Sur Instagram, des influenceuses prennent les armes
Sur Instagram, des influenceuses prennent les armes
Faire de la publicité pour les armes sur les réseaux sociaux? C’est interdit. Mais l’industrie de l’armement n’en a pas grand-chose à faire. Pour contourner l’interdiction… elle paye à tour de bras des influenceuses pour qu’elles fassent le sale boulot à leur place.
C’est ça aussi, l’Amérique.
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Au réveil j’ai parfois une sale routine : douche, bol de céréales et réseaux sociaux, histoire de nourrir un peu mon ego. Et récemment, j’ai bien failli recracher mes Lucky Charms sur l’écran de mon téléphone intelligent. L’algorithme d’Instagram devait être en lendemain de brosse lui aussi parce que je suis tombé sur un profil pour le moins particulier, celui de Liberte Austin. Texane, juriste, écrivaine; jusque-là tout va bien. Pro-Trump, ça se gâte. Et… « gun lover ».
Un glock ou un fusil à la main, en pleine nature, regard qui porte au loin… elle porte fièrement l’étendard pro-gun.
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Des influenceuses nouveau genre
Qu’elles soient mannequins, chasseuses, vétéranes de l’armée ou même juristes, elles sont aujourd’hui des dizaines aux États-Unis à exercer un métier bien particulier sur les réseaux sociaux : celui d’influenceuses pour les fabricants d’armes. En juin dernier, le média américain Vox consacrait d’ailleurs un article fleuve sur ces gun influencers.
Sur Instagram, comme sur tous les grands réseaux sociaux, il est interdit de faire de la publicité pour des armes, des répliques d’armes et tout ce qui s’en rapproche. Exit les explosifs, munitions ou même fusils de paintball. Ça, c’est valable pour les entreprises, les groupes ou les associations. Mais du fait du caractère personnel de leur compte, cette réglementation ne s’applique pas aux influenceurs.
Les marques les utilisent par conséquent comme représentantes (ce sont majoritairement des femmes, plus rarement des hommes). Pour le reste tout fonctionne comme pour un influenceur classique, prêt à vendre son corps au nom du sacrosaint capitalisme. En s’affichant armes de guerre à la main, ces influenceuses sont payées par les entreprises du secteur, un salaire qui varie en fonction de la taille de leur réseau. Certaines peuvent espérer toucher jusqu’à 200 dollars par publication apprend-on dans l’article de Vox.
Aujourd’hui centres et champs de tir ouvrent même grand leurs portes à ces égéries nouvelle génération. À quelques pas de Vegas, dans le Nevada, le rêve américain se concrétise sur un champ de tir où il est possible de tirer à l’arme lourde d’un hélicoptère. Le Gunship Helicopters est même devenu une sorte un lieu de pèlerinage pour ces amoureux de la gâchette qui en profitent pour réaliser vidéos et shooting… photo.
L’âge d’or de la micro influence
Liberte Austin a commencé à s’intéresser aux armes après avoir été victime d’un cambriolage qui a mal tourné. « Après ça, je vivais dans la peur, pendant plusieurs années », explique-t-elle. « Puis j’ai commencé à chasser. Avoir une arme entre les mains, ça m’a redonné un sentiment de pouvoir, de contrôle sur ma vie ». Instagram, elle l’utilise avant tout comme un moyen d’exprimer ses opinions, ses passions… dont les armes et Donald Trump.
Et il faut croire que sa voix porte, du moins à ses 200 000 abonnés. Elle fait partie de ces « micros influenceurs » ou « influenceurs intermédiaires »… qui fédèrent autour d’eux une communauté de taille moyenne, mais plus soudée et sensible aux produits qu’elle met en avant. Son profil, c’est un peu la mine d’or pour ces entreprises qui cherchent avant tout l’authenticité. « Les plus petites communautés ont tendance à être plus engagées, car le style de vie de leur influenceur semble plus réel, plus accessible », détaille Vox. Et les chiffres ne trompent pas, selon plusieurs études les campagnes marketing qui font appel à des micro influenceurs ont un taux d’engagement 60 % supérieur à ceux des stars d’Instagram.
Entretenir la confusion morale
Avec les armes, l’enjeu pour ces influenceuses est de transformer une pièce de métal, en un objet esthétiquement beau et imaginairement noble; presque une icône, symbole de liberté pour tout un peuple. Parce que c’est tout l’enjeu de l’industrie américaine des armes à feu : entretenir la confusion et dévier le débat, pour nous en faire presque oublier que ce qu’elle vend sème avant tout la mort. Sur Instagram, le produit vendu par les influenceuses, c’est avant tout un aperçu — si superficiel soit-il — de leur vie et de ce qu’elles aiment. Elles libèrent finalement les armes de leur dimension matérielle et de leur réputation meurtrière.
Le message est clair : on peut être une bonne personne, un(e) bon(ne) citoyen(ne) américain(e) et aimer les armes.
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Je ne vais pas rentrer maintenant dans le débat sur le port d’arme, mais certaines images chez ces influenceuses m’ont particulièrement marqué.
Une semaine avant la naissance de son bébé, Charissa Littlejohn postait par exemple la photo d’une paire de Converses pour enfants entourée de quatre pistolets FN509. « Il y en a même un pour le bébé quand il arrivera », écrit-elle sous l’image. Aujourd’hui, le pauvre enfant n’a pas même pas toutes ses dents, mais il a déjà un profil Instagram. Son pseudo? Un clin d’œil à une autre marque de flingues.
Trouvez l’erreur.