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Confessions d’un stoner en break – PARTIE I

Je découvre les effets du sevrage de cannabis, un jour à la fois.

Par
Thomas Chenel
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Après cinq ans de consommation quotidienne de cannabis, j’ai décidé de prendre une pause. Je me suis rendu compte que je fumais plus par habitude que par choix, et le moment est venu de mettre le pot de côté pour quelques jours, ne serait-ce que pour avoir un meilleur buzz quand je vais recommencer. J’en profite pour découvrir avec vous les effets de cet arrêt subit sur mon humeur, mon appétit, mon sommeil, ma productivité et mes facultés cognitives.

Fumer juste pour fumer, c’est plate

À la base, j’ai commencé à fumer du pot par simple curiosité. Petit à petit, ma consommation occasionnelle est devenue régulière, pour se transformer en véritable habitude après quelques années. Depuis ce temps, je fume du pot pour me détendre, stimuler ma créativité, m’aider à me concentrer (ok, j’avoue que ça marche jamais), soulager mon anxiété et mon insomnie, et simplement parce que j’adore l’effet.

J’ai passé les cinq dernières années de ma vie à me dire « c’est correct, je peux arrêter quand je veux », c’est le temps de le prouver.

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Comme beaucoup de gens, je me suis retrouvé sans emploi au début de la pandémie. Je me suis mis à fumer plus, et surtout, à fumer plus tôt dans la journée. Après quelques mois, les cocottes ne suffisaient plus : j’ai fait la transition vers les extraits de cannabis (wax, shatter, crumble et autres délices), qui offrent un taux de THC nettement supérieur à celui des traditionnelles fleurs séchées.

Je n’ai jamais perçu mon usage quotidien comme un problème jusqu’à tout récemment. Fumer ne m’apporte plus grand-chose : je le fais par réflexe plutôt que par envie, et les effets ressentis sont souvent minimes malgré les grosses doses. En plus, on dirait que le weed a commencé à me rendre anxieux, un problème auquel je n’ai pas eu à faire face depuis mes premières expériences. J’ai passé les cinq dernières années de ma vie à me dire « c’est correct, je peux arrêter quand je veux », c’est le temps de le prouver. Le but, c’est de déterminer l’ampleur de ma dépendance pour ensuite réintégrer le cannabis à ma vie de manière plus saine.

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À quoi dois-je m’attendre?

Je dois vous avouer que j’ai un peu la chienne. Une recherche rapide sur Internet me permet d’avoir un aperçu de ce qui pourrait m’arriver : insomnie, perte d’appétit, irritabilité, troubles d’humeur, anxiété accrue et légers symptômes physiques risquent de me rendre la vie dure pendant les deux ou trois premiers jours, voire la semaine au complet. On s’entend que c’est moins pire qu’un sevrage d’opioïdes, de benzodiazépines ou d’alcool, mais ça me stresse quand même.

Les symptômes physiques ne m’inquiètent pas trop, mais je pense que mon appétit et mon sommeil vont manger toute une claque. En ce qui concerne les effets de l’abstention sur mon humeur et ma productivité, la seule façon d’en avoir le coeur net, c’est de l’essayer. C’est donc avec inquiétude et fébrilité que je me tape ma dernière dab jusqu’à nouvel ordre. Je partagerai avec vous mes observations sous forme de journal public.

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Jour 1 : L’irritabilité dans le tapis

Cher journal,

Le frigidaire fait trop de bruit, la musique est à chier, même les piétons dehors me gossent.

Ouf, ça commence pas bien. La journée se déroule sans accrocs jusqu’à 18h, heure à laquelle je suis habituellement déjà frosté. Tout d’un coup, je me sens crissement irritable : le frigidaire fait trop de bruit, la musique est à chier, même les piétons dehors me gossent. Je fais la vaisselle en boudant, je réponds sèchement aux questions de ma blonde. Bref, j’ai une attitude de marde.

Le pire, c’est l’envie de fumer. On dirait que je suis incapable de me rentrer dans la tête que c’est fini, qu’y’en aura pas, de puff avant le dodo. Je me cherche mille et une excuses pour repousser mon break, mais elles ont toutes moins de sens les unes que les autres. J’ai rarement eu de cravings aussi intenses pour quoi que ce soit. Heureusement, vers la fin de la soirée, je réussis à me ressaisir, et l’irritabilité mal placée se dissipe.

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J’ai aussi remarqué une légère baisse d’appétit : gourmand de nature, je mange habituellement un gros souper suivi de munchies en soirée. Cette fois, je réussis à peine à finir mon assiette, pis y’est pas question de collations après. À ma grande surprise, j’ai pas de problème d’insomnie, je m’endors à l’instant où ma tête touche l’oreiller.

Jour 2 : Nausées et frissons

Cher journal,

J’ai vraiment sous-estimé la force des symptômes physiques d’un sevrage de pot. Pour être honnête, je m’attendais plutôt à mieux feeler : une petite hausse d’énergie, peut-être même une meilleure concentration. À la place, j’ai un genre de malaise nauséeux accompagné de bouffées de chaleur et de frissons toute la journée. Étonnamment, je ne ressens aucun effet négatif sur mon humeur, c’est une journée comme les autres de ce côté. Je ne remarque pas de montée d’anxiété non plus.

Émotionnellement, ça va pas du tout : je pense à mes erreurs passées, aux personnes à qui j’ai fait de la peine en 2016, à des moments tristes de mon enfance.

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En ce qui concerne mon appétit, on peut parler de chute libre. Pour déjeuner, un minuscule bol de granola m’a levé le cœur solide, je n’ai pas réussi à le finir. Mes repas suivants n’ont pas été beaucoup plus faciles à avaler. Un sandwich qui m’aurait normalement fait sauter de joie semblait goûter le carton, j’ai dû en jeter la moitié. La bonne nouvelle, c’est que les cravings d’hier soir sont partis. On dirait que j’ai accepté mon sort, j’ai pas d’envies particulièrement intenses de fumer.

Si j’ai réussi à éviter miraculeusement l’insomnie hier, je ne suis pas aussi chanceux ce soir. Les idées se bousculent dans ma tête pendant que je me tourne dans tous les sens en cherchant désespérément un semblant de confort. Émotionnellement, ça va pas du tout : je pense à mes erreurs passées, aux personnes à qui j’ai fait de la peine en 2016, à des moments tristes de mon enfance. Vers 1h du matin, toujours incapable de dormir, je mets mes écouteurs à la recherche de réconfort. Je finis par brailler ma vie en écoutant du Radiohead et du Frank Ocean : c’est la catharsis. Après la crise de larmes, je me sens beaucoup mieux, mais j’ai toujours du mal à trouver le sommeil.

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Jour 3 : La lumière au bout du tunnel

Cher journal,

Bonne nouvelle, les symptômes physiques ont presque complètement disparu. En fait, je me sens assez bien malgré la nuit mouvementée. Par contre, je n’ai toujours pas retrouvé mon appétit. La fatigue me frappe de plein fouet en après-midi, mais je suis beaucoup moins anxieux qu’à l’habitude. Je remarque même une hausse de confiance en moi.

En soirée, l’envie de fumer est complètement absente. Je suis surpris par la vitesse à laquelle j’ai perdu le besoin de me défoncer. J’ai encore de la difficulté à m’endormir au moment d’aller au lit, mais c’est moins pire qu’hier.

+++

C’est moins pire qu’hier, mais ce n’est pas terminé.