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Ces comédien.ne.s qui fondent leur compagnie de théâtre
Pour ceux et celles qui se posent encore la question: oui, c’est particulièrement difficile de percer comme acteur. Leur « taux de placement » après leur sortie des écoles de théâtre est assez flou, mais on sait qu’une faible minorité pourra directement vivre de sa passion à l’obtention de son diplôme. D’autant plus qu’à la télé québécoise, soyons honnêtes, c’est pas mal toujours les mêmes têtes.
Rien d’étonnant alors qu’une multitude de diplômés ou de jeunes acteurs autodidactes n’attendent pas que le téléphone sonne pour créer leurs propres projets. On peut penser entre autres aux compagnies de théâtre qui voient le jour chaque année et qui permettent à des acteurs professionnels d’avoir des opportunités de travail . Pour mieux comprendre le phénomène, je me suis entretenue avec quelques finissants qui se sont eux-mêmes lancés dans l’aventure.
L’administration avant la création
Maylina Gauthier a fondé La Reine Ninja il y a 2 ans, quelques mois après avoir terminé le Conservatoire d’art dramatique de Montréal.
« J’avais commencé à écrire une pièce parce que je stressais à l’idée qu’il ne se passe rien dans ma carrière. Alors quand j’ai finalement terminé de l’écrire, je me suis dis qu’il fallait bien que je la produise! » Pour cela, Maylina a donc eu l’idée, comme plusieurs autres, de fonder une compagnie de théâtre, non sans complications: « Normalement, pour recevoir des subventions, une compagnie doit s’enregistrer comme OBNL. De cette façon, les regroupements artistiques et les mécènes savent que les profits iront au développement de la création. Mais pour s’enregistrer comme OBNL, il faut 3 membres administratifs minimum, et c’est parfois difficile de trouver des gens qui ont envie d’aller dans le même sens que toi. Pendant plusieurs mois, les deux autres signataires administratifs ont donc été mes parents! ».
Toutefois, certaines compagnies n’obtiennent même pas de subventions. C’est le cas d’Une Autre Compagnie de Théâtre , compagnie au nom évocateur fondée par la comédienne et artiste visuelle Daphnée Côté-Hallé et la scénariste et metteure en scène Valery Drapeau.
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« Même si on est enregistrés comme OBNL, on doit fonctionner avec notre propre financement et la vente des billets. Il faut toujours penser plus loin, c’est super éreintant, mais aussi très stimulant. Il faut apprendre sur le tas, et le faire pour le bien de la création », m’explique Daphnée au téléphone.
La motivation derrière les efforts
L’an passé, les parents de Maylina se sont peu à peu retirés de La Reine Ninja pour laisser la place à d’autres de ses camarades, qui avaient tout à gagner en devenant administrateurs. « Ça facilite la production de spectacles, en plus de donner des crédits UDA. C’est un point UDA par show! », raconte Mathieu Aumont, aussi diplômé du Conservatoire d’Art dramatique, qui s’est joint au projet de Maylina il y a un an.
Pour ceux qui ignorent tout du fonctionnement de l’UDA (Union des Artistes), il faut savoir que c’est en accumulant ces fameux crédits qu’on en devient membre. Et ça donne quoi? Un statut professionnel qui permet aux artistes (acteurs, animateurs, chanteurs, danseurs) de se faire reconnaître dans leur discipline, mais aussi une protection syndicale, des conditions de travail décentes et un salaire de base négocié. Trente crédits, c’est ce qu’il faut pour devenir membre et on les obtient par le biais de spectacles ou d’apparitions à la télévision. C’est donc l’objectif de plusieurs diplômés, puisqu’à leur sortie des écoles, il ne sont reconnus que comme stagiaires, statut qui ne donne que 15 crédits sur 30. Créer des spectacles de théâtre et s’inscrire comme compagnie devient donc la solution la plus logique pour y parvenir rapidement.
