Chers environnementalistes,
C’est rare que tous les Québécois soient du même avis, mais cette fois, on y est: on est tous écoeurés d’entendre parler du Pacte pour la transition écologique.
Je ne sais pas vous, mais je suis certain que le mot « transition » a été trouvé par une firme de branding qui essaie de nous faire croire qu’on peut lutter contre les changements climatiques en criant « probiotique ». Ce qui se dresse devant nous, ce n’est pas une transition: c’est une collision frontale au ralenti, sans coussins gonflables.
Depuis la vague de chaleur de l’été dernier, la pression a monté d’un cran (il était temps). On parle de génocide climatique, de désastres simultanés, de migrations de masse… même aux États-Unis. Il paraît même que LA TERRE SERA UNE ÉTUVE!
Il est pratiquement impossible de stopper tout ça simplement en se réunissant au nord de Lacolle. Ça rend, selon moi, la démonstration écolo du Pacte aussi sympathique qu’inoffensive. C’est comme si on essayait de combattre un cancer généralisé avec les colliers de noisetier de Marcel Leboeuf.
JE NE VEUX PLUS ÊTRE UN GENTIL ÉCOLO
Au Québec, on adore Guylaine Tremblay, le couple Véro-Louis et jouer les vierges offensées quand il est question d’environnement.
Je ne suis pas de ceux qui critiquent les environnementalistes: c’est maintenant beaucoup plus rationnel d’adhérer au marxisme soft de Québec Solidaire qu’aux politiques néo-libérales du PLQ/de la CAQ qui nous enfoncent toujours plus profondément dans la catastrophe environnementale. De toute façon, qui veut être du même bord que Sophie Durocher?
Bien entendu, let’s get real for a sec: c’est sûr que c’est facile pour des membres UDA de réclamer la transition en gang au TNM et à TLMEP (aussi facile que de les critiquer sur Facebook, d’ailleurs).
C’est sûr que ça paraît bien de critiquer l’achat d’un pipeline par le gouvernement fédéral, mais est-ce qu’on préfère que le pétrole brut exporté soit transporté en train?
Nous, les Québécois, on aime se faire croire qu’on est de gentils écolos qui ne feraient pas de mal à un ours polaire. Après tout, les énergies sales, ce sont nos frères (ennemis) d’Alberta qui sont spécialisés là-dedans! C’est sûr que ça paraît bien de critiquer l’achat d’un pipeline par le gouvernement fédéral, mais est-ce qu’on préfère que le pétrole brut exporté soit transporté en train?
Se taper dans le dos en parlant d’économie verte, faire pression sur un gouvernement provincial dirigé par un énième politicien baby boomer et se bomber le torse parce que notre société a gagné le gros lot à la loterie hydroélectrique, c’est futile et surtout ça ne changera rien à la catastrophe imminente.
C’est clair que le Pacte, c’est mieux que rien. Par contre, c’est quasi-stupide de croire que les actions individuelles et l’espoir (naïf) que le gouvernement mette ses culottes ça changera quelque chose. Les vrais de vrais bad guys, ce sont les émetteurs industriels (genre: bétonnerie, raffinerie et aluminerie) et les joueurs du secteur énergétique. Il y aura toujours des milliardaires pour faire plus d’argent avec des projets gaziers et pétroliers, et c’est ça le problème. Et ceux qui croient que François Legault et Justin Trudeau ont ce qu’il faut pour éviter le pire rêvent en couleur. Ces gars-là protègent leurs amis.
MILLE MILLIARDS DE MILLE BILLIONS
Aux cyniques anti-Pacte (ce que je suis), au lieu de bitcher l’UDA dans les médias sociaux, on aurait intérêt à regarder du côté des investisseurs qui font du cash en réchauffant la planète.
Suncor, par exemple, est l’exploitant le plus important des sables bitumineux. C’est aussi la compagnie qui détient Petro-Canada (allo, on boycotte?) et la raffinerie de l’est de Montréal. Et quand on regarde la liste de ses actionnaires, ce sont les plus importants fonds au monde qui tirent les ficelles. Des entreprises qui gèrent des BILLIONS de dollars: oui, des millions de millions. Pour qui? Des investisseurs, mais aussi des banques et des fonds de retraite.
J’avoue que c’est moins drôle de s’intéresser aux actionnaires des gros émetteurs qu’aux UDA sur Twitter, mais ce sont eux qui ont la survie de notre espèce entre leurs mains. Pas Dany Turcotte.
Imaginez, si c’était ici qu’elles se trouvaient, les jobs payantes créées par l’exploitation des sables bitumineux?
