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À Berne, la rivière est à tout le monde

Se pitcher dedans est une pratique encouragée

Par
Camille Dauphinais-Pelletier
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À Berne, en Suisse, quand il fait chaud, les gens se jettent dans la rivière qui traverse la ville pour se rafraîchir. Ce n’est pas juste l’idée de deux-trois casse-cou qui font ça en se cachant de la police : c’est une tradition répétée chaque jour de beau soleil par des centaines de résidents (et de touristes encouragés par l’Office de tourisme).

Les vidéos que l’on peut voir semblent refléter un cauchemar de sécurité publique : des gens se lancent dans l’Aare à partir de ponts, sans gilets de sauvetage, dans une rivière au débit assez impressionnant. Il y a des adultes, des personnes âgées, des enfants… et pas de patrouille de sécurité.

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L’approche privilégiée par les autorités semble être celle de la sensibilisation et de la responsabilisation. Des conseils de sécurité sont donnés aux nageurs dans le cadre de la campagne Aare you safe?, et des compagnies louent des canots, bateaux gonflables et gilets de sauvetage pour ceux qui préfèrent une approche plus encadrée.

Ce qui est génial dans tout ça il me semble, c’est toute la liberté qui entoure l’usage de la rivière.

L’eau qui coule dans l’Aare à cette hauteur provient des Alpes suisses est très fraîche (21 degrés Celsius lorsqu’elle est à son plus chaud). Se laisser porter dans ce bain glacé à travers la vieille ville de Berne — qui fait partie du patrimoine mondial de l’UNESCO —, ça doit être une expérience assez magique.

C’est quand même pas pire Crédit photo CucombreLibre
C’est quand même pas pire Crédit photo CucombreLibre
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Ce qui est génial dans tout ça il me semble, c’est toute la liberté qui entoure l’usage de la rivière. Ça ne coûte rien de s’y baigner, et chaque année, une carte exprès pour baigneurs, avec points d’entrée et de sortie « officiels », est conçue pour le public. Sur les sites de météo suisses, la température des cours d’eau qui traversent les villes se trouve sous celle de l’air ambiant (parce qu’il n’y a pas qu’à Berne que cette pratique est courante).

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De bons outils pour vivre sa ville.

Il me semble qu’en termes d’appropriation des ressources naturelles, c’est particulièrement génial, et assez simple à mettre en place.

Il y a même des gens qui font du slackline au-dessus de la rivière, parce que pourquoi pas? Crédit photo Gino Brenni
Il y a même des gens qui font du slackline au-dessus de la rivière, parce que pourquoi pas? Crédit photo Gino Brenni

Aare, boulot, dodo

Aussi incroyable que ça en ait l’air, certains Bernois et Bernoises se servent de l’Aare pour aller au travail ou en revenir pendant l’été. Des sacs imperméables permettent de se changer en vitesse sur le bord de l’eau et de tout garder intact pendant le voyage.

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Bon, on admet qu’il faut que le point A et le point B soient vraiment stratégiquement placés par rapport à la rivière, mais pourquoi pas ?

Est-ce qu’on se lance dans le Saint-Laurent?

Au Québec, on a beaucoup de rivières, et on se demande souvent comment les valoriser. Dans notre capitale, l’an dernier, on consultait les citoyens pour savoir comment ils aimeraient se réapproprier les rivières qui sont sur leur territoire. Il y a vraiment un désir d’avoir accès à nos ressources naturelles.

Je dis pas qu’on devrait se pitcher dans le fleuve en plein Vieux-Port demain, mais est-ce que des options du genre seraient envisageables dans certaines rivières urbaines? Les diverses administrations auraient-elles le guts de proposer aux résidents une activité aussi peu encadrée?

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En grande amatrice de plein air, j’aimerais un Québec où on pourrait se baigner plus librement dans les cours d’eau, où on pourrait pratiquer plus de camping sauvage légalement (pas dans un parc national méga encadré) et où on apprendrait systématiquement aux enfants et aux adolescents les joies et les dangers inhérents au contact avec la nature.

Ça se peut-tu ça, en 2017?

Quand je regarde Berne, j’ai l’impression que oui.

Les dangers de la liberté

Bien sûr, se garrocher dans la rivière entraîne des accidents. Plus il y a de gens dans l’eau, plus le nombre de sauvetages augmente, et plus le nombre de noyades aussi, malheureusement.

En 2013, 24 personnes sont mortes dans les rivières suisses, et en 2015, c’était 22. La majorité des infortunés sont de jeunes hommes, donc plusieurs qui avaient consommé de l’alcool ou de la drogue avant de se baigner, ou qui avaient surestimé leurs habiletés de nageurs. Des rafteurs ont également été malchanceux.

En grande amatrice de plein air, j’aimerais un Québec où on pourrait se baigner plus librement dans les cours d’eau.

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Il faut dire qu’en plus des défis habituels que pose la natation en rivière (courant, eau froide, débris naturels), les rivières urbaines contiennent des désagréments notables, comme des piliers de pont ou des débris urbains.

En général, si on suit les conseils de sécurité, notre balade devrait bien se dérouler, mais disons qu’il n’y a pas trois mille filets de sécurité pour nous backer, comme on y est habitués. La nature reste la nature, et elle est plus puissante qu’un humain sans gilet de sauvetage.

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