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Après la COVID, la gonorrhée?
«Le hot vax summer arrive. Même ceux qui sont en couple vont vouloir être célibataire!» a affirmé haut et fort une collègue la semaine dernière, devant les hochements de têtes approbateurs du reste du bureau.
C’est vrai. Ça se sent dans l’air. On a tous un peu envie de finir comme dans la pub de gomme Extra (le « on » exclue la personne qui parle et qui n’a pas l’intention de briser son couple pour aller frencher des inconnus sur les terrasses). Si cette perspective donne envie de s’embarquer dans des orgies sur les pentes du Mont-Royal, je n’ai quand même pas pu m’empêcher de penser qu’elle pouvait aussi être synonyme d’augmentation des ITSS.
On (cette fois-ci, le « on » inclue la personne qui parle) s’est donc entretenus avec une experte pour parler ITSS et prendre le pouls de ce qui se passe avec la santé sexuelle des 18-35. Parce que je ne connais personne qui veut attraper la gonorrhée.
«Ce qu’on voit, c’est que [les ITSS sont] en augmentation. On essaie toujours de voir quelles sont les raisons, parce que ce n’est pas juste chez les hommes, c’est aussi chez les femmes hétérosexuelles», explique Dre Alexandra Hamel, médecin omnipraticienne en VIH-Hépatite virale, dépendance, ITSS et co-fondatrice de la clinique l’Agora. Quand on parle d’augmentation, ce n’est pas deux ou trois cas de plus. On parle de 70% d’augmentation lors du déconfinement de l’été dernier! Bon, les gens avaient grandement arrêté de se faire dépister pendant le premier confinement, seulement ce n’est pas la seule raison qui explique ce phénomène.
On ne capote plus pour la capote
La réticence par rapport au port du préservatif dans la population générale est un bon départ pour comprendre cette hausse. Avec l’arrivée de la PrEP pour les personnes plus à risque et la découverte selon laquelle les personnes suivant un traitement antirétroviral efficace avec une charge virale indétectables ne pouvaient pas transmettre le VIH par voie sexuelle, la menace terrible que représentait le VIH/SIDA s’est estompée.
L’herpès, les molluscoums ou les condylomes du VPH ne sont pas full confortables.
«On n’aime pas ça travailler à la menace non plus, mais le VIH en était une super efficace. Là, il n’y en a plus. [Le condom] est moins valorisé, c’est pas aussi discuté, aussi promu. Il a vraiment perdu son trend,» estime Dre Hamel. Je vous entends déjà revenir avec la vieille rengaine «le condom c’est pas confo». Mais est-ce que l’herpès, les molluscoums ou les condylomes du VPH le sont plus? Non.
C’est vrai qu’en dehors de l’école secondaire et des cliniques de dépistages, on n’entend plus vraiment parler du condom. Peut-être avec nos gangs d’amis plus open… Sinon, on ne voit pas de capotes danser sur nos écrans en scrollant Instagram ou TikTok. «C’est assez connu et accessible, mais il n’y a pas d’adhésion qui est sexy. Ça va toujours un peu avec les politiques de prévention des gouvernements. S’ils n’investissent pas là-dedans, on est vraiment limités», précise l’experte.
Le hot vax summer, c’est pas juste ton bras qui va piquer…
«J’appréhende que les gens vont faire des sex parties. On va vivre dans une ère beaucoup plus euphorique et carpe diem cet été.»
Le vaccin contre la COVID-19 va sauver d’innombrables vies et va entraîner un retour graduel à la vie normale. En fait, pas tout à fait normale : avec l’été qui frappe de plein fouet et ce nouveau sentiment d’invincibilité qui habite les vaccinés, on peut s’attendre à une ambiance qui rappelle les années folles. «Ça aussi, c’est une autre affaire, l’espèce d’euphorie de société qu’on va vivre. J’appréhende que les gens vont faire des sex parties. Ils vont se laisser aller. On va vivre dans une ère beaucoup plus euphorique et carpe diem cet été», constate la médecin, toutefois heureuse qu’on quitte enfin l’angoisse omniprésente de la pandémie.
Mais a-t-on vraiment mis notre vie sexuelle en pause depuis les 18 dernier mois? Si c’est le cas, on aurait dû observer une baisse des infections, non? «Depuis, le premier déconfinement, moi, je n’ai pas vu de diminution. Je n’ai pas vu une vague de reconfinement au niveau de la sexualité, fait que là on est vraiment dedans. On a beaucoup de symptômes d’ITSS qui se présentent, on fait beaucoup de dépistage, on en traite beaucoup. Il y a vraiment eu un effet de ce côté-là». L’été chaud qui s’annonce aura certainement un impact sur le nombre de personnes qui seront touchées par les ITSS. À noter qu’il ne faut pas oublier non plus que le VIH n’a pas disparu pour autant. Juste en 2016 on recensait 294 personnes diagnostiquées seulement au Québec.
Quand je lui demande si elle appréhende l’impact potentiel des levée des restrictions sur la santé sexuelle des millenials, elle me répond : «Il y a plein d’habitudes qui ont été perdues qui m’inquiètent par rapport à la reprise des activités sexuelles. Et même qu’on risque d’avoir une surcompensation probablement. Oui, ça nous inquiète. On s’y attend, donc on essaie d’embrayer la machine pour offrir plus de services de dépistage». Les cliniques seront donc prêtes à la hausse probable des cas d’ITSS. Elles devront aussi composer avec un autre défi de taille : la clientèle qui ont cessé leur suivi VIH, et leurs testes de dépistages réguliers pendant la pandémie, confie Dre Hamel.
Profitez-en de la vie, de ce regain de bonheur et des nouvelles connexions.
Parce que c’est ça le plus important : faites-vous dépister!
Alors, faut-il retourner dans nos tanières loin de tout contact humain? Bien sûr que non! Profitez de l’été à fond, de ce regain de bonheur et des nouvelles connexions! Mais comme le disait Elvan avec sagesse dans notre article sur le Hot Vax Summer «J’ai survécu à la COVID, je vais certainement pas me garrocher dans la chlamydia.» Pour éviter ça, c’est assez simple, on la connaît la recette : portez des préservatifs et faites-vous dépister. Il y a maintenant beaucoup de cliniques où vous ne vous sentirez pas pointé du doigt, vulnérable que vous êtes, en jaquette bleue sous les néons froid d’une salle d’attente avec votre flacon de pipi dans un sac en papier brun. Les médecins spécialistes en ITSS sont là pour nous. Dre Alexandra Hamel a répété à maintes reprises qu’elle a un des plus beaux métiers du monde, parce qu’elle est là pour faciliter la vie des gens et les aider à avoir une vie sexuelle épanouie.
Et pour une expérience haute en couleur, nos ami.e.s du Club Sexu organisent même le DépistaFest du 16 au 25 juin. Oui, un festival du dépistage des ITSS, gratos.
Parce que c’est ça qu’on veut dans le fond, un été de fesse-tival qui va se finir avec plein de beaux souvenirs et non pas avec une prescription d’antibiotiques.
Amusez-vous bien!