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Le 19 décembre dernier, il ne faisait pas froid, mais je devais jouer le rôle d’un gars frigorifié qui attend l’autobus. Laissez-moi vous dire que pour prétendre que l’on a froid quand ce n’est pas le cas, ça prend des habiletés de comédien assez phénoménales. C’est sans doute par ce rôle que je me ferai découvrir par les grosses maisons de production.
(Aviez-vous lu le 10e épisode: J’étais là, moi ?)
Je me suis retrouvé à simuler d’attendre l’autobus grâce à une amie qui fait un stage dans une compagnie de production. Au téléphone, elle me demande si je suis libre le 19 décembre pour jouer dans le topo d’une émission de télé. Elle me dit que ça paye 70 dollars pour environ 1 h 30 de tournage. Je fais mine de regarder mon agenda et sans grande surprise, il n’y a rien. Un rapide calcul mental pour convertir 70 dollars pour 90 minutes de travail en taux horaire m’indique également que je fais une bonne affaire. J’accepte sans me faire prier et elle me met en contact avec la coordonnatrice de production qui m’explique mon rôle. Je dois éprouver de la difficulté à répondre à mon téléphone portable à cause de mon accoutrement hivernal trop encombrant, et ce, dans le but de démontrer l’utilité d’avoir des gants avec les extrémités conçues spécialement pour les écrans tactiles.
« Qu’est ce que je dois dire ? » Que je demande.
« C’est un rôle muet » Qu’elle me répond.
C’est là que je comprends que je ne serai que figurant. J’ai bien fait de ne pas demander une roulotte en velvet mauve et un bol de Smarties contenant seulement les bleus. Je ne veux pas être trop diva en commençant.
On m’a donné rendez-vous à 11h30 au coin des rues Chateaubriand et St-Zotique pour le tournage. J’arrive là vers 11h20 et il n’y avait personne qui m’attendait.
J’appelle et on me dit que le lieu de tournage a été déplacé au coin Beaubien et Chateaubriand à cause d’un camion bruyant qui était stationné à la première location. J’ai dû marcher un pâté de maisons de plus. Ce n’est pas facile la vie d’artiste!
Un coin de rue plus loin, je retrouve l’équipe qui est composée de cinq personnes : un réalisateur, un caméraman, un gars qui s’occupe du matos, la responsable de la production et son assistante, l’amie que je connais. On discute pendant qu’ils s’installent.
– « Es-tu prêt pour ton gros rôle de gars qui a froid ?
– « Certain que je suis prêt, ça fait deux semaines que je fais de la recherche pour ce personnage! »
Pendant que je suis sur ma marque et qu’ils font des ajustements de caméras, la complicité entre les membres l’équipe de tournage semble évidente. Ça paraît qu’ils travaillent ensemble depuis longtemps, car ils sont toujours en train de rire de choses que je ne comprends pas et de gens que je ne connais pas. Tant qu’ils ne me pointent pas du doigt en riant, je sais que ça ne va pas si mal.
Quelques plans sont faits sur mes mains qui se frottent ensemble et d’autres sur la buée qui sort de ma bouche et le claquement de mes dents. Vient ensuite le plan où je dois sortir mon cellulaire de la poche de mon manteau. J’essaie d’avoir le plus de difficulté possible à manipuler mon cellulaire et ça semble être bon, car on me dit :
« Ça marche super bien, tu as l’air vraiment attardé. »
On ne fait qu’une ou deux prises par angle de caméra et j’entends déjà le fameux :
« That’s a wrap », comme ils disent dans le milieu.
Il est tout juste 12 h 30 et tout est terminé. Je signe la décharge et collecte mon cachet.
En conclusion, le métier d’acteur figurant est très divertissant et quand même assez payant à l’heure. Le seul problème c’est qu’on ne sait jamais quand on va retravailler.
Pour tous ceux qui seront éventuellement amenés à jouer le même rôle que moi, voici un petit conseil qui peut vous économiser beaucoup de temps : Pour réussir à prétendre d’attendre l’autobus avec brio, il suffit de ne pas embarquer dedans quand il arrive. Le reste se fait tout seul.
David Malo
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Le 12e épisode est ICI.