J’ai choisi l’avenue de la collaboration, en mode, “eille, si on s’unit, qu’on montre qu’on a du talent et des idées folles, qu’on crée un rassemblement, on va pouvoir bâtir une communauté autour de notre passion.” »

Bon, en tant que Seigneur de guerre, j’aurais juste écrasé la compétition, mais je peux comprendre ses intentions beaucoup plus nobles.

Tout en marche pour mon arme

Tels des nains qui s’affairent dans les mines de la Moria (trop niché comme référence?), je vois les forgerons à l’œuvre. Je ne sais pas si c’est parce qu’ils ont peur de moi ou parce qu’ils sont passionnés, mais c’était beau à voir.

Le président fondateur m’invite à faire le tour des ateliers en attendant que mon arme soit prête. Je visite les différents kiosques. Fabrication de costumes, cours d’escrime et visite guidée de l’usine : entre vous et moi, je n’ai jamais été autant frappé par la fièvre du geek.

J’ai fait des duels à l’épée contre de preux chevaliers, pratiqué mon tir d’archer tel un Legolas version beaucoup moins sexy, et j’ai même participé à un jeu de Donjons et Dragons boosté avec une immense maquette.

Familles, enfants et paysans étaient présents à la foire pour célébrer leur passion. Certains étaient en personnages, d’autres non.

Considérant que dans le vrai de vrai monde, « toute va mal », c’était réconfortant de voir des gens se réunir autour d’une passion qui les allume.

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La fin de l’aventure

Alors que j’étais en plein photoshoot, le fondateur de Calimacil vient me retrouver pour me remettre mon arme. Ma première vraie épée de GN. Wow, c’est donc ça, être puissant.

Mon règne peut enfin commencer. La tête que vont faire mes collègues quand je reviendrai au bureau avec ça.

On a souvent tendance à juger les amateurs de GN, mais quand on se prête au jeu, on peut facilement y trouver son comble. Et puis, ça fait du bien, des fois, prendre un break de notre maudite réalité poche.