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Prendre du Viagra pour m’aider avec ma sexualité : bonne idée ou pas?
L’autrice est sexologue. Pour encore plus de conseils éclairés, visitez son compte Instagram et son blogue La Tête dans le cul.
Qui se rappelle de cette publicité de 2002, dans laquelle un homme dans la cinquantaine, tout guilleret, saute et danse au cœur de la ville, sur la chanson Good Morning de Doris Day ? L’annonce avait beaucoup fait rire, car, mine de rien, elle abordait un sujet relativement tabou chez bien des hommes. Qui aurait pu croire qu’à heure de grande écoute, une compagnie pharmaceutique, Pfizer, mettrait de l’avant un médicament servant à éradiquer les problèmes de dysfonction érectile : le Viagra ou Sildenafil.
Rapidement, on a associé ce produit à des hommes vieillissants qui avaient besoin d’un petit boost pour réussir à avoir ou garder une érection.
Mais dans les dernières années, le portrait a radicalement changé puisque de plus en plus de jeunes hommes se tournent vers la fameuse pilule bleue. Comment ça, donc?
C’est un pic, c’est un cap, c’est une… difficulté érectile?
En effet, pourquoi avoir recours à ce médicament quand on est dans sa prime jeunesse? C’est l’âge des fougueux ébats et de la libido à tout crin, non? Eh bien, ça dépend.
La vérité, c’est qu’on enjoint très tôt les jeunes hommes à être performants dans la vie… comme au lit. Les attentes liées à la masculinité sont souvent stéréotypées et créent des injonctions à agir selon des codes sociaux précis. Pensons juste aux expressions populaires « Fais un homme de toi », « Comme un seul homme » ou « L’homme de la situation ». Les personnes de sexe masculin ont énormément de pression sur les épaules et doivent constamment performer, sous peine d’être ridiculisées. La sexualité n’est pas en reste. Oui, encore en 2024, plusieurs pensent qu’un homme (un vrâ), ça bande sur demande. Sans oublier qu’on s’attend à ce que cette bandaison doit durer. Longtemps (merci, la porno!).
Avec toute cette pression, comment peut-on espérer pouvoir parler ouvertement de problèmes érectiles? Parce que des pannes, ça arrive bien plus souvent qu’on ne le pense! Stress, fatigue, anxiété, nouvelle situation sexuelle, nouveau ou nouvelle partenaire; tous ces éléments peuvent jouer sur la capacité érectile. Et, à moins d’avoir une condition médicale précise (par exemple, des problèmes vasculaires), il faut savoir que c’est NORMAL. Répétez après moi : c’est NOR-MAL.
Le stress peut couper l’appétit? Eh bien, l’envie du pénis de s’ériger aussi!
Pas étonnant, alors, de voir de jeunes personnes se tourner vers ces petites pilules. Voici quelques raisons pour lesquelles elles sont utilisées :
Se donner de l’assurance
Panne totale ou simple difficulté à maintenir l’érection sont des situations que l’on veut éviter à tout prix, semble-t-il. Se popper une pilule en prévision d’une nuit active permet d’éviter ce type d’événement. Car, plus on anticipe la difficulté érectile, plus elle risque de se produire. Avoir un petit comprimé magique dans le fond de sa poche, ça aide à remonter d’un cran l’assurance pour… assurer, justement!
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Contrer l’anxiété de performance
C’est là où, fun fun, embarquent la peur de décevoir et la crainte de ne pas performer. Ce qui peut aussi se traduire physiologiquement par (roulement de tambour, pour faire comme si on l’avait pas pantoute vu venir. Venir, I know )… la dysfonction érectile. Toute est dans toute.
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Avoir du casual sex
On nomme également le fait que plusieurs jeunes hommes sentent plus d’attentes au moment d’un hook-up que dans une relation stable.
En effet, ils considèrent plus aisé d’expliquer une inaction dans la culotte à un.e partenaire sérieux.se qu’à une personne rencontrée pour un one night. Encore une fois, on veut livrer la marchandise. Pression, quand tu nous tiens…
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Faire du party’n’play (PNP)
On ne peut passer sous silence ce qu’on nomme aussi chemsex, c’est-à-dire le fait de consommer des substances psychoactives (ex. : GHB, kétamine, crystal meth) dans le but d’avoir de la sexualité.
Plusieurs hommes vont alors utiliser le Viagra pour augmenter leur capacité érectile, les sensations et s’assurer de ne pas avoir de pannes qui pourraient être induites par leur consommation.
Une pratique qui n’est pas sans conséquence
Alors, on avale un p’tit comprimé et c’est réglé, right? Pour le party’n’play, la consommation peut être récréative et se faire de façon sécuritaire en demeurant vigilant.e sur ce que l’on consomme et les circonstances dans lesquelles cela se fait. Mais il ne faut pas oublier que l’anxiété de performance peut tout à fait s’y inviter.
Pour toutes les autres raisons nommées ci-haut, le problème, c’est que plutôt que d’adresser le trouble érectile et ce qui fait qu’il advient, on utilise une béquille. C’est super pratique, mais ça ne règle rien. Que faire, alors?
On peut d’abord remettre en question les injonctions à performer la sexualité, au point d’en faire de l’anxiété de performance. Des sexologues (allô! 👋) peuvent aider à décortiquer cette intense peur de l’échec et/ou les attentes liées à la masculinité, par exemple.
Aussi, n’oublions pas que la prise de médicaments n’est pas sans conséquences sur l’organisme, surtout s’il y a interaction avec d’autres médicaments/substances.
Il peut y avoir des effets secondaires plus ou moins importants. Par exemple, le sildénafil (Viagra) est à éviter si l’on prend des produits contenant du nitrate (nitroglycérine, poppers), car cela peut causer une hypotension « potentiellement mortelle ». Ça fait qu’on niaise pas avec ça, OK?
Rappelons-nous qu’on est des humain.e.s, pas (encore) des robots. Les difficultés érectiles, ça arrive et ça n’enlève rien aux compétences sexuelles de la personne. On a aussi le droit de décentrer la sexualité de la pénétration pour explorer d’autres avenues toutes aussi l’fun. On peut être vulnérable et imparfait.e, même (et surtout) dans la sexualité. Offrons-nous donc ce cadeau; ça nous permettra peut-être de nous relâcher et de véritablement enjoy les moments d’intimité.