Logo

Écouter le débat avec les conservateurs et les solidaires à Québec

D’un candidat en retard à son propre événement à un bar plein à craquer. 

Par
Hugo Meunier
Hugo Meunier
Publicité

La chienne Emma nous accueille en agitant la queue en haut des escaliers menant au local électoral des conservateurs de La Peltrie, qui jouxte un salon de bronzage et une école de conduite.

Pour cette nouvelle escale de notre grand périple en VR , nous avons prévu rejoindre le candidat local du Parti conservateur du Québec Stéphane Lachance et ses partisan.e.s pour regarder le débat des chefs. Le rendez-vous nous a attiré au départ parce qu’il était prévu en mode « ciné-parc » dans le stationnement d’un bar de Val-Bélair de l’autre côté de la rue.

Publicité

À cause de la météo capricieuse, l’équipe conservatrice du bastion d’Éric Caire (depuis 2007) a modifié ses plans pour se rabattre sur un visionnement de groupe au local de campagne.

Je n’étais pas au bout de mes surprises : après 45 minutes de débat, aucune trace du candidat Lachance à son propre événement.

« Il fait dire qu’il s’en vient, qu’il est pris sur les ponts », justifie une membre de son équipe avec le candidat au bout du fil, alors que je dois quitter pour écouter la deuxième moitié du débat dans un bar du comté de Taschereau avec les solidaires.

Au moins, l’adorable chienne du candidat, Emma, était là pour le représenter dignement en attendant.

Mais bon, passons rapidement par-dessus l’ironie que le candidat coincé sur les ponts s’est fait connaître comme le plus ardent opposant au projet de tramway à Québec pour raconter un peu cette première portion du débat.

Ma collègue Carmen et moi arrivons vers 19 h 45 au local des conservateurs, sur le boulevard Pie-IX.

Publicité

La vingtaine de personnes éparpillées dans le local semble d’abord se demander ce qu’on fait là. Plusieurs portent des t-shirts de leur formation, avec le slogan « Libre chez vous » à l’arrière.

Après nous être présentés et avoir rassuré tout le monde sur la nature de notre travail ESSENTIEL AU BON FONCTIONNEMENT DE LA DÉMOCRATIE, les bénévoles nous accueillent chaleureusement, en nous pointant de la pizza et un frigo rempli de bière, liqueur et autres. Je prends un verre de vin en attendant le début du débat, flanqué de quelques partisan.e.s sympathiques. Plusieurs se sont déjà dispersé.e.s dans les pièces où des télévisions ont été installées pour suivre le débat.

Publicité

L’organisateur d’événement de l’équipe conservatrice locale, Frédéric Potvin, débarque à son tour et semble le seul au courant de notre visite, avec le candidat absent. « Je suis allé voir ce que vous faites et c’est bon », résume le gaillard en me tendant une poigne de fer.

Yé, on passe le test.

Carmen va se promener dans le local de son bord avec son appareil photo pendant que je reste avec l’organisateur pour placoter un peu. « On est une gang de bénévoles partie de rien. On a monté le bureau, l’équipe, en capitalisant sur les forces de chacun. On a même fait nos dépliants nous-mêmes », raconte Frédéric, qui dit sentir l’appui de la population locale pour la formation d’Éric Duhaime depuis le lancement de la campagne.

« On a commencé à organiser des évènements. On pensait qu’on se ferait revirer de bord dans des restaurants comme c’est déjà arrivé, mais c’est tout le contraire. Les gens sont très réceptifs et on a la consigne de ne pas débattre en porte-à-porte, on laisse le chef convaincre les gens », explique celui qui vit sa toute première expérience en politique. Il a trouvé chez les conservateurs des gens qui partagent ses idées. « J’ai fait quinze ans dans l’armée. J’en suis sorti en mars 2020 en criant “liberté!”, avant de me retrouver enfermé pendant deux ans deux semaines plus tard… », raconte l’ex-militaire, qui déplore la gestion de la crise sanitaire du premier ministre Legault, à l’instar du chef conservateur.

Publicité

Guillaume, un autre bénévole, a pour sa part un peu d’expérience en politique, pour avoir œuvré au sein de l’équipe du député et ministre caquiste Éric Caire. Il raille d’ailleurs les partisan.e.s de son ancienne formation en les désignant comme des « cacus ». « L’engouement pour notre parti vient de la déception ambiante. La CAQ aussi a été élue à cause de la corruption des libéraux », analyse Guillaume, convaincu que son parti causera la surprise le 3 octobre.

Le défi sera toutefois de taille dans La Peltrie, où Éric Caire enchaîne les victoires convaincantes depuis 2007, tant au sein de l’ADQ, comme indépendant que comme député caquiste.

« On n’a pas gagné et on ne veut pas s’asseoir sur nos lauriers, mais on a de très bonnes chances », résume Guillaume, qui a traîné ses enfants avec lui à cette soirée de débat.

Publicité

Justement, celui-ci s’amorce à l’instant, avec le visage réconfortant de Pierre Bruneau sur l’une des trois grosses télévisions.

Les militant.e.s réuni.e.s dans l’une des pièces gardent le silence et opinent vigoureusement en écoutant leur chef briser la glace sur les enjeux environnementaux.

La chienne Emma se promène d’une pièce à l’autre, l’air de se demander ce qui peut bien se passer ce soir.

Une bénévole ramène du café de chez Tim pendant que les chef.fe.s jettent les gants une première fois. Le débat est vite cacophonique et les militant.e.s rigolent, découragé.e.s, pendant que Pierre Bruneau tente de reprendre le contrôle.

Lors du premier face-à-face réunissant Anglade et Duhaime, un partisan éclate de rire quand Pierre Bruneau prononce les mots « crise climatique ».

Quand Duhaime accuse la cheffe libérale d’avoir retourné sa veste sur les hydrocarbures depuis son départ de la CAQ, une militante s’exclame : « Yes! Ok, il se met dedans là, il se crinque! »

Publicité

Sans surprise, la plupart des prises de parole de Gabriel Nadeau-Dubois sont accueillies par des railleries («sortez vos casseroles!») et des haut-le-cœur. Ses attaques contre le troisième lien et son projet de surtaxer les véhicules ultra-polluants font sursauter les gens dans la salle. « Faudrait d’abord définir ce qu’est un véhicule énergivore », lance Guillaume, pendant que les partisan.e.s déplorent que Pierre Bruneau coupe trop souvent Duhaime à leur goût. Lorsqu’un des chefs accuse le Parti conservateur d’être un terrain fertile aux partisan.e.s pro-armes, un spectateur s’exclame en riant : « Maudit qu’on n’est pas corrects! »

Publicité

Après un bon trente minutes de débat, les partisanes et partisans conservateurs de La Peltrie semblent apprécier la performance de leur chef, en plus de saluer celle des autres. Pas tou.te.s. « Elle (Dominique Anglade), je l’aime ben, c’est son parti corrompu que j’aime pas. Même chose pour lui (Paul St-Pierre Plamondon), mais lui (GND), il a saccagé des monuments », décortique Frédéric, qui réserve – bien sûr – le gros des fleurs à Éric Duhaime.

À l’instar des autres, il s’exclame en tapant des mains quand le chef conservateur y va d’une réplique cinglante à GND, qui lui suggère de se présenter au Texas en raison de ses positions favorables aux hydrocarbures. « Restez poli, moi, je ne vous recommanderai jamais d’aller vous présenter à Cuba », rétorque Duhaime dans les applaudissements.

C’est l’heure de partir poursuivre la soirée électorale ailleurs. Je trouve Carmen dans la seule pièce sans télévision, en train de se faire donner un cours 101 de pointage électoral par une sympathique bénévole.

Publicité

« Je trouve Duhaime excellent à date, il a beaucoup d’expérience en communication. Je trouve juste triste que le sort du Québec soit décidé dans des shows de tv…», tranche Guillaume en nous saluant.

Ambiance survoltée chez Québec Solidaire

À l’image des idées, l’ambiance est aux antipodes au bar La Korrigane du quartier Saint-Roch, où les militant.e.s de Québec solidaire de la région se sont donné rendez-vous pour visionner le débat.

Publicité

Des dizaines de personnes sont entassées dans une salle remplie à pleine capacité au fond du bar, où l’atmosphère est survoltée. Plusieurs candidat.e.s sont dans la place, en plus du député de Jean-Lesage Sol Zanetti.

La députée sortante de Taschereau – où se trouve le bar – Catherine Dorion n’est pas là, mais le candidat et militant écologiste de longue date Étienne Grandmont est sur place pour représenter le comté.

Autour d’une bière, les réactions sont diamétralement opposées à celles observées plus tôt chez les conservateurs de La Peltrie : on acclame GND comme s’il était Hubert Lenoir au Festif!, mais chaque apparition de Duhaime à l’écran plombe l’ambiance comme s’il était Voldemort à Poudlard.

Publicité

La soirée est plus animée qu’à Val-Bélair, c’est un euphémisme. Les gens éclatent de rire quand Pierre Bruneau s’enfarge dans le nom du chef de QS (Nabeau-Dubois), grincent des dents quand des chefs nient le racisme systémique et réservent une généreuse ovation à GND après une envolée inclusive dans le segment « immigration » du débat.

« Alors, qui a gagné? », demande Étienne Grandmont à la foule après le débat, dont le jupon solidaire dépasse évidemment jusqu’à l’entrée. Lui, Sol Zanetti et d’autres candidat.es ont tour à tour pris la parole après le débat, encourageant la foule à porter le message de leur chef pour le dernier droit de la campagne.

Publicité

« Il (GND) a été vraiment bon. J’espère que les gens vont apprécier la vision claire de notre porte-parole », me souligne à part Sol Zanetti, qui livrera un débat dans un ring contre le candidat extravagant Claude Maloon, un promoteur de lutte amateur qui se présente contre lui dans son comté.

Le député de Jean-Lesage assure ne pas être trop en deuil de sa complice et voisine de circonscription Catherine Dorion, qui a annoncé son retrait de la vie politique. « Elle ne sera plus à l’Assemblée nationale, mais on risque de la voir plus souvent sur le terrain pour mener des luttes politiques avec nous », souligne-t-il.

Le candidat de Taschereau Étienne Grandmont estime pour sa part avoir ce qu’il faut pour reprendre les rênes de la circonscription, lui qui milite depuis près de vingt ans dans le quartier pour l’environnement, les luttes locales et la création de logements sociaux. « Je suis très confiant, on envisage de louer le centre Vidéotron », badine-t-il en lien avec le projet conservateur de tenir un rassemblement dans l’amphithéâtre.

Publicité

Les partisan.e.s solidaires se dispersent à la sortie du bar, fier.ère.s de la performance de leur chef. « Il est respectueux, a la prestance d’un chef d’État », réagit à chaud Robert. Sa conjointe, Christine, bonne joueuse, salue le travail de Dominique Anglade, « qui s’est bien défendue ».

Quant à Éric Duhaime, le couple reconnaît qu’il a le mérite d’être franc et égal à lui-même.

On rentre rejoindre le VR, garé sur une rue résidentielle en banlieue où notre collègue Carmen a grandi. On doit se coucher tôt, avant de reprendre la route demain vers le Saguenay, vers de nouvelles aventures.

Heureusement, nous avons d’abord fait bénir notre motorisé, ce qui nous apportera certainement de la chance.

Amen.

@_urbania Jésus est maintenant notre copilote. #VR #béni #blessed #québec ♬ OH MY GOD – YUNGHELLY
Publicité