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Gros rock sale en présentiel

Prosciutto et air guitar à l'hôtel.

Par
Hugo Meunier
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Pour souligner l’an un de la COVID-19 au Québec, URBANIA a entrepris un road trip à travers la province au volant d’une rutilante Matrix 2006 et avec une grosse pile de masques dans le coffre à gants. L’objectif? Raconter la pandémie de celles et ceux qui ont fait les manchettes aux côtés de ce virus et témoigner du quotidien des Québécois.e.s avec ce qui n’était pas « juste une grosse grippe » finalement.

Voici le troisième article de cette série. Si vous avez raté les deux premiers, les voici ici et .

QUÉBEC – « Il m’en reste juste une et la vue est partiellement voilée par des plantes et les colonnes autour de la piscine », m’avait averti le gars au téléphone, au sujet de la dernière chambre disponible.

Comme vous, j’ignorais jusque-là que les Hôtels Jaro avaient eu l’idée de présenter des concerts « en présentiel » devant un public de clients éparpillés par bulle (des couples pour la quasi-totalité) sur le balcon de leurs chambres donnant sur la piscine.

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Des forfaits spectacles qui affichent presque toujours complet, mettant en vedette des groupes hommages (à Pink, Michael Bublé, Metallica, Weezer, ou encore aux Spice Girls), des artistes connus (Martin Deschamps, Jeff Dubé), des chansonniers locaux, des humoristes et même des DJ.

Des shows qui font fureur, présentés dans l’atrium de plusieurs hôtels de la chaîne.

Je l’ai appris à mes dépens en réservant une semaine en avance la dernière chambre pour assister au concert Undercover Legends of Rock avec une vue « partiellement voilée ».

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Au menu: du gros rock sale pendant deux heures avec tous les hits que vous pouvez imaginer. Oui oui la toune de Journey, The Final Countdown, AC/DC etc.

C’est pas mal tout ce que je sais en traversant les portes électriques de l’Hôtel Plaza du boulevard Laurier avec ma valise à roulettes. Je tiens à préciser que j’ai payé ma chambre (300$, incluant le souper gastronomique, le show, une bouteille de Cabernet Sauvignon et le parking). Je me réserve donc le droit de dire si c’était de la marde ou non, mais vous devrez lire cet article au complet pour le découvrir.

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Comme je suis un journaliste-vedette, quelques douceurs m’attendent néanmoins dans la chambre 110, gracieuseté de la directrice du marketing. « Bon spectacle! », dit la petite carte accompagnant une mini-bouteille de mousseux et des pâtisseries délicieuses.

J’arrive en plein soundcheck et les premières notes de Barracuda rentrent dans ma chambre comme une tonne de briques.

« You gonna burn, burn, burn, burn, burn to the wick

Ooh, barracuda, oh yeah! »

Ça cogne à ma porte. On m’apporte le plateau d’entrée (terrine, viandes froides, olives) prévu dans mon forfait. Je l’ingère avec une bière sur mon balcon, qui donne effectivement directement sur une colonne devant la piscine et des plantes. Je dois m’étirer le cou jusqu’à la corniche voisine pour voir le stage.

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Pas grave. Je ne laisserai aucune vue partiellement voilée ruiner le seul show que je vais voir en un an. Le dernier était Pour une histoire d’un soir le 12 mars dernier avec mon amie Joëlle, la veille de la fin du monde. Après le spectacle, on avait croisé Simon Boulerice qui – full VIP – nous avait demandé si on voulait l’accompagner dans les loges pour féliciter les chanteuses. On avait décliné, sans savoir que mon dernier câlin à vie aurait été avec Marie Carmen et Joe Bocan. Pas un jour ne passe depuis sans que je ne regrette.

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Des spectateurs commencent à apparaître sur leurs balcons. Les règles sont strictes. Avant le début du show, une voix dans l’atrium rappelle d’ailleurs que les rassemblements sont interdits dans les chambres et ailleurs. La survie du concept dépend du respect de ces règles. Une employée a même passé la soirée dans le couloir de mon étage pour s’assurer que chacun reste dans sa chambre.

Les règles sont strictes. Avant le début du show, une voix dans l’atrium rappelle d’ailleurs que les rassemblements sont interdits. La survie du concept dépend du respect de ces règles.

Entre deux tranches de prosciutto, je fraternise avec mes voisins, un couple de septuagénaires de Lotbinière. François – un électricien à la retraite – a décidé de sortir en grand son épouse Diane, qui fêtera ses 70 ans dans quelques jours. « On cherchait un divertissement », résume la jubilée, qui s’est mise sur son 36, comme son mari. « C’est la première fois en seize ans qu’on passe l’hiver au Québec, on va toujours en Floride d’habitude. Au moins, l’hiver est doux », analyse pour sa part François.

