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Pascal Henrard a réussi à l’écrire avant moi. Zut de flûte. On a donc le même malaise, mon collègue belge et moi. Ce malaise d’automne. Cet espèce de post-révolution, où les moutons ont rejoint les rangs, où le vent s’est calmé, où non seulement les choses sont revenues à la normale mais où on a l’impression que rien n’a changé.
Malgré la chute du PLQ. Malgré la démission de Charest. Moi qui voulais tant célébrer.
J’avais une bouteille de champagne à la main, prête à être sablée pour la défaite des Libéraux, le 5 septembre dernier. J’avais envie de festoyer avec humour, comme si c’était une victoire personnelle, comme si j’avais à moi seule détrôné Jean.
Mais quand il y a mort d’homme, il est indécent de célébrer dans le sarcasme, les bulles et les grandes déclarations de gauchiste satisfait. Le silence s’est mis à régner dans mon petit salon d’artistes et on n’avait plus le goût de fêter ce qui devait être une victoire.
Bref, on a eu trop honte pour se réjouir de la fin de la hausse de scolarité et de la loi 78. Alors qu’on avait marché des kilomètres, qu’on s’était fait des ampoules aux pieds, qu’on avait mangé des coups de bâtons dans face, qu’on avait reniflé du poivre. On aurait pourtant dû sortir dans les rues, danser, crier, applaudir ! On n’a pas pu se réjouir d’avoir gagné en marchant. Cette joie est donc enfouie en nous, comme si on avait gagné par défaut, en trichant ou injustement.
Mais bon. Ça explique mon malaise des derniers temps.
Ces dernières années, mes opinions étaient claires, limpides, senties, informées, réfléchies. J’aimais débattre et aller au front et j’aimais même me faire remettre à ma place, quand j’avais tort.
J’ai plein de boulot grâce à ça. On me demande de commenter l’actualité, la politique, etc. Mais c’est paradoxalement dans le moment de ma vie où j’ai le moins de repères que ça arrive.
Avant le mal avait un nom. Un visage. J’avais un ennemi à abattre. Il était rouge, il était corrompu, il était de mauvaise foi.
Il y avait d’un côté les bons; de l’autre côté; les méchants. J’aimerais vous dire que maintenant, je suis plus nuancée, mais non, je suis seulement plus cynique. Je me sens prise dans une machine manipulée par des gens tellement plus hauts que moi, tellement inaccessibles, que je me sens plus impuissante que jamais.
Exemple : Je suis restée bouche bée en voyant le dernier budget. Un budget pour plaire aux marchés, un budget pour plaire à l’opposition. Un budget de caquiste. Je dois donc en comprendre que peu importe qui est élu, les mêmes décisions seront prises. Et que ce sont toujours les mêmes qui en profitent.
Qu’on tape sur des casseroles ou qu’on reste chez soi à regarder les nouvelles à juger ceux qui le font, un lien nous unit: c’est toujours nous qui finissons par payer.
J’écoute la Commission Charbonneau comme une fille cocue qui se fait avouer toutes les infidélités répétées de son chum, juste pour se faire souffrir. En sachant bien qu’on ne peut pas revenir en arrière et que lui, il ne changera jamais. Qu’il va se calmer une couple de mois, une couple d’années et qu’il va finir par trouver des nouveaux stratagèmes pour recommencer. Mais plus subtils, cette fois-ci, pour être bien sûr de ne pas se faire prendre.
Je commence à me demander si je ne voulais pas être une blonde de joueur de hockey, fermer les yeux en me disant : « ce qu’on ne sait pas, ça fait pas mal ».
Je vais me consoler en me disant que je suis dans une période d’adaptation. Que je vais devoir me situer dans tout ça, parce que mon point de vue n’est plus le même qu’au mois d’août 2012. Je suis sur une nouvelle montagne à observer un nouveau paysage. Je vais me trouver des points de repères et choisir mes nouvelles batailles.
Ou bien je suis en pleine chute libre vers l’inconnu. Prête à réaliser des choses que je ne voulais pas voir ou pas comprendre.
J’ai hâte d’enfin atteindre le sol et de retomber sur mes pieds… sans trop de dommages.