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Bonne nuit, mon amour

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Une image m’est apparue par une nuit d’insomnie : j’ai passé des années à dormir en cuiller avec un cadavre. Entre mon ex et moi, gisait le cadavre de notre amour.

Je n’arrive plus à me défaire de cette image.

J’ai rêvé la nuit dernière (même quand je dors, mes nuits sont pas reposantes) à un gars dont j’avais été folle amoureuse au début de la vingtaine. Peter, un British. Qui m’avait “bien aimée”. Et qui une fois reparti du Canada m’appelait de temps en temps d’Angleterre, d’Australie, de Thaïlande, pour vérifier si je ne l’avais pas oublié, si j’étais encore fébrile et émue juste à entendre sa voix.

Je me souviens de son dernier coup de fil, où il m’avait dit : “Come on, lady, come with me to Australia.” Et je me souviens de la libération que j’avais ressentie en me rendant compte que ses belles paroles (en l’air) n’avaient plus d’emprise sur moi. Je venais de rencontrer un nouvel amoureux, celui qui allait devenir le père de mes enfants.

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Je reviens à mon rêve. Nous vivions quelque chose de passionné, Peter et moi, et, du jour au lendemain, il cessait de me donner des nouvelles. Quand je le revoyais, je lui disais : “Tu t’es tanné de moi, c’est ça? Tu me trouves platte?” Il me répondait que oui, j’avais tout compris. Et je le suppliais – pathétiquement — de me redonner une chance, expliquant que j’étais platte seulement parce qu’il m’impressionnait trop, que lorsque j’arriverai à être enfin à l’aise avec lui, il verrait, que je suis cool, drôle, flyée. Il me prenait dans ses bras et acceptait de me donner une chance.

Je me suis réveillée en sursaut au milieu de mon rêve, le cœur battant.

Toute la journée, ça m’a obsédée. Je me suis rendu compte que ces années à dormir avec un cadavre m’avaient laissé en héritage une peur panique de la cadavérisation de l’amour. Une peur qui me fait étouffer le moindre sentiment amoureux qui aurait l’audace de se pointer le bout du nez. Je ne vois que ça : un jour, celui que l’on faisait rire, détourne les yeux, ou même soupire, quand on dit des niaiseries, celui qu’on aurait suivi avec des étoiles dans les yeux dans une ville aussi platte que Windsor peut se tenir en bobettes à côté de nous sans qu’on n’y prête attention.

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Les dernières années de mon couple ont été cassantes, une longue lutte de pouvoir où on s’est éloignés, sans véritable amour, même si tous les soirs avant de s’endormir en cuiller on se disait “Bonne nuit, mon amour”. On s’est dit cette phrase des centaines de fois, voire plus, après la mort de l’amor.

Comment après cela redire Mon amour?

Je dis que l’amour était mort entre nous depuis longtemps, mais je n’ai aucune idée de la date du décès. Je me suis crue amoureuse jusqu’au bout. On se disait tous les soirs “Bonne nuit, mon amour”, c’était une preuve que l’amour était encore là, non? Peut-être que oui, un peu. Peut-être que non. Je ne sais plus. Et d’abord, c’est quoi, l’amour?

Dans ma vie, il y a trois ou quatre couples que je considère comme beaux et inspirants. Je ne parle pas ici de jeunes couples, mais de gens qui sont ensemble depuis 15, 20, 25 ans. Le couple en haut de ma liste, c’est celui de Lucie et Martin. C’était, devrais-je dire. Eh oui, mon couple fétiche s’est laissé l’an dernier. Ça a été un choc pour moi. Un gros choc. J’y ai perdu pas mal du peu de foi qu’il me restait en l’amour.

Dans mon désir, en cette nouvelle année, de décortiquer plus à fond les relations amoureuses, j’ai écrit à Lucie. Accepterais-tu de me raconter votre couple, et surtout, de m’expliquer comment vous, si proches, si complices, pendant plus de 25 ans (!!) avez pu finir par vous laisser? Elle a dit oui! J’étais énarvée comme une étudiante en journalisme sur le point d’interviewer son idole!

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Par une soirée douce de janvier, on s’est assises devant un verre de vin et on a jasé. Pendant plus de deux heures. J’étais fascinée. Je ne vous conterai pas les détails ici (peut-être dans un autre texte), mais en gros, j’ai appris que leur couple qui semblait si parfait avait des failles dont peu de gens étaient au courant. Certaines assez grosses, même. Que le positif était suffisamment fort pour qu’ils aient tous les deux envie d’accepter le négatif, d’étouffer certains sentiments, qu’ils ont travaillé fort pour passer et repasser au surligneur les bons côtés de l’autre, de leur union, de leur famille.

Je vous entends me répondre : Mais tu n’as rien compris, c’est toujours ça, les couples qui durent! Oui. Le surlignage, je sais. Mais. Un moment donné, ce qui a été étouffé est remonté comme une éruption volcanique et a tout emporté, leur couple en premier lieu. Et l’amour. Parce que Lucie, qui après 20 ans avec Martin avait encore des papillons dans le ventre quand il apparaissait dans une pièce et qu’elle se disait “C’est mon chum, ça”, n’a soudain plus ressenti autre chose qu’un immense besoin d’air, et celui de se retrouver.

Elle. Pas une moitié de couple.

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Mon couple n’était pas aussi beau que celui de Lucie et Martin. N’avions-nous pas acheté les bons surligneurs? Étions-nous simplement moins compatibles au départ? Ou nous sommes-nous plus vite éloignés en évoluant? Dur à dire.

Mais la question qui prend le plus de place dans ma tête demeure celle-ci : c’est quoi l’amour? J’en ai déjà parlé, forcément, ici entre autres. Et après tout ce temps, je n’en sais guère plus. OK, il y a le cul. OK, il y a la complicité. MAIS… qu’est-ce qu’un amoureux apporte de plus que les amis, les vrais, ne peuvent offrir? Moi qui ai de nombreux amis très proches, je me demande si ça ne comble pas un besoin, si un amoureux ne m’est pas moins nécessaire qu’à d’autres.

Peut-être que j’analyse trop. Je pense que c’est un des principaux effets secondaires de ma rupture : le manque d’abandon, le besoin de décortiquer les sentiments. Avec un peu de chance, ça ne sera pas toujours comme ça.

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J’ai envie de vous lancer un défi : convainquez-moi que l’amour existe encore (clin d’œil à Céline) et qu’il vaut la peine qu’on prenne des risques pour lui.

Pis si vous pouvez m’analyser un peu ce que ça représente pour vous, l’amour, ça vous vaudrait ma reconnaissance (quasi) éternelle.

À vos claviers!

***

Pour lire un autre texte de Brigitte des RoseMomz : “Avoir su…”

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