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Au fil des kilomètres qui s’éternisent, la Côte-Nord livre peu à peu ses reflets indomptables. Les berges de la 138 se maquillent de fleurs mauves et l’air se remplit du parfum musqué des marées basses. Je file au rythme des carcasses de porcs-épics vers le début du lointain, traversant des villages coincés entre les falaises dynamitées et les rivières à saumon qui coulent comme une promesse de dépaysement.
Je m’arrête à Baie-Trinité, là où tout a commencé, méconnaissable de verdure estivale. Les corneilles rôdent au moins toujours autour de l’église rouillée.
Il reste encore du bitume à taper. Destination Maliotenam, pour la tenue du festival Innu Nikamu.
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« L’Innu chante » réfère à une tradition emblématique de la région depuis 1984. Avant de pêcher le crabe, je n’avais jamais entendu parler de ce rassemblement musical de cinq jours, pourtant l’un des plus importants au pays pour les communautés autochtones.
Je reprends la route en quête de sa musique et de ses rites, et peut-être aurai-je la chance de coucher sur pellicules le visage de ces voisin.e.s dont le Sud ne connaît rien.
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La communauté de Uashat Mak Mani-Utenam, épicentre culturel et grand vivier musical du Nitassinan, est un hôte tout indiqué. Innu Nikamu est d’ailleurs l’un des seuls festivals autochtones présentés sur le territoire même d’une réserve. Depuis ses tout débuts, il s’est établi sur le site de l’ancien pensionnat autochtone Notre-Dame-de-Maliotenam, fermé en 1971.
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La charge symbolique est des plus significatives et remue à la vue des toutous accrochés portant la mémoire des récentes découvertes ayant bouleversé le pays tout entier.
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Je me stationne dans une forêt de pick-ups donnant sur un fleuve auquel il est impossible de s’habituer. Grande réunion annuelle, Innu Nikamu attire des membres de presque chaque communauté du Québec. Cris de la Baie-James, Atikamekws de la Mauricie, Anichinabés de l’Abitibi. Naskapis portant le hoodie de Kawawachikamach, Innus de la Minganie et du Labrador. Tiens, un t-shirt Straight Outta Lac Simon. Comme j’arrive une journée en retard, les motels de Sept-Îles sont déjà pleins.
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Jeudi après-midi, l’ensemble multiculturel OktoEcho s’active sur scène. Des artistes soufis rencontrent les chants de gorge du Nunavik, suivi d’un dialogue dansant entre un Samā’, jeune musulman tournoyant aux côtés d’une partenaire habillée d’un regalia.
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« Célébration de l’universalité du chant et du mamu [l’être ensemble en innu] », souligne l’écrivaine Naomi Fontaine au micro pour la journée.
Je suis témoin d’un premier makusham, cette grande danse circulaire dictée un pas à la fois et qui n’existe que s’il y a groupe.
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Du décor humain, ce qui frappe est l’abondance d’enfants. Dans ce coin du monde où l’on devient souvent parents à l’aube de la vie adulte, des myriades de petites âmes étourdissantes d’énergie courent entre les festivalier.ère.s et les tipis. Un spectacle somme toute, bien loin de l’ÎleSoniq.
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Sur les ailes du site, on retrouve des kiosques à friandises, de l’artisanat, des groupes d’intervention sociale et des tentes pour magasiner des jupes traditionnelles et de fausses casquettes Gucci.
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Derrière la scène, l’action se concentre autour du shaputuan, une grande structure érigée sur le long où règne le fumet de sauge. À l’intérieur de ce backstage ancestral, les musiciens et musiciennes viennent accorder leurs guitares, bavarder et manger du homard, servi au kilo par une équipe de bénévoles à la gentillesse proche de la sainteté.
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L’artiste multidisciplinaire Kathia Rock, native de Maliotenam et montréalaise depuis son adolescence, évoque sa relation avec l’événement. « Innu Nikamu, c’est le rassemblement entre artistes. C’est échanger, construire des collaborations avec des interprètes. C’est aussi rencontrer sa famille, partager des repas traditionnels, profiter de la plage avec les enfants et les petits-enfants. C’est revenir chez soi. »
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On réalise assez rapidement que le festival transcende sa programmation musicale et s’établit comme la manifestation d’un patrimoine, mais aussi d’une identité à préserver, bourgeonnant à travers la pérennité d’une langue consciente des dangers qui la guettent.
