Vous vous souvenez du #Gaspésiegate l’été dernier? Des milliers de Québécois se sont rués vers la magnifique péninsule pour piquer leur tente sur des plages qui n’avaient rien demandé. Plusieurs ont gossé leur entourage avec leur post Instagram au sommet du Mont-Albert. D’autres ont décidé de stationner leur pick-up à un endroit pas du tout fait pour ça et se sont littéralement fait inonder.
Avec la frénésie du plein air qui semble avoir gagné la province au complet depuis le printemps dernier, on peut se demander ce qui attend l’industrie du tourisme d’aventure et de plein air pour la prochaine saison estivale et les années à venir.
Est-ce le début d’un temps nouveau où chaque Québécois aura son abonnement à la SÉPAQ et ses bâtons de marche en carbone à portée de main prêt à se battre pour avoir sa place sur les sentiers? Ou n’est-ce qu’une bulle éphémère créée par la pandémie?
On a demandé à deux experts du milieu ce qu’ils en pensent.
Une popularité qui ne date pas d’hier
Si un bon nombre de résidents de la province semblent avoir découvert la richesse des paysages qui les entoure, le tourisme d’aventure et de plein air connaissait un essor important bien avant qu’un certain virus nous tombe sur la tête. «L’industrie a connu une augmentation de 50% de clientèle dans les trois années précédant la pandémie», relève Pierre Gaudreault, directeur général de l’Association des parcs régionaux du Québec (PARQ) et d’Aventure Écotourisme Québec, qui regroupe 150 entreprises spécialisées en tourisme d’aventure.
Le DG explique qu’il y avait déjà une «ruée» de la clientèle internationale vers la nature du Québec. «On a un immense territoire avec une biodiversité hors du commun. Les touristes étrangers viennent ici pour profiter du grand air et de ces merveilles de plus en plus chaque année».
En ce sens, l’achalandage pandémique observé durant la dernière année n’a pas été si «déstabilisant» que ça pour l’industrie, estime Pierre Gaudreault. C’est plutôt la répartition des touristes dans la saison qui a pu causer des maux de tête. «Habituellement, il y a des touristes internationaux de mai à début septembre qui représentent environ 40% de la clientèle des entreprises de tourisme de plein air. Ils n’ont pas été au rendez-vous en 2020, mais la majorité des entreprises a tout de même connu une très bonne saison puisque ce vide a été comblé par une clientèle québécoise durant l’été, qui a été ponctué de “peaks” d’achalandage intense».
Concernant le nombre de visiteurs dans les parcs de la province, le DG de PARQ est catégorique. «Tout ce qui est considéré comme “activité en pratique libre” (la randonnée, le camping, etc.), ça a été la folie. On a jamais vu un engouement pareil. Ça a été tout un défi de gérer l’arrivée massive de visiteurs…», admet-il.
Avec un constat pareil, est-ce que la prochaine saison l’inquiète en ce qui a trait aux débordements potentiels? Oui et non. «Cette fois-ci, on s’attend à ce qu’il y ait encore un gros achalandage pour les activités de plein air vu que la majorité des évènements culturels risquent d’être annulés et que les voyages en dehors du pays seront probablement fortement découragés. Ce qui est inquiétant, ce sont les comportements humains qui peuvent gâcher nos beaux espaces», confie le DG en faisant référence au fiasco des plages gaspésiennes l’été dernier.
«Ce qui est inquiétant, ce sont les comportements humains qui peuvent gâcher nos beaux espaces.»
Si l’engouement pour le plein air semble avoir pris un essor important au cours de la dernière année, Pierre Gaudreault est d’avis que ce phénomène est là pour rester, mais que la situation va se «stabiliser» au fil du temps. «On a vécu une croissance accélérée et un peu chaotique, mais je suis certain que ça va revenir un peu plus à la normale quand les gens vont pouvoir voyager ailleurs et que l’achalandage sera réparti plus uniformément durant la saison».
Revirer sa (K)caravane sur un dix cennes
Au moment de fonder son entreprise de tourisme d’aventure Karavaniers il y a 23 ans, Richard Rémy avait comme objectif de faire découvrir des endroits sauvages un peu partout sur la planète (sauf aux États-Unis et au Canada) à des touristes sportifs et téméraires en quête de dépaysement.
Comme pas mal tout le monde, l ’entrepreneur ne s’attendait pas du tout à devoir stationner sa caravane au Québec (figurativement parlant) pendant près d’un an en raison d’une pandémie mondiale. «On a pas eu le choix de se revirer de bord et développer des expériences au pays pour survivre», explique d’emblée le fondateur de Karavaniers.
Il s’est alors penché sur des voyages «hypothétiques» aux mois de mars et avril dernier concentrés sur le territoire de la province. «On a voulu offrir des expériences plus audacieuses que ce qu’on peut voir habituellement ici, comme une exploration du fjord du Saguenay de 6 jours et une excursion de 6 jours en kayak dans les îles Mingan».
L’entrepreneur dit avoir pu compter sur une clientèle «exceptionnelle» et «très réceptive» pour continuer de rouler sa bosse dans la dernière année, même s’il avoue ne pas avoir atteint «du tout» son chiffre d’affaires. «Mettre sur pied ce genre d’expériences nous a amenés à créer des emplois, en engageant des guides locaux par exemple, à contribuer à l’économie locale durant une période difficile et à ne pas déprimer», se console l’entrepreneur en riant, ajoutant du même souffle qu’il compte rajouter des dates de voyages au Québec, vu la popularité de ceux-ci la saison dernière, et de nouvelles destinations dans l’Ouest canadien.
Même s’il demeure optimiste pour la suite des choses et qu’il se tient «occupé» avec notamment un plan de relance «verte», Richard Rémy reste sur ses gardes et suit de près la situation de la pandémie. «On a dû annuler tous nos voyages avec la deuxième vague à l’automne dernier. On se croise les doigts pour que les variants (de COVID-19) ne viennent pas ruiner notre prochaine saison».
S’il juge que la saison estivale de 2020 a été catégorisée comme «bordélique» à plusieurs niveaux pour l’industrie du tourisme, l’entrepreneur aventurier estime que les gens en auront tiré des leçons et que l’été 2021 sera moins catastrophique. «Je ne crois pas qu’on va revoir d’aussi gros débordements comme ceux qu’on a vus en Gaspésie. Les habitants des régions sont mieux préparés et je suis sûr qu’ils vont trouver le moyen de gérer la situation… et de faire une belle passe de cash», mentionne-t-il en riant.
J’espère qu’on va réaliser la chance qu’on a d’avoir un aussi beau territoire, qu’on va en prendre soin.
Tout comme Pierre Gaudreault, Richard Rémy croit que l’engouement des Québécois pour le plein air est là pour de bon. Il aimerait d’ailleurs que l’expérience de la pandémie puisse amener les gens à «remettre en perspective certaines choses». «J’espère qu’on va réaliser la chance qu’on a d’avoir un aussi beau territoire, qu’on va en prendre soin et qu’on saura apprécier les voyages à leur juste valeur quand tout ça sera fini».
Là-dessus, on va se souhaiter de pouvoir profiter de nos beaux espaces en paix cet été sans que des déchets nous gâchent la vue ou qu’un pick-up fasse le smatt dans un barachois…
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