Un exemple: Ottawa prépare une réforme majeure du secteur énergétique qui rendrait l’Office National de l’énergie plus efficace (pour qui? à voir). La réforme est critiquée par l’industrie ET par la chef du parti Vert, Elizabeth May: il faut le faire! Mais dans les médias québécois, c’est le silence presque total sur le sujet.
Ici, on entend plus parler du selfie de Mélanie Maynard qui nous dit qu’elle a signé le Pacte dans son char que du fait que l’ouest du pays se mobilise contre toute tentative du gouvernement Trudeau désirant mieux évaluer l’impact des projets énergétiques au pays.
Pour minimiser l’extinction dans laquelle on se trouve, c’est sûr que c’est facile de bitcher les Albertains. Mais imaginez, si c’était ici qu’elles se trouvaient, les jobs payantes créées par l’exploitation des sables bitumineux? Si Doug Ford se sacre des Franco-Ontariens, je gage que les Québécois, eux, se sacrent bien de l’économie albertaine. Trudeau, finalement, fait ici ce qu’il fait le mieux: plaire à personne en voulant plaire à tout le monde. Le secteur énergétique canadien émet 1,44% des émissions mondiales de GES (plus que les émissions totales de l’Arabie Saoudite, qu’on aime pourtant pointer du doigt). Qui est game de sacrer l’économie des régions à terre?
Le secteur énergétique chinois produit à lui seul 21,56% des émissions mondiales. Et comment on leur dit ça, aux Chinois, que leur croissance boostée par l’énergie du charbon qui brûle causera notre perte? Surtout que leur nouvelle classe moyenne, elle est due en partie à notre consommation débile d’Occidentaux névrosés.
On leur donne quoi, aux Albertains et aux Chinois, pour sacrifier leur croissance au profit de… notre survie planétaire?
RÉPÉTEZ APRÈS MOI: « JE SUIS HYPOCRITE »
Ce que le Pacte continue de révéler, ce sont nos hypocrisies – personnelles, collectives et planétaires. On veut bien faire un effort, à condition de continuer à prendre l’avion. OK, on mange moins de viande, mais on mange des produits bio importés de Californie ou du Chili. Des hypocrisies qui n’ont rien à faire des frontières du « Québec ». Des hypocrisies qui ne sont pas nouvelles et qui sont ancrées dans mille comportements humains. L’appât du gain. Le profit. Le colonialisme. Les emplois bien payés. Les vacances dans un tout-inclus. Nos identités esthétiques (mode, déco, produits techno), alimentées par un système industriel complexe. You get the gist of it.
Le hic, c’est que révéler des hypocrisies, ça ne change rien à cette réalité : on roule dans un train sans frein, à grande vitesse. On est confortable, mais on commence à se demander ce qui arriverait si tout déraillait.
L’AVENIR LE PRÉSENT QUI NOUS ENTEND : CTRL + ALT + DEL
Il faut arrêter de parler de changements climatiques au futur. C’est ici, maintenant, que la catastrophe a lieu. Les désastres se multiplient déjà. Alors, chers environnementalistes, on arrête les démonstrations de vertu?
Dans le fond, toute cette crise est une opportunité : opérer un gros redémarrage de notre intégrité. CTRL + ALT + DEL. On arrive à l’échéance de tas de concepts qui ont fait leur temps : le profit, les pailles de plastique (et le plastique en général), la politique avec des élections aux quatre ans, l’étalement urbain, les nations qui tirent la couverture de leur côté et pellettent leurs problèmes dans la cour du voisin.
On aura beau sortir Yvon Deschamps aussi souvent qu’on veut et lui faire dire des affaires cutes, l’humanité n’arrivera probablement pas à réduire ses émissions dans les deux prochaines années.
Et cette refonte que je souhaite, je doute fort que les baby boomers en comprennent l’ampleur. Il y a des chances, chers collègues milléniaux, que ce soit notre gang qui opère ces changements. Aux baby boomers, j’ai envie de dire: vous serez les derniers à bénéficier d’une retraite, alors prenez-la donc et laissez-nous tranquille!
On aura beau sortir Yvon Deschamps aussi souvent qu’on veut et lui faire dire des affaires cutes, l’humanité n’arrivera probablement pas à réduire ses émissions dans les deux prochaines années. Il faut, dès maintenant, se préparer au pire et espérer le mieux.
On vivra, nous et nos 8 milliards de chums, une transition forcée, entre choc planétaire et transformation totale. J’ai déjà hâte.
Je suis optimiste, je le jure.