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« Quand les jeunes chantent en innu, c’est magnifique parce que ça n’aurait pas dû arriver. Il ne faut jamais que ça arrête », revendique l’autrice de Kuessipan.
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En retrait de la scène, un petit feu de bouleau brûle malgré l’agréable chaleur. C’est le feu sacré, un rite qui a débuté au tout début du festival et qui sera nourri jour et nuit jusqu’à sa conclusion. Aimé est son gardien. « Il ne faut pas le prendre en photo, ça pourrait choquer les esprits », dit-il d’un calme déconcertant. Il m’invite plutôt à lancer du tabac dans ses flammes.
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Aimé est connu dans la communauté pour cette pratique qu’il honore depuis plus de dix ans à travers les pow-wow et les meteshan, les cérémonies de guérison sous les tentes de sudation.
« Le feu sacré aide à traverser l’adversité, confesse celui qui s’est sorti de la dépendance. Ma rencontre avec le feu sacré m’a vraiment aidé et m’inspire encore à continuer sur la bonne voie. Je suis proche de lui. À travers sa chaleur, j’entretiens une communion. Je me suis attaché. Je lui parle. Il prend soin de moi et je prends soin de lui. Surtout sur un site comme ici, il aide à ne pas oublier d’où l’on vient. »
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Derrière la scène, je m’entretiens avec les membres du collectif NMF, la Native Mafia Family, une formation de Maliotenam de street rap. Tous début vingtaines, ils spittent la réalité de leur communauté. « Écrire est une échappatoire des problèmes de la rez. On rappe ce qu’on ressent, comment on interprète notre quotidien. »
Questionnés sur leurs influences, ils haussent les épaules. « Sûrement la scène old school de New York. T’sais, on est les premiers à rapper à Malio. Mais on est pas trop stressés de monter sur scène, c’est notre home turf », souligne un membre en pointant sa maison derrière la clôture.
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À la pénombre, le site devient un haut lieu de romances adolescentes. Jeux de regards croisés et clichés Snapchat parfaits pour nourrir les nombreux potins.
Le chanteur folk Matiu prend place sur scène, accompagné de ses musiciens et de son chien. Il livre triomphant les paroles engagées de son deuxième album à un public conquis. On m’aide avec la traduction.
La foule hurle « INNU NIKAMU » en cœur, cri de ralliement qui sera maintes fois répété durant le séjour.
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La soirée se termine doucement. Même la police craque des blagues aux festivaliers et festivalières sur leur départ. Contrairement à la majorité des grandes célébrations estivales, le site d’Innu Nikamu est sec : pas d’alcool, de weed ou même de cigarette. Une formule restrictive afin d’assurer un climat respectueux et sécuritaire aux centaines d’enfants qui s’exercent aux vrilles sous l’emprise du sucre.
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Dans les effluves beurrés de pop-corn et le bruit de la machine à slush qui reprend vie, la journée du vendredi se déroule sous un ciel radieux où chaque coin d’ombre affiche complet. Les seuls nuages sont ceux des bulles de savon que les enfants dispersent dans le vent du festival. Comme la veille, la foule s’étend tranquillement, créant des îlots familiaux, confortables sur des chaises de plage et davantage occupées à grignoter qu’à mosher.
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Sur scène se déroule la première phase du concours Innustar, un Star Académie des communautés autochtones divisé en catégories de 5 à 17 ans. Tremplin pour demain, c’est pour la plupart des participant.e.s une première apparition sur scène avec leurs petites guitares et la gêne dans leurs pas de danse.
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Alors qu’un chanteur micmac de la Gaspésie distribue du foin d’odeur entre deux morceaux à la poésie militante, le rappeur Sans Pression prend des selfies avec tout le monde dès son arrivée sur le site. Il enlace son complice Samian, avec qui je m’assois avant son set.
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« Je suis venu jouer ici pour la première fois, il y a quoi, 18 ans? J’avais donné un CD de mes beats au soundman et je criais sur stage : “Mets la 4, la 7!” Les jeunes artistes veulent venir ici. Quand j’ai lancé mon premier album, je suis revenu pour mieux m’établir en tant qu’artiste autochtone. Innu Nikamu, c’est un passage obligé », mentionne-t-il en touchant son coeur.
