.jpg)
Depuis l’avènement des réseaux sociaux, il est coutume de réinventer notre relation à une personnalité publique à l’annonce de son décès. J’en suis le premier coupable. Bien que j’aimais déjà les Cowboys Fringants, la mort de Karl Tremblay m’a poussé à réécouter leur discographie complète et nourri une nouvelle appréciation pour leur poésie militante qui c élébrait le monde ordinaire.
Dans le cas de Paul Houde, cet exercice de réappréciation ne sera pas possible. Parce qu’on avait tous la même relation avec lui.
On l’aimait tous de la même façon, comme un cousin ou un oncle avec un talent extraordinaire pour illuminer les grands rassemblements ou les petites soirées tranquilles avec son humour, son charisme, sa simplicité, sa culture encyclopédique et sa passion contagieuse pour le monde qui l’entoure.
Paul, on l’aimait déjà à la hauteur de son talent et de sa personnalité magnétique.
Il était quelqu’un qu’on aimait pour qui il était et non parce qu’il remplissait un rôle ou une fonction dans notre quotidien. Paul Houde aurait pu nous lire le derrière d’une pinte de lait, le Québec au complet se serait rassemblé pour l’écouter.
Pas nécessairement parce que c’était intéressant, mais parce que c’était lui qui la lisait. Parce qu’on savait qu’il allait avoir quelque chose de drôle ou d’intéressant à ajouter.
Sauf qu’on n’aura plus jamais l’occasion de l’entendre. Paul Houde est décédé à la suite de complications liées à une opération au cerveau.
Le Québec vient de perdre une présence unique. Un renaissance man, touche-à-tout hyperactif dont il n’existait qu’un seul exemplaire.
Le roi de la différence
Une des grandes forces de Paul Houde, propulsé par sa curiosité exceptionnelle et son charisme, c’était sa grande polyvalence. Il avait sa place comme animateur à la radio, sur des quiz de début de soirée ou comme acteur dans des films. Il incarnait avec humilité et dynamisme cet art de vivre si important aux Québécois : celui de la conversation.
Tout le monde pouvait avoir une conversation avec lui, apprendre une chose ou deux et ne jamais se sentir niaiseux. Que ce soit Marc Labrèche, Jean-Philippe Wauthier ou Charles Lafortune.
Paul Houde était un conversationnaliste de grande qualité parce qu’à la base, il était un geek.
Il adorait apprendre, s’immerger dans le savoir et dans les traces que laissent les gens dans le monde. On connaissait sa capacité surhumaine à retenir des statistiques sportives, mais ce talent s’étendait à toutes les sphères de ses intérêts. Vous n’avez peut-être pas écouté Le Cercle, mais ceux et celles qui ont connu cette époque ont appris une chose ou deux (ou dix) de la bouche de Paul Houde.
Cette passion avec laquelle Paul Houde dévorait le réel faisait de lui à la fois un caractère unique, mais aussi un modèle pour toutes les personnalités geeks et atypiques (il avait révélé dernièrement être sur le spectre de l’autisme). S’il y avait de la place pour lui dans la royauté culturelle du Québec, il y avait de la place quelque part pour chacun d’entre nous. Sa grande générosité, son ouverture et son aisance avec son prochain balisaient pour nous tous le parcours vers cette petite place qui nous attend.
S’il pouvait s’ouvrir au monde, faire sourire les gens et parfois leur apprendre quelque chose, nous aussi on pouvait le faire. Nous aussi, on pouvait célébrer notre différence.
La célébrité québécoise par excellence
Au-delà de ses connaissances et de sa personnalité, Paul Houde symbolisait quelque chose qui faisait de lui la célébrité québécoise par excellence.
L’humilité et le sens de l’humour sont deux valeurs extrêmement prisées par l’auditoire québécois. Des qualités que Paul Houde possédait en quantité industrielle. Il acceptait toujours de bon cœur d’être le dindon de la farce. Son autodérision lors de ses chroniques sportives pendant les années de gloire du légendaire bulletin d’information satirique La fin du monde est à sept heures a créé de grands moments d’humour à la télé québécoise.
À l’animation du quiz Lingo (une émission beaucoup trop addictive — ce serait une appli pour téléphone intelligent aujourd’hui), il faisait briller une différente facette de son humour. Autant il acceptait de faire rire de lui, il riait toujours avec le monde et non à leurs dépens.
C’est cette humilité qui faisait de lui à la fois un personnage plus grand que nature et quelqu’un qu’on inviterait dans n’importe quel party.
Au Québec, on aime nos célébrités terre-à-terre et Paul Houde était la preuve que c’est possible de ne pas laisser le succès nous changer. Le monde des médias était pour lui un immense terrain de jeu qui pouvait nourrir les différents aspects de sa personnalité – qui pouvaient parfois sembler contradictoires, mais qui cohabitaient si bien en lui. Il était à la fois transcendant, inimitable et monsieur Tout-le-Monde.
Je m’en voudrais de conclure cet article sans mentionner son passage à Courrier recommandé avec son frère Pierre, de loin mon épisode préféré de la série. On y ressent la bienveillance, l’autodérision, la complicité et toute l’expérience des frères Houde dans le monde des médias. Ils sont tellement à l’aise qu’on a l’impression d’être dans leur salon pendant le temps des Fêtes.
Au revoir, Paul!
On ne te remplacera jamais et on ne t’oubliera jamais, non plus.