.jpg)
De quoi aura l’air le futur des clubs échangistes?
« On n’existe pas pour eux, on n’est dans aucune case », soupire le propriétaire du bar échangiste L’Orage Jean-Paul Labaye, lorsqu’on lui demande s’il a espoir d’obtenir bientôt un feu vert du gouvernement pour rouvrir les portes de son établissement.
Et même si la tentation d’y aller de jeux de mots vaseux se fait évidemment très forte, soulignons ici simplement que le respect du deux mètres ne sera pas évident dans un club échangiste.
Si les tenanciers de bars en général nagent encore en plein brouillard, ceux de boîtes échangistes naviguent dans l’obscurité la plus complète. Et même si la tentation d’y aller de jeux de mots vaseux se fait évidemment très forte, soulignons ici simplement que le respect du deux mètres ne sera pas évident dans un club échangiste. Par contre le port du masque ne sera pas difficile à imposer, si je me fie à la galerie photo de leur site Internet (ok je me calme).
.jpg)
« Tout le monde est impatient et on sera là dès que ça reprendra, mais on craint que la peur ne vienne perturber la reprise de nos activités », raconte Jean-Paul Labaye, un personnage incontournable du milieu libertin montréalais, à la tête de L’Orage depuis 24 ans, soit l’époque où les clients de l’établissement avaient fait les manchettes comme des criminels en serviette après avoir été ciblés dans une rafle policière.
La Cour municipale avait alors condamné M. Labaye à payer une amende pour avoir tenu une maison de débauche.
L’affaire avait fait son chemin jusqu’à la Cour Suprême en 2005, où un jugement avait finalement reconnu la légalité des clubs échangistes.
Une salle de bain est d’ailleurs entièrement consacrée à cette période charnière de l’histoire à l’intérieur de L’Orage, où nous avons rencontré Jean-Paul Labaye.
.jpg)
Une salle de bain est aussi dédiée à la BD Extases de Jean-Louis Tripp
Un endroit tout neuf, puisque le club – qui a déménagé à trois reprises depuis sa fondation – venait d’ouvrir les portes de son nouveau local au tournant de la nouvelle année, dans un grand bâtiment sur deux étages situé au coin du boulevard Crémazie et de la 12e avenue. Mais les célébrations auront été de courte durée, au grand dam de M. Labaye. « Ça ne pouvait pas plus mal tomber. On a travaillé fort à aménager cette place et on a pas eu le temps de faire de l’argent. Quand on a fermé, il y avait 500$ dans le compte », déplore le propriétaire, qui avait même pris l’initiative de suspendre ses activités une semaine avant la consigne gouvernementale, en voyant la crise évoluer en France.
«Chaque jour des gens m’écrivent pour s’informer de la situation. Les clients sont impatients et j’ai l’impression que les partys privés ont repris de plus belle.»
En attendant, Jean-Paul prend son mal en patience, mais ne se berce pas d’illusions. « J’écoute ce qui se passe, mais je n’entends pas parler de sexe ni de salon de massage. Chaque jour des gens m’écrivent pour s’informer de la situation. Les clients sont impatients et j’ai l’impression que les partys privés ont repris de plus belle », estime Jean-Paul Labaye, qui réfléchit à des moyens de pratiquer l’échangisme en respectant un tant soit peu les règles de santé publique en vigueur. Un défi de taille, mettons.
« Je vais peut-être ouvrir avec 25-30 personnes et miser sur l’exhibitionnisme ou le voyeurisme. Par exemple, je pourrais mettre un stage surélevé avec un matelas sur la piste de danse ou les couples pourraient aller s’exhiber devant les autres », explique Jean-Paul, qui souhaite au moins permettre aux adeptes de se retrouver.
Il n’écarte pas non plus l’idée de dessiner des flèches sur le plancher comme à l’épicerie pour favoriser les distances et orienter les gens dans les nombreux recoins de l’immense complexe, où les fauteuils, lits, pièces sombres et douches communes sont à l’honneur.
