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Et si certains étaient immunisés contre la souffrance psychologique?
J’étudie pour être psychologue. Docteur en psychologie. Je suis assez avancée dans le parcours en plus, et je dirais que je me débrouille assez bien.
J’ai aussi fait pas mal de bénévolat dans le domaine de la relation d’aide.
Avec des enfants en difficulté. Et avec une population souffrant de schizophrénie. Et aussi avec des personnes suicidaires, à Suicide Action Montréal.
J’étais intervenante téléphonique, pendant presque 3 ans là-bas, et, comme les 125 autres bénévoles, je prenais environ 10 appels par quart de travail, avec le sincère objectif d’aider. Durant l’un de ces appels j’ai parlé à Sam, une femme mi-trentaine, une femme comme toi et moi. Et cet appel s’est plutôt bien déroulé; on a fait un bon bout de chemin ensemble, et j’étais prête à raccrocher en toute confiance qu’elle allait prendre soin d’elle.
Mais avant de raccrocher, Sam m’a dit ceci. “Merci Annabelle, tu m’as beaucoup aidé. Mais tu sais quoi, je réalise que dans la vie il y a des gens comme moi et il y a des gens comme toi, et que je ne serai jamais comme toi.”
Sam, je ne sais pas si j’ai réussi à ce moment-là à trouver les bons mots pour te répondre, mais voilà ce que j’aurais voulu te dire :
Une personne comme moi Sam, ce n’est pas différent d’une personne comme toi. Je me suis développé des aptitudes en relation d’aide, mais ce n’est en rien en lien avec l’absence de besoin d’aide.
J’ai déjà vécu des problèmes d’anxiété. Où même l’idée de sortir de chez moi me semblait complètement irrationnelle. Où j’aurais eu envie de crier à tue-tête alors que j’étais dans la douche. Où je me suis dit que je ne pourrais pas vivre encore plusieurs semaines comme ça.
J’ai déjà eu des problèmes dépressifs. Oui, aussi. Où la seule chose que j’avais envie de faire était de rester couchée sur mon divan, et où pour moi, juste ça, c’était de faire quelque chose. Quelque chose d’épuisant. Où j’ai googlé à savoir si le corps humain pouvait à un certain moment manquer de larmes. Où j’ai senti que j’étais absolument seule au monde… malgré tout le monde. Où je me suis dit, en le pensant réellement, que ça n’allait probablement jamais aller mieux…
Parce que j’ai des études, parce que j’ai de l’expérience, ou parce que j’ai les outils, ça ne fait pas en sorte que je sois différente de toi, Sam. Je ne suis pas moins à l’abri de jours, de moments, d’évènements ou d’années plus difficiles.
Mais ce que je sais, c’est que ça finit toujours par aller mieux.
À chaque fois. Pour tout le monde. Et c’est pour ça que j’arrive à aider.
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