Suis-je belle?
Qu’est-ce que vous seriez prêts à faire pour devenir plus beaux sans passer par la chirurgie esthétique? Masser vos pommettes? Mâcher de la gomme en mode muscu de la mâchoire? Mesurer l’écart entre vos yeux comme si c’était le Saint-Graal? Ou pire, vous affamer? Bienvenue dans l’univers étrange et parfois flippant du « maxxing », une tendance virale née sur TikTok qui fait grimper la quête de la beauté à des niveaux quasi sectaires.
Tout commence innocemment avec un filtre TikTok : une ligne rouge part d’un œil à l’autre pour mesurer le « ratio du visage » selon le fameux nombre d’or, cette proportion mathématique censée incarner la perfection divine. On peut penser que c’est un gadget rigolo. Jusqu’à ce qu’on tombe dans un labyrinthe où les jeunes utilisateurs s’échangent des conseils bizarres pour « optimiser » leur visage — du « mewing » (mâcher de la gomme pour affiner la mâchoire) au « thumb pulling » (appuyer fort sur le palais pour stimuler le bas du visage).
Rapidement, on découvre qu’on parle aussi de « softmaxxing » (optimiser en douceur) et « hardmaxxing » (les trucs plus radicaux, voire dangereux). Le but? Passer de « normie » banal à « Chad » ou « Stacey », des archétypes du beau et populaire. Mais spoiler alert : la beauté n’est pas la vraie quête ici, c’est le pouvoir social, le respect, l’influence. Comme le souligne Chiara Piazzesi, sociologue, « la beauté pour les femmes a longtemps été une source de légitimité sociale ».
Mais la beauté, c’est subjectif, non? Eh bien, pas pour certains coins d’Internet comme Reddit où des inconnus jugent et notent votre tête sans pitié. Une expérience pas piquée des vers : on postes une photo, on récolte des notes et des critiques parfois blessantes. Résultat? Une obsession malsaine des défauts imaginaires. Dre Stéphanie Léonard, psychologue, parle même de dysmorphophobie, ce trouble où on devient obsédé par un défaut minime ou inexistant, avec des comportements compulsifs comme se scruter dans le miroir ou chercher constamment la validation en ligne.
Alors on commence soft : s’habiller en couleurs, bien se coiffer, soigner son sourire. Mais si ça ne suffit pas, le hardmaxxing pointe le bout de son nez. Oui, ça existe vraiment : le bone smashing, cette pratique folle de se frapper la mâchoire au marteau pour la rendre plus anguleuse — une « technique » qui a d’abord paru être un mythe. On parle aussi de privation alimentaire (starve-maxxing) ou d’interventions chirurgicales pour grandir (height-maxxing). Le tout sur fond de communauté toxique : le maxxing est une mouvance née des incels, ