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J’étais là, moi

Les aventures de l'homme moyen #10

Par
David Malo
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Je me suis regardé dans le miroir ce matin, j’y ai vu un humain. J’ai compté les doigts de mes mains, il y en avait dix. Je suis capable de marcher quand même assez longtemps et de jogger pendant une bonne demi-heure sans m’essouffler. Je parle la langue de mon environnementLes aventures de l’homme moyen #10 ainsi que le langage international. Qu’est-ce qui fait que moi je suis ici et que toi tu es là-bas? Ce n’est pas parce que nous sommes si différents. C’est probablement à cause des mots que l’on a dits.

(Aviez-vous lu le 9e épisode: Le temps libre ?)

La semaine dernière, je suis allé au lancement d’Urbania. J’étais là, à cause de certains mots que j’ai dits : « Je veux collaborer avec vous ». C’est parce que j’ai dit ça, entre autres, que j’étais présent à cet événement.

Pendant la soirée, je me suis informé si c’était payant la vie de rédacteur-pigiste. On m’a répondu des mots, mais pour résumer : non. Il va sans doute falloir que je travaille encore. Il va sans dire. Faire quoi et où ? C’est ce qu’il faut que j’arrive à formuler.

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Notre situation actuelle est en grande partie due aux mots que l’on a dits ou encore à cause de ceux que l’on n’a pas dits. Ce n’est pas la faute du gouvernement si nous sommes pauvres, ce n’est pas la faute de nos parents si nous avons peur du rejet et ce n’est certainement pas celle de notre patron si notre horaire ne nous convient pas. Notre seule prison est notre propre silence et toutes les clés se trouvent dans des mots que l’on peut dire.

« N’importe où près d’une station de métro »

Ces mots que j’ai dits à mon premier colocataire, qui nous cherchait un appartement, m’ont mené tout droit dans un demi-sous-sol peu éclairé dans le quartier Ahuntsic. J’y suis encore aujourd’hui, car je n’ai rien trouvé de mieux à dire.

Au bar où je travaille, je suis serveur et gérant. Il y a près de cinq ans, j’ai exprimé au proprio que je voulais être gérant parce que je ne voulais plus simplement servir. Je lui ai aussi dit que je voulais continuer à servir, car je voulais quand même faire de l’argent. Je suis dans un entre-deux depuis ce temps-là, mais c’est exactement ce que j’ai demandé. C’est fou, n’est-ce pas?

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Je suis célibataire aujourd’hui à cause de mots que j’ai dits, soit trop tôt, soit trop tard ou pas encore : « Tu me plais », « Je t’invite », « Je t’aime ».

J’ai dit que je voulais être libre comme l’air, mais j’ai aussi dit que je voulais une femme et des enfants. Allez savoir ce que je raconte et surtout ce que ça donne!

Dire des mots, c’est comme frotter une lampe qui contient un génie. En fait, c’est encore mieux, car nous avons la possibilité de faire beaucoup plus que trois souhaits. Le génie de la lampe écoute tout ce que l’on dit et nous exauce. Quand il ne le fait pas, c’est parce qu’il n’a rien compris de ce qu’on a dit ou que nous nous sommes nous-mêmes contredits.

Sujet, verbe et complément. Les phrases simples, directes et sans ambiguïté sont souvent les meilleures. Idéalement, il faut qu’elles fassent un sens aussi.

Peut-être que ce que je souhaite le plus au monde se cache dans les phrases que je n’ai pas encore dites ou dans les mots qu’il faut que j’arrête de dire.

Qu’est ce que je pourrais bien dire de bon maintenant?

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Le 11e épisode est ICI.