« C’est la 38e édition! Pour la diffusion de la musique autochtone, c’est une plaque tournante, souligne le natif de Pikogan. On en entend parler jusque dans l’Ouest. J’ai eu des moments forts ici. J’ai fait la première partie de Kashtin à leur retour, c’était jam packed. 5 000 personnes. On pouvait plus entrer sur le site. »
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Grand ambassadeur de la culture innue, Kashtin est une formation mythique des années 80-90. Natifs de Maliotenam et pères spirituels de la scène actuelle, les deux membres, Florent Vollant et Claude McKenzie, sont aussi les initiateurs du festival.
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« Tu donnes une guitare à un enfant innu et il va te sortir de quoi, ajoute Samian. C’est une culture très musicale, même leur façon de parler est chantée. Il faut venir sur la Côte-Nord pour le réaliser, voir le nombre de groupes qui défilent sur scène. C’est toujours le fun en tant qu’Anishnabe de venir partager du temps avec eux et rencontrer des gens de toutes les nations autochtones. »
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Sur les deux écrans géants entourant la scène, on diffuse des photos des diplômé.e.s de secondaire cinq de tout le Nitassinan, célébré.e.s au son d’applaudissements nourris.
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La question d’émancipation résonne presque dans chaque discours. Innu Nikamu, même vêtu de ses habits festifs, incarne une célébration autant culturelle que politique de la condition des Premières Nations en sol québécois. Tel un écho récurrent, on y parle d’acculturation, de la perte des repères, de la crise des pensionnats, de racisme systémique, du fléau des dépendances, et bien d’autres. Un réel souffle militant vibre dans le discours des musiciens et musiciennes. Un appel plein d’espoir à vaincre la précarité.
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S’il y a bien des vieilles douilles de .12 et des canettes de Palm Bay enfouies dans le sable du stationnement, Malio est effervescente. On entend les mélodies du festival presque aux quatre coins de la réserve. Les portes des maisons sont toujours ouvertes. Après deux années d’arrêt pandémique, les rues de la communauté abondent en ventes de garage, en house party et en fameux restos maison.
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Phénomène citoyen de barbecues improvisés à menu unique, changeant chaque jour, où les voisin.e.s se font la compétition amicale. On y sert des plats traditionnels et des classiques de cantine. J’y ai mangé des fèves à la perdrix, de la tourtière à l’original, des tacos indiens, de la crème glacée, des épis beurre-sel, découvrant une nouvelle offrande gourmande à chaque coin de rue.
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On y roule lentement. Les enfants aux joues peinturées d’arc-en-ciel courent en meute à travers les chiens qui n’ont jamais connu de laisses. Deux ados sans casque sur un trois-roues me hèlent pour les prendre en photo, alors que deux fillettes font de même en laissant tomber leurs vélos. L’âge où la réserve n’est encore qu’un grand terrain de jeu.
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Si la culture innue s’inscrit davantage dans des traditions musicales country, blues-rock et surtout folk, la programmation du festival laisse également place aux styles plus audacieux. Une scène alternative, située dans le stationnement du dépanneur, met de l’avant les artistes émergent.e.s.
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La maigre sécurité est toutefois dépassée par le trafic d’assoiffé.e.s. Les véhicules se stationnent un peu partout alors que la file d’attente déborde du commerce jusque dans la rue où l’on ressort les bras lourds de canettes, indice d’une grosse soirée à l’horizon.
Plongé dans un coucher de soleil interminable, le projet nomade Mixbus accueille sur son toit des projets de death metal au emo rap incisif d’un jeune artiste aux grills natif de Pessamit.
Comme la NMF, les membres du groupe de rap FDA, Fiers D’êtres Autochtones, ont travaillé de pair avec Sans Pression dans un atelier d’écriture étalé sur plusieurs heures à Uashat. Ils profitent de la scène pour dévoiler leurs plus récentes créations.
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Derrière, la salle communautaire se prépare aux afters du festival. À vingt dollars l’entrée, plusieurs optent toutefois pour le stationnement qui devient une boîte de nuit à ciel ouvert, lieu de beuverie et de tension propre à la proximité communautaire. Les vendeuses de shooters naviguent à travers la jeunesse. Une veillée jusqu’au lever du soleil avec ses bouteilles cassées et ses yeux au beurre noir de last call. Une fête et ses excès, ici plus inévitables que choquants.