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Le chansonnier Seb & Creep amorce la première partie au son de Have You Ever Seen The Rain après un « Salut Québec! » bien senti. Les gens applaudissent chaleureusement avec un sourire estampé dans la face.

Seb & Creep remplit dignement sa mission de réchauffer la salle, après avoir enfilé des hits de Bon Jovi, The Police, Stone Temple Pilots et Guns N’ Roses.

J’enfile pour ma part les verres de Cabernet avec une fougue polonaise, esquissant mes premiers riffs d’air guitar debout devant le duo de chaises en rotin de mon balcon.

«On voulait venir à l’hommage à Nickelback, mais c’était plein.»

Je sors fumer une clope. Comme j’ai oublié mon briquet dans la chambre, je demande au petit couple dehors. « Un gars pas d’feu c’est comme un fourreur pas d’queue! », lance du tac au tac Stéphanie, convaincue que je ne suis pas game de rapporter sa réplique. Dans ta face Stéphanie de Québec, venue célébrer la Saint-Valentin en retard avec Bobby, pendant que leurs enfants se gardent à la maison. « On voulait venir à l’hommage à Nickelback, mais c’était plein. C’est quand même cool d’être ici et ça change de la maison », admet Bobby.

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Un peu plus loin sur mon étage, Jean-François et Michelle d’Ancienne-Lorette profitent de leur balcon donnant directement sur la scène. Je leur vole un peu de temps et de belle vue non partiellement voilée, au nom du droit du public à l’information. « On avait besoin de sortir de la maison et on adore la musique », résume JF pour justifier sa présence.

Sa blonde capote pour sa part sur la première partie, au point de vouloir engager Seb & Creep pour leur mariage reporté en décembre prochain. « C’est tellement un bon concept, j’admire les gens qui innovent », souligne enfin JF, lançant des fleurs aux Hôtels Jaro.

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C’est bientôt l’heure du concert principal, Dominic Michaud m’accorde une entrevue dans une sorte de loge improvisée dans un recoin du quatrième étage. Son histoire est digne d’un conte de fées, version coulée dans le rock.

Âgé de 54 ans, Dom a roulé sa bosse dans des bars comme le Dagobert, avant de se ranger pour travailler en dessin industriel. Le rockeur se préparait à jeter la serviette sur une carrière musicale lorsque l’agent d’Éric Lapointe l’a découvert dans un bar karaoké, avant de lui proposer le concept Undercover Legends of Rock.

«C’est notre onzième soir sold out ici! […] C’est un rêve devenu réalité. »

The rest is history et le groupe remplit les salles depuis une dizaine d’années, en plus d’avoir partagé la scène avec Éric Lapointe, April Wine et Dennis DeYoung. « C’est notre onzième soir sold out ici! », lance fièrement Michaud, entouré de musiciens fraîchement diplômés, âgés dans la vingtaine. « C’est un rêve devenu réalité. Qu’il y ait 5 ou 10 000 personnes, on donne le même show! », jure-t-il, avec aplomb, pendant que le reste de son groupe s’amène.

Dominic Michaud (voix) Youri Savoie (guitare/voix), Jérémy Lupien (guitare/voix), Mederyc Turgeon(basse/voix) et Philippe Maheux (drum).
Dominic Michaud (voix) Youri Savoie (guitare/voix), Jérémy Lupien (guitare/voix), Mederyc Turgeon(basse/voix) et Philippe Maheux (drum).
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« Ça fait du bien à tout le monde d’être ici. Les gens se parlent de balcon à balcon. Les gens s’amusent », résume Youri.

C’est l’heure de monter sur scène. Le groupe s’y rend sous les ovations, après un cri de ralliement dans la «loge».

« Il est huit heures passé, vous êtes obligés de rester avec nous autres! », s’exclame Dominic avant de partir le bal avec Cold as Ice.

Rituel d’avant show à la sauce pandémique.
Rituel d’avant show à la sauce pandémique.

Le party est pogné en cinq minutes. Les gens chantent, frappent des mains, dansent et crient de leurs balcons. Ma voisine Diane se dandine un peu, mais jamais autant qu’une femme deux corniches plus loin, qui se trémousse comme une diablesse dans l’eau bénite. « Ça fait six fois que je les vois », justifie cette fan.

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La soirée passe vite : Eye of the Tiger, Pour Some Sugar On Me et TNT pour le dessert. Le band, généreux, donnera deux rappels en plus de faire le tour de la piscine une couple de fois pour le bonheur des fans qui ont l’air de vivre la soirée la plus palpitante de leur année (vie?).

Sans blague, le groupe livre la marchandise. La voix de Dominic fit parfaitement avec le genre et les musiciens sont solides. Après le show, les gens sont rentrés tranquillement dans leur chambre et un silence satisfait est revenu autour de la piscine. Bref, j’ai passé une super soirée, à l’instar de pas mal tout le monde ici.

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Le steak était ben bon aussi, mais j’aurais pris plus de patates pilées.