Will Bindia
Will Bindia
« Les masques africains c'est un truc de blanc. »
De passage à Notre-Dame du Stand-up, le sympathique Will Bindia vous donne un petit guide de survie si vous prévoyez bientôt voyage au Cameroun. Non, vous ne pourrez pas serrer la main de Kirikou, mais vous pourrez acheter ses maudits beaux masques pour décorer votre cuisine et vous vanter devant vos amis. Sauf si ceux-ci viennent du Cameroun. Là, ils vont juste rire de vous.
Un nouveau venu sur la scène qui risque de bientôt faire parler de lui, profitez-en avant que ses billets de spectacle ne coûtent l’équivalent d’un billet d’avion!
***
Will Bindia a grandi au Cameroun. Il vit maintenant au Québec. Et y’a un truc qui le tue à chaque fois qu’il entre chez des amis québécois : les masques africains.
Vous voyez lesquels ? Ceux qui ont l’air d’avoir été sculptés par Kirikou lui-même.
Le problème, c’est que personne en Afrique n’a ça chez lui.
Personne.
Les masques africains, c’est un truc de Blancs.
Le complexe du touriste coupable
Will a une théorie : quand un Blanc met les pieds en Afrique, il devient un porte-monnaie avec des jambes.
On lui vend n’importe quoi, et il achète par culpabilité coloniale.
— « C’est une pièce unique, faite par des artisans locaux ! »
— « Euh… c’est du plastique. »
— « Oui, mais… un plastique authentique. »
Et hop, un masque en rab dans le salon de Steve à Longueuil.
Mais attention, ce n’est pas la seule absurdité du grand marché mondial des clichés.
Prenons le diamant.
Les Africains en ont plein sous leurs pieds, mais ce sont les Blancs qui se les arrachent pour les mettre sur des bagues de fiançailles hors de prix.
Les masques, c’est pareil. Ce qui était censé être un objet rituel, sacré, est devenu une déco de loft dans le Mile-End.
Québec, Boucar Diouf et Pikachu
Will vit ici depuis quelques années. Mais quand il le dit, ça surprend toujours.
Pourquoi ? Parce qu’il ne correspond pas à l’image du sage Africain qui parle en proverbes sur son village.
— « Mesdames et messieurs… TOUS les Africains ne sont pas Boucar Diouf. »
Le Québec a un peu tendance à croire que l’Afrique, c’est juste un gros épisode de La Petite Vie, version jungle.
Mais y’a d’autres personnages. Comme dans Pokémon.
Boucar, c’est Pikachu. Mais y’a aussi des Charizard, des Ronflex et des Mewtwo.
Des gars comme Will, qui ont grandi dans des villes, qui n’ont jamais chassé d’antilope et qui, surprise, parlent français sans ajouter « n’est-ce pas ? » à la fin de chaque phrase.
Un gorille camerounais… au zoo de Granby
Will vient d’une ville urbaine. Pas de jungle, pas de gorilles.
Il en a vu un une seule fois dans sa vie.
Où ça ?
Au zoo de Granby.
Et en le regardant… il a eu une révélation.
Ce gorille-là, il était camerounais.
Pourquoi ?
L’attitude.
Le gorille savait qu’il était une star. Il se grattait le bide, fixait Will comme si c’était lui qui était enfermé.
Un gars du pays.
Il avait la même énergie qu’un Camerounais chill qui attend que le monde vienne à lui.
Alors Will l’a regardé et lui a dit :
— « Moi, je suis tellement cool que les gens viennent de loin pour me voir. »
Le gorille l’a fixé, impassible.
— « Bro… Moi aussi. »
Conclusion : tout est une question de perception.
On croit savoir ce qu’est l’Afrique, mais en réalité, on regarde souvent le mauvais côté de la cage.