Avec la neige qui fond, les coureur.euses sortent de leur hibernation et se réapproprient les rues de la ville. Avec tous les yeux rivés sur le marathon de Boston la semaine dernière et l’événement 21K de Montréal qui lance la saison de la course au Québec, une réflexion m’a traversé l’esprit. Elle sert de titre à cet article.
Il y a dix ans, dire qu’on allait « courir un demi » faisait lever les sourcils. Aujourd’hui, c’est devenu presque banal. Tellement, que je suis prête à dire qu’une crise de la vingtaine, de la trentaine ou de la quarantaine se mesure aujourd’hui par le nombre de kilomètres complétés.
Depuis la pandémie, la course à pied a explosé au Québec. Les rues, les sentiers, les parcs sont devenus de véritable terrains d’entraînement improvisés. Et tant mieux, parce que courir, c’est un sport simple et accessible qui fait du bien à la tête.
« La pandémie a joué un grand rôle là-dedans, c’est clair », confirme Alex Ratthé, producteur chez Courons MTL, l’équipe derrière le Marathon Beneva de Montréal. « On s’entend que c’était le seul sport qu’on pouvait faire. »
Et ça a pris. Fort.
Par contre, ce qu’on observe en parallèle, c’est la montée d’une forme de performance ordinaire. Des gens qui, en quelques mois, se lancent dans un marathon comme on se rend à un 5 à 7. Des demi-marathons qu’on traite comme des 10 km. Des objectifs partagés sur Strava qui prennent des allures de quête identitaire.
Un sport accessible
« Que tu aies une paire de souliers Reebok dénichée au Costco ou des souliers à 300 $, tu peux aller courir. »
Alex le dit sans détour : c’est un sport pour tout le monde.
Une démocratisation qui, selon lui, a été accélérée par la multiplication des clubs de course :
« C’est devenu des manières de créer du contenu. Les clubs ont créé un sentiment d’appartenance. Courir, jaser, tisser des liens… et la communauté s’est créée. »
Et les ramifications de cette culture sont multiples; l’initiative du 6AM Club en est l’exemple parfait. Apparu pendant la pandémie, ce club de course est rapidement devenu un symbole.
« Ça a montré une autre façon de courir. Souvent, les gens s’entraînent mal, mais c’est bien de courir lentement et de soutenir un conversational pace : un rythme où tu peux soutenir une conversation. » explique Alex.
C’est ce genre d’approche humaine qu’Alex et son équipe ont voulu remettre au centre du Marathon Beneva de Montréal, autrefois la propriété d’un promoteur américain. Leur but? Que les Montréalais se réapproprient l’événement. Que ça redevienne leur événement. Que leurs histoires soient mises de l’avant.
Parce que courir un marathon, ce n’est pas juste une photo sur fond de coucher de soleil où l’on brandit notre médaille. C’est une décision qui mérite plus de considération qu’un simple coup de tête. C’est un exploit, un vrai. Seul 1 % de la population mondiale a l’honneur de se proclamer marathonien. 1 %!
Quand l’entièreté de notre entourage semble inscrite à un marathon, on peut se demander : « Est-ce que c’est moi qui suis paresseux.se? Est-ce que je devrais m’inscrire, moi aussi? Et si je ne le fais pas, est-ce que ça signifie que je suis lâche? »
Et c’est là que ça devient dangereux.
Et si ça ne vous intéresse pas, c’est bien correct aussi. En fait, c’est correct de courir 5 km. Ou 3. Ou pas pantoute. Et c’est correct de compléter un demi sans vouloir faire un marathon ensuite.
Comprenez-moi bien : ce texte n’est pas un rant contre les coureur.euse.s. C’est un appel à redonner du sens à ce qu’on fait. À applaudir les exploits, mais à se rappeler qu’ils ne devraient pas être banalisés sous prétexte qu’ils sont populaires.
Courir, c’est noble. Mais courir pour les bonnes raisons, c’est mieux.