Reportage
Les liaisons dangereuses de Sydney Sweeney et Laverne Cox
Les liaisons dangereuses de Sydney Sweeney et Laverne Cox
Nouvelle semaine, nouvelles sorcières à livrer au bûcher.
Cette fois, ce sont Sydney Sweeney et Laverne Cox qui se retrouvent happées par la tempête : deux femmes, deux trajectoires, un seul tourbillon médiatique nourri par les fractures idéologiques qui divisent l’Amérique. À l’heure où les réseaux sociaux font et défont les réputations à la vitesse d’un swipe, ces deux actrices se retrouvent l’une et l’autre confrontées à une même réalité : celle d’être jugées non pas pour leurs talents artistiques, mais pour leurs fréquentations, leurs choix personnels — bref, leur positionnement perçu dans cette guerre culturelle bien réelle.
Sydney Sweeney et la glamourisation de la suprématie blanche
Connue du grand public pour son rôle de Cassie dans la série Euphoria, Sydney Sweeney s’est retrouvée sous le feu des critiques après avoir été la tête d’affiche d’une campagne publicitaire hyper sexualisée d’American Eagle. En surface, un hommage un peu kitsch à l’Americana, aux annonces de Brooke Shields pour Calvin Klein et la culture des années 2000 , entre jeans moulants et regards langoureux. Mais, en grattant un peu, plusieurs internautes y ont vu un message plus trouble, voire carrément dangereux.
La publicité tourne autour d’un jeu de mots entre « jeans » et « genes » (« gènes »), suggérant que ses « jeans/genes » bleus sont un héritage génétique. Une punchline qui, dans le contexte actuel d’une Amérique hautement polarisée, peut évoquer des relents de suprématie blanche et d’eugénisme. Une lecture renforcée par les liens du PDG d’American Eagle avec Donald Trump et Benjamin Netanyahu.
Pour Sweeney, cette polémique n’est pas une première. Des casquettes MAGA aperçues dans son entourage, une collaboration douteuse avec une marque de produits pour hommes « virils », et même une apparition au mariage de Jeff Bezos ont suffi à ternir son image. Mais la question demeure : joue-t-elle de cette ambiguïté pour séduire une base plus conservatrice, ou subit-elle simplement les conséquences d’un système qui l’objectifie depuis ses débuts?
Laverne Cox : l’icône queer face à l’amour et à l’indignation
À l’opposé du spectre idéologique, Laverne Cox a longtemps été considérée comme un modèle d’avant-garde. Première femme trans noire à obtenir un rôle régulier dans une série populaire (Orange is the New Black), elle a incarné, avec grâce et justesse, un symbole de diversité rafraîchissante dans une industrie souvent frileuse à l’idée de sortir des sentiers battus.
Mais récemment, l’actrice a vu sa popularité vaciller après avoir révélé, dans le cadre d’une promo pour son nouveau one-woman show, qu’elle avait été en couple pendant quatre ans avec un républicain et supporter du mouvement MAGA de 22 ans son cadet. Malgré ses explications nuancées et son aveu que le fossé idéologique l’a finalement poussée à mettre fin à la relation, l’Internet progressiste n’a pas pardonné. Pour plusieurs, aimer un MAGA man est une trahison, peu importe le contexte.
Peut-on exiger la perfection de la part de nos icônes?
Ces deux controverses illustrent un phénomène grandissant : dans une époque où les lignes idéologiques sont de plus en plus rigides, les célébrités deviennent des symboles, que l’on érige ou qu’on déboulonne selon leur alignement supposé.
La gauche progressiste, ma famille choisie malgré son côté dysfonctionnel et toxique, semble exiger de ses figures publiques une forme de pureté idéologique totale, ne tolérant ni contradiction, ni nuance, ni erreur de parcours. Un double standard qui frappe particulièrement les femmes, souvent sommées de porter seules la responsabilité morale de leur époque.
Pourtant, cette pression constante génère son lot d’effets pervers ; elle pousse certaines vedettes à s’autocensurer, à jouer un rôle, ou pire, à s’éloigner complètement de la sphère publique. Elle alimente aussi une dynamique de « cancellation » qui, parfois, frise l’absurde.
La question n’est pas de savoir s’il faut ou non critiquer les comportements problématiques. Bien sûr qu’on doit dénoncer les personnes qui participent activement à l’oppression des groupes marginalisés. Mais lorsqu’une femme comme Laverne Cox est démolie pour avoir aimé la mauvaise personne, ou que Sydney Sweeney est sommée d’incarner un idéal politique alors qu’elle souhaite surtout de jouer dans des films, on peut se demander à qui profite réellement cette chasse à la faute?
Entre système d’idolâtrie et tribunal populaire
Ces cas rappellent surtout que les vedettes ne sont pas des phares moraux infaillibles. Elles sont issues du même monde que nous, vivent avec leurs contradictions et composent avec des choix parfois maladroits, parfois stratégiques.
Ce serait sans doute plus sain, collectivement, de nuancer notre regard sur ces figures publiques. De les critiquer, oui, mais aussi de reconnaître que l’engagement idéologique ne peut pas toujours être parfait, limpide, sans zone grise.
Car si nos vedettes deviennent les punching bags émotionnels d’une société en crise, c’est peut-être qu’on attend trop d’elles. Et pas toujours pour les bonnes raisons.
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