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Avec pas de sous-titres : « Fanny » de Yan England en compétition au Festival du film francophone d’Angoulême
Petite rencontre entre Québécois dans un hôtel français.
Les Québécois ont donné un « ostie d’show » en clôture du Festival du film francophone d’Angoulême, qui, comme vous vous en souvenez peut-être, a mis le Québec à l’honneur pour sa 18e édition. En plus d’apercevoir le fleurdelisé flottant au-dessus de la tourelle de la mairie, la cérémonie de samedi dernier a réuni deux vieux loups, Robert Charlebois et Claude Dubois, puis un Garou — haha — question de boucler la boucle bleu Québec avant le sacre des gagnants.
On s’attendait certes à revoir Robert, qui avait entonné Lindbergh à l’ouverture, Claude aussi, mais l’arrivée surprise de Quasimodo a provoqué tout un émoi chez les Angoumoisins.
Par contre, mon p’tit cœur battait plus fort pour la relève québécoise que pour la sagesse. Car parmi les dix films en compétition, un produit bien de chez nous se mesurait aux canons : Fanny, réalisé par Yan England, d’après un scénario de Stéphanie Lapointe.
Comme les fans du Canadien chaque année, j’y ai cru. D’autant que Yan England a la réalisation heureuse : nomination aux Oscars pour son premier court métrage (Henry), Prix du jury étudiant ici même à Angoulême pour son premier long (1 h 54), et Grand Prix international à Séries Mania pour sa série Rematch.
Pourtant, la présidente du jury Diane Kruger m’avait prévenue : « J’aime les films qui me dérangent, qui me bousculent. C’est ce genre d’expérience inoubliable que je recherche : des films qui marquent durablement, même si ça n’arrive pas souvent ».
Et quand j’avais demandé à la jurée québécoise Sara Montpetit (Vampire humaniste cherche suicidaire consentant) si elle allait demeurer neutre au visionnement de Fanny : « Nous sommes tous très, très objectifs. Même si j’ai un attachement pour un film québécois, nous sommes là pour juger l’œuvre qui est projetée, pas ce qu’il y a derrière. ». Et le jury a bel et bien retenu des productions qui dérangent et qui bousculent : le drame familial Les enfants vont bien, avec Camille Cottin et Monia Chokri (oui, oui), Promis le ciel, autour d’une femme pasteur, tandis que le public a retenu le bouleversant Muganga, celui qui soigne, sur l’œuvre d’un médecin congolais Nobel de la paix.
AVEC PAS D’SOUS-TITRES
Pas que je sois mauvaise perdante (sauf au Risk), surtout que les gagnants s’inscrivent indiscutablement dans la catégorie « film coup de poing », mais je tique sur un épisode de la semaine. Nous sommes en fin de projection de Fanny dans une salle bondée et émue, où l’équipe répond aux nombreuses questions d’un public visiblement conquis. Après plusieurs échanges sur le jeu des acteurs et les lieux de tournages, l’éléphant dans la pièce sort enfin du sac : « J’ai été frustrée de ne pas tout comprendre, est-il prévu de faire un sous-titrage » ? Boum ! Le sujet qui fâche. Car, contrairement à d’autres, les organisateurs du festival se font un point d’honneur de ne pas sous-titrer les films parce que, ben, sont en françâ.
Suite au visionnement de Fanny, Paul me confie : « C’était difficile, car des expressions m’échappaient ». Même son de cloche pour Elodie : « Il y a des répliques que je n’ai pas comprises. Peut-être que des sous-titres auraient aidé, mais j’avoue que j’aime aussi entendre la langue telle qu’elle est. Ça fait partie du charme. »
Une question me triture. Quand Robert Charlebois lui-même admet avoir eu du mal à saisir certains échanges fleuris, est-ce que le jury a également raté des bouts du film ?
Mieux vaut-il habituer l’oreille des non-initiés ou, au contraire, les prendre par la main (ou par les oreilles ?) en plantant des sous-titres pour assurer la totale compréhension des dialogues ?
Le sujet me chatouille au point que j’ai interrogé Sylvain Ravel, un critique français et expert du cinéma québécois. « Le public sait à quoi s’attendre dans un festival consacré au Québec, donc la nécessité des sous-titres est moindre. Mais c’est autre chose en salle commerciale. Reste à savoir quel type de sous-titrage utiliser : total, qui traduit tout, y compris les québécismes ou partiel, pour les passages incompréhensibles. La meilleure méthode, selon moi, demeure la transcription qui respecte les expressions québécoises. Ça permet également aux spectateurs de les apprendre au passage. »
Blanc bonnet ou bonnet blanc. Un vieux débat que le producteur de Fanny Claude Veillet a désamorcé avec humour. « Ça arrive peu au Québec, mais on pourrait aussi sous-titrer les films français. » J’ai souri, comme plusieurs.
CONTRE MAUVAISE FORTUNE BON CŒUR
Même si Fanny repart les mains vides, se retrouver parmi les dix films finalistes dans un festival célébrant le cinéma francophone vaut son pesant de pop-corn. À l’échelle québécoise, le bilan du FFA impressionne avec ses 65 000 visiteurs (l’équivalent de Brossard) et ses 150 journalistes accrédités.
Pendant que je me creuse le ciboulot pour trouver une conclusion qui claque, une pub à la radio française me rappelle que la série québécoise chouchou Empathie (Prix du public à Séries Mania 2025), débarque cet automne sur la chaîne française Canal+. Péché d’orgueil avoué à moitié pardonné : je ronronne de fierté. Notre « accent chantant » n’est peut-être pas toujours compris par nos cousins de l’Hexagone, mais notre créativité y brille, et bien au-delà : Mille secrets mille dangers de Philippe Falardeau sera présenté au Festival du film de Hambourg fin septembre, Amour apocalypse d’Anne Émond fait sa grande rentrée française le 3 octobre, et On sera heureux de Léa Pool aura sa première le 4 novembre au Festival Cinémania de Montréal.
Et ça, ça claque.

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