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Criss qu’on est lâche pareil.
Ok, peut-être pas toi, c’est vrai, tu vas me dire. Mais moi, oui. Moi, inévitablement, je me rends compte que je vais trouver une excuse pour ne pas rejeter quelqu’un en pleine face. Que ce soit le “désolée, j’ai un chum” – ce qui n’est pas vrai depuis 3 ans, le “ah, c’est dommage, je suis occupée” quand je suis pourtant en train de regarder Les Chefs en reprise ou même, le plus lâche d’entre tous, le “oui” qu’on s’oblige à dire, suivi même parfois honteusement quelques heures plus tard d’une tragédie imaginaire, à la “vois-tu, le voisin du chum de ma mère à eu un accident pis…”.
Je sais que tu sais de quoi je parle. Et je sais surtout que je suis loin d’être la seule.
Bien sûr, on peut essayer de se faire croire que c’est par gentillesse qu’on fait ça, qu’on veut épargner l’autre, que c’est des petits mensonges sans conséquence. Mais soyons francs, ce qu’on essaye d’épargner, ce n’est pas l’autre; c’est nous-mêmes et notre conscience. Éviter de se sentir bitch.
Parce que “non”, bien souvent, en amour ou au travail, c’est l’action à éviter. Le non que tu voudrais dire à ton boss sur cette nouvelle tâche qui s’ajoute à un tas d’autres déjà trop gros, le non que tu voudrais soupirer face à cette obligation probablement pas si obligatoire, le non que tu voudrais crier à t’en époumoner à la face de cette personne qui le mériterait, juste un char de nons – pis un char de marde aussi.
À la place, on les retient, nos nons, on les garde, on les chiale une fois rendu dans l ’intimité de chez soi, on les détourne.
On continue à se cacher derrière un sourire fake ou un texto à 3h du matin qui annonce qu’on est finalement trop occupé pour cette relation-là, mais qu’on veut donc rester amis. Le rejet fait pourtant partie de la vie. Il serait peut-être temps qu’on l’assume. Pis l’assumer dans son laid aussi; parce que je suis pas certaine que c’est plus gentil que de ne pas être honnête pis de dire les choses telles qu’elles sont. Sans flafla. Simplement avec l’idée que tu respectes assez la personne pour ne pas la bullshiter.
Je fantasme peut-être ici une utopie, mais j’ose croire qu’on ne devrait pas non plus se limiter à apprendre à rejeter avec respect et sans honte, mais aussi, tout autant, apprendre à ne pas fuir son propre rejet. Dire sans passer par quatre chemins que quelqu’un nous plaît. Dire nos contraintes, d’emblée. Avoir le guts de rejoindre cette personne qu’on admire pour lui demander conseil. Révéler à la personne cute dans le métro qu’elle est cute, juste parce que.
On va s’entendre : ces intentions-là ne devraient pas se traduire avec une dick pic nocturne ou le résumé d’un stalking intense de son profil Twitter depuis 2007. Mais probablement juste avec quelque chose qui ressemble à de l’authenticité pis du pas compliqué. Parce que le pas compliqué, c’est facile, malgré ce qu’en dit la rumeur.
Et ouais, c’est sur que des fois ça va finir mal.
Et ouais, c’est sur que des fois, ça va faire mal.
Certains psys clament qu’on passe notre vie à juste faire ça, à juste agir pour éviter ça, le rejet. Parce que malgré tout, c’est indéniable; ça fait mal, mal sans bon sens. C’est comme se faire planter un couteau en plein cœur et se faire brûler chaque recoin de peau par le paquet complet de cigarettes. Les deux à la fois, parfois. Et même pas besoin de connaitre la personne, pour que ça fasse mal.
Je pourrais te conter la fois que j’ai été déprimée pendant une semaine parce qu’un SmoothMTL24 sur Ok Cupid m’a ignoré après un long email déversant mes aspirations de vie. Ok, je résume : UN DUDE QUE JE CONNAISSAIS PAS ET DONC JE ME CÂLIÇAIS M’A REJETÉ SUR UN SITE DE RENCONTRE PIS J’AI PLEURÉ.
Ça nous arrive tous de parfois prendre ça trop à cœur, le fait de ne pas vraiment l’être dans celui de quelqu’un autre.
Toi, pis moi, on va se faire rejeter mille fois en amour, au travail, en vivant par plein de gens. Pis souvent, ça n’a rien à voir avec nous. Ça va avoir avec la journée d’hier ou une autre qui a eu lieu y’a 10 ans, quand le vent était trop froid, qu’ils se sont cogné l’orteil sur le lit ce matin-là. Cependant, je sais bien que le sentiment ridicule de ne pas être à la hauteur qui vient avec risque de se pointer le nez pareil, lui.
Mais pour vrai, ça reste que tout ça bat quand même l’alternative de toutes ces occasions, de tous ces sourires manqués à cause de cette trouille à qui on devrait juste crier “ta yeule!”. Parce que le nombre d’opportunités qu’on manque, quand on y pense, doit vraiment être astronomique.
Ce qui me fait dire d’ailleurs; sérieusement là, la subtilité a-t-elle sincèrement déjà été utile à quelqu’un ? Oui, ok, moi aussi j’aime bien les films romantiques remplis de “awwww” qui dureraient moins de 15 minutes si les deux amoureux arrêtaient de tourner autour de pot pour se le dire, qu’ils s’aiment donc ben – mais dans la vie réelle, dans nos vies à nous, à qui cela a déjà été si avantageux à long terme de ne pas être direct et clair avec ses intentions ?
Je ne dois crissement pas être la seule qui a déjà mécompris une invitation à prendre un verre pour quelque chose de bien plus innocent que cela se voulait, ce qui ne peut finir qu’en frustration d’un bord ou de l’autre. Ou ne serait-ce qu’avec des amis; je ne commencerai pas à penser qu’un gars me cruise juste parce qu’il est gentil avec moi, parce que sinon je vais finir par m’imaginer à tort qu’un harem serait beaucoup trop facilement à ma portée.
Je mentirais de dire qu’il m’est jamais arrivé de comprendre beaucoup trop tard que j’avais raté ma chance de vivre une histoire qui aurait pu être douce et belle avec un gars que je pensais seulement être un ami. Ces histoires auraient pu être bien différentes si on avait simplement arrêté d’être deux personnes gênées, figées dans leur silence.
Peut-être que je rêve, mais il est possible qu’en étant honnêtes vis-à-vis nos rejets, on pourrait l’être aussi dans nos relations quotidiennes.
Et ça, me semble que ça nous ferait pas de tort collectivement.
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Pour lire un autre texte sur le mensonge: La vérité sur le mensonge de Brigitte des RoseMomz.