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Un ciel clément accueille, samedi, la journée de la famille avec des jeux gonflables, des clowns, des faux tatouages, des bricolages et des centaines de hot-dogs gratuits. Une atmosphère bucolique qui fait oublier les sirènes de la nuit et le pas lourd de ceux et celles qui n’ont pas encore dormi.
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En marge du festival, le climat en après-midi est encore à l’excitation, mais chez les plus vieux. Le bingo radiophonique est une tradition très attendue qui s’invite dans un grand nombre de chaumières. Pendant un bref instant, un rare silence plane sur la communauté.
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Entre la grande scène, les restos maison et la scène alternative, je me déplace en levant le pouce et on s’arrête sans hésitation. J’embarque dans les boîtes de pick-up ou derrière les quatre-roues. Un doyen surnommé « Up and Down », en chic habit folklorique, me dépose dans le stationnement du site où sa nièce m’accueille. Je lui demande l’origine du surnom de son oncle. Elle l’ignore. « Peut-être parce qu’il a parfois des sautes d’humeur », suppose-t-elle en riant.
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En soirée, je m’entretiens avec Sans Pression. La légende du hip-hop québécois joue un double rôle, à la fois artiste et parrain. En effet, lui et son équipe sont venus offrir un enseignement aux groupes de rap émergents.
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« J’adore mon expérience jusqu’à maintenant. À force de faire différents projets dans les communautés, le mot s’est passé. Je me suis attaché aux valeurs : la proximité avec la nature, le respect des aînés. C’est un autre vibe et j’aime ce vibe. À Montréal, tout ce qu’on entend, ce sont des préjugés, mais ici, c’est tout le contraire. C’est quand on retourne à Montréal qu’on devient triste », révèle le célèbre interprète de 514-50 dans mon réseau.
« Dans la musique innue, le texte est très important, alors le message dans le rap est réellement écouté par la communauté, ajoute l’artiste d’origine congolaise. Je fais du rap engagé et je réalise qu’il y a une oreille, que ça les aide, qu’ils ont besoin de se faire dire certaines choses. Ça me donne la force de continuer. Je veux faire réfléchir et je le sens à chaque fois que je viens dans les communautés. »
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Son acolyte, le rappeur Hurons-Wendats Dan l’Inité, enchérit : « Le côté ghetto du hip-hop, il se retrouve inévitablement dans la réalité des réserves. On t’a mis là et tu restes là. Quand tu sors, ta culture, tu la gardes pour toi, cachée. Les jeunes n’ont pas toujours des figures de modèle, alors ils se reconnaissent dans le vécu difficile mis de l’avant par le rap. T’sais, c’est rough, une rez. Je crois que le rap est plus important qu’on le croit. »
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Dans la foule, je rencontre une mère septilienne avec sa jeune fille originaire de la communauté et issue de l’adoption. « C’est important qu’elle vienne baigner dans sa culture. Qu’un pont s’établisse », mentionne-t-elle, alors que l’enfant observe ce monde plein d’inconnus d’un regard craintif.
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Avec ses souliers plateforme et son style un tantinet branché, Anachnid rompt avec les looks folk t-shirt jeans. Basée à Montréal, la récipiendaire du dernier Félix pour l’artiste autochtone de l’année semble enthousiaste à sa première présence au festival.
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« Les enfants dansent, les aînés viennent me voir après les shows. Ma musique crée un espace pour ceux et celles des communautés qui aiment la musique électronique. Je fais de la pop expérimentale où s’incrustent des samples à connotations autochtones, mais c’est plus sous-jacent aux mélodies, ça les enveloppe », explique la jeune chanteuse d’origine Oji-Cri. »
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L’ancien protégé de Florent Vollant, le populaire Scott-Pien Picard, gratte sa guitare acoustique sur la scène principale alors qu’on m’invite au tournoi de balle-molle du festival.
Attirés par une cagnotte intéressante, les clubs d’un peu partout sur la Côte-Nord viennent rivaliser au bâton le temps du weekend. J’assiste à la rencontre opposant Maliotenam à Port-Cartier, où des dizaines de pick-ups installés à l’arrière du champ résonnent à chaque point des favoris comme à chaque erreur de l’adversaire. L’atmosphère est à la fête alors que les feux d’artifice du festival éclairent une nuit que l’on annonce encore imprévisible.
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À mes côtés, un pick-up noir rempli de gars habillés en Ecko palette droite chantent du Kashtin à tue-tête en buvant des gros Monster. « Ils viennent de Manawan, ils ne parlent même pas notre langue. Ils sont juste venus tripper. C’est ça, Innu Nikamu », me lance un ami innu avec un clin d’œil.
Durant tout le festival, un service de navette offre le transport gratuit de Uashat, plus petite réserve annexée directement aux quartiers de Sept-Îles. « Si Uashat est collé aux Blancs, Malio est à quinze kilomètres dans l’bois. Ici, on peut faire ce qu’on veut », précise un autre ami du coin.
À l’instar de la veille, on vend à profusion des shooters de Schtroumpf, d’Amarula ou de Sour Puss. Les vendeuses entrent sans cogner dans les maisons où ça pré-drink en grands groupes qui naviguent d’une adresse à l’autre. Leurs rires les suivent partout comme une fête en éclat.
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Sur la scène du centre communautaire, l’infatigable guitariste Ivan Boivin Flamand est à son énième prestation de la semaine. Il accompagne le folk de Nutin, Chelsie Young et Scott-Pien Picard qui vient tout juste de débarquer de la scène principale. Portée par cette langue sans R, flûtée et mélodieuse, la salle danse, chante, se colle et s’embrasse, enivrée.
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Après la messe dominicale, un grand repas communautaire est servi, saumon fumé, cuisses de perdrix, castor rôti, banik et tarte aux bleuets. Un festin de gibier aussi dépaysant de saveur que fidèle à la générosité des organisateurs. Un moment pour reposer l’équipe de la cantine qui n’a cessé de servir un nombre incalculable de poutines depuis mercredi.
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La grande finale d’Innustar couronne ses gagnants et gagnantes, suivie d’une cérémonie de fermeture présidée par le teueikan, le tambour traditionnel, conduit par un aîné. Un dernier makusham s’initie. Pendant que Montréal fond sous une chaleur tropicale, le nord oblige le port du hoodie et on reconnaît sur plusieurs têtes la tuque traditionnelle.
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La batterie de la foule semble affaiblie par la semaine de festivités. Sans Pression tente d’y remédier en insufflant une dose d’énergie avec ses rimes, joue ses plus grands tubes et lance des t-shirts. Après son spectacle, il prend le temps de serrer avec sincérité la main de chaque personne d’une file de plusieurs heures. N’ayant plus de posters à donner, il signe ses initiales sur les joues des enfants qui repartent d’un sourire comblé.
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Après que j’aie louangé sa tenue, Diane accepte un portrait et retire ses Crocs qui cachent des mocassins traditionnels. Rayonnante, elle me confie : « Mon jacket en cuir blanc est celui que je portais durant ma grossesse. Je suis maintenant grand-mère trois fois. J’en avais un pareil noir, mais je l’ai abîmé en sortant trop tard dans les bars. Quand j’ai arrêté de boire, je l’ai jeté. Ma robe dessous est celle que portait ma sœur à son mariage. Ça fait 20 ans que je ne suis pas venu à Innu Nikamu. C’est très spécial. J’ai eu du fun, j’ai dansé. Je ne vais pas oublier cette journée. »
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Un ciel rosé se couche sur Malio avant d’accueillir la lune qui monte sur le fleuve. Une formation de Sheshatshiu clôture le bal. Un pick-up est tiré. Le feu sacré est éteint. On s’embrasse en se donnant rendez-vous l’année prochaine. Le plancher de l’ancien pensionnat est couvert de pop-corn et des traces d’enfants heureux. Je quitte à mon tour, avec l’impression que ce qui se déroule ici est essentiel, nécessaire.
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Sur cinq jours, près d’une soixantaine d’artistes se sont passé le flambeau du mamu. Une réussite évidente en achalandage, mais le succès de Innu Nikamu réside dans cette fierté annuellement renouvelée, une chaleur implacable malgré des siècles d’injustices. D’une expression oscillant entre tradition et modernité, le festival répond à l’oppression, d’hier et d’aujourd’hui, par des chants toujours plus forts pour les enfants de demain.