«La Reine Ninja, c’est un beau filet de sûreté, ça nous permet de rester actifs, même si ce n’est pas très payant.»
Donc, pour revenir à La Reine Ninja, Maylina et Mathieu ont intégré, il y a peu de temps, deux autres diplômés du Conservatoire de Montréal à leur administration : Sophie Grenier, une de leur amie qui s’impliquait déjà beaucoup, et Ève Lemieux. Cette dernière est, oui, épouse de Mathieu Aumont, mais c’est aussi une comédienne qu’on a pu voir dès l’âge de 10 ans dans La mystérieuse Mademoiselle C, puis qu’on a vu évoluer dans Providence, Les Rescapés et, plus récemment, dans la série Fugueuse. « La Reine Ninja, c’est un beau filet de sûreté, ça nous permet de rester actifs, même si ce n’est pas très payant. C’est vrai qu’il y en a beaucoup, des compagnies. À la fin du Conservatoire, j’hésitais à en partir une, parce que je me disais, c’est la jungle! Et qu’est-ce que moi j’ai de plus merveilleux à offrir? Mais lorsque j’ai vu à quel point ça stimulait Mathieu, j’ai eu envie d’embarquer ». Son époux ajoute qu’en effet, « probablement tout le monde se part une compagnie de théâtre ». Toutefois, contrairement à la télévision, il y a très peu de compétitions entre les organisations théâtrales. « Quand on a une compagnie, on le fait pour la passion, on s’attend pas à faire le cover d’un grand journal. On a plein d’amis qui ont eux aussi une compagnie, comme La Ruée, qui est spécialisée en théâtre de rue, et on adore les encourager, on a juste envie qu’ils réussissent! », me révèle le groupe.
La marque de commerce de la création
«Partir une compagnie pour se faire connaître, ça a permis mon émancipation comme comédienne et ça presque été aussi formateur qu’une école!»
La compétition est peut-être écartée du jeu, mais pour éviter la comparaison, les fondateurs tentent d’avoir une marque de commerce bien à eux. « Nous on est beaucoup dans l’autodérision, dans l’ironie, on valorise beaucoup les parcours atypiques », explique Daphnée qui, justement, n’a jamais fait d’école. « Partir une compagnie pour se faire connaître, ça a permis mon émancipation comme comédienne et ça presque été aussi formateur qu’une école! », rigole-t-elle.
La Reine Ninja a aussi un filon bien à elle : « On est une compagnie ouverte à tout type de création, mais pour l’instant, on fait des shows d’improvisation théâtrale. On est environ 8 acteurs qui ne se donnent aucune contrainte, on part de rien, du vide! Partir de rien, c’est là où on se sent libre de laisser notre imaginaire vagabonder! », raconte Maylina.
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Et faire de l’impro libre pendant une heure, n’est-ce pas un jeu dangereux qui risque de virer en cacophonie? « Je ne pense pas, nos histoires ont toujours des finalités intéressantes. On ne fait pas de l’impro égoïste, on pense au public qui a payé pour nous voir. Et ce concept les implique beaucoup! Autant ils peuvent être stressés à cause des péripéties dans notre histoire, autant ils peuvent l’être parce qu’ils se demandent comment on va faire pour se sortir d’une impro beaucoup trop saugrenue! », me dit Ève avec enthousiasme.
Tous ces acteurs sont unanimes: le plus difficile, c’est de se faire connaître au-delà des parents et des amis. Pour ce faire, Maylina, Ève, Mathieu et Sophie de La Reine Ninja ont monté une soirée de lancement qui aura justement lieu le samedi 15 septembre au Livart : « On veut que les gens sachent qu’on existe, et qu’ils découvrent l’improvisation théâtrale! On a invité 4 gros noms du monde de l’improvisation, dont Tammy Verge et Antoine Vézina. À nous 8, on tentera de créer une soirée mémorable! ».
Pour plus de détails, voyez l’événement facebook , la page facebook et leur compte Instagram!