.jpg)
Fait méconnu pour les non-adeptes : les bouteilles de Purell faisaient déjà partie du décor des boîtes échangistes, bien avant la pandémie. Jean-Paul a sinon rencontré récemment ses homologues du milieu libertin montréalais, histoire d’établir une sorte de plan de match et faire front commun en période de crise. « On pourrait s’entendre sur des limites de clients, s’assurer que tout est clean. Avant il y avait des rivalités, là il n’y a plus de chicane », se réjouit M, Labaye.
En attendant la suite, les clients de L’Orage et d’ailleurs se débrouillent avec les moyens du bord. Des soirées échangistes sont même organisées sur Zoom chaque semaine, où les couples s’exhibent ou papotent devant leur caméra.
.jpg)
Mateo Lapointe et sa conjointe Andrée.
La bête noire
« On est un peu la bête noire des bars », résume pour sa part Mateo Lapointe, le propriétaire du Club L de la rue Jean-Talon, qui fêtera sous peu son deuxième anniversaire. « Comme je suis aussi certifié « restaurant » je pourrais ouvrir le 22 juin, mais on va sans doute attendre au début juillet pour célébrer l’anniversaire en même temps en ouvrant seulement le côté resto pour permettre aux gens de se retrouver », explique Mateo, qui se gratte aussi la tête pour savoir comment s’adonner à l’échangisme dans un monde post-COVID. « Si les gens viennent s’amuser au resto et vont ensuite faire leurs choses à la maison, ça sera au moins ça », souligne l’entrepreneur, mentionnant que sa clientèle – qui a entre 25 et 45 ans – ne vient pas systématiquement à son club pour profiter des espaces aménagés pour avoir des relations sexuelles à l’étage. « On est réservé aux couples et aux femmes seules. Les gens viennent surtout se rassembler et plusieurs ne montent même jamais à l’étage », souligne Mateo, d’avis que le plus dur sera d’empêcher de simples rapprochements comme les câlins chez sa clientèle «colleuse» et «affectueuse».
«On a mis des éviers dans toutes les chambres et on utilise des tatamis au lieu des matelas traditionnels, puisque c’est plus facile à nettoyer et de simplement changer les draps.»
Par chance, Mateo et sa femme avaient déjà intensifié les mesures d’hygiène en aménagement leur club il y a deux ans. « On a mis des éviers dans toutes les chambres et on utilise des tatamis au lieu des matelas traditionnels, puisque c’est plus facile à nettoyer et de simplement changer les draps », explique Mateo, témoignant aussi de l’impatience du milieu libertin, qui se rabat en attendant sur les soirées privées et les séances virtuelles sur Zoom.
.png)
Ray Gagné entouré d’agentes de promotion du club.
Il y a des échanges de fluides
Malgré toutes les bonnes intentions du monde, le propriétaire du futur club Luxuria est lucide : il y a des échanges de fluides dans le milieu échangiste.
C’est pourquoi Ray Gagné sait bien que le milieu libertin sera le dernier sur la liste des autorités dans leur plan de déconfinement. « J’ai encore de la misère à concevoir comment on pourra s’adapter dans un milieu de promiscuité et de rapprochement », admet-il avec franchise.
«Je cherche un motel que je pourrais transformer en établissement libertin comme le Temptation à Cancún», indique Ray.
Ray était jusqu’à tout récemment directeur général de l’ambitieux Club Obsession de Montréal-Nord (ex Entre Nous 2 et 3333), qui n’a pas survécu à la pandémie. « On avait grossi notre discothèque et certaines soirées attiraient jusqu’à 1000 personnes, mais la COVID a été mortelle pour nous », admet Ray Gagné, qui cherche présentement un nouvel endroit pour son futur club Luxuria, dont l’ouverture est prévue cet automne, idéalement à Montréal. « Je cherche sinon un motel que je pourrais transformer en établissement libertin comme le Temptation à Cancún », indique Ray, bien heureux de constater que le milieu échangiste se serre les coudes pour traverser cette période difficile.
La bataille semble loin d’être gagnée pour ces trois mousquetaires de l’échangisme montréalais dont le modèle d’affaires repose presque entièrement sur les rapprochements. Souhaitons leur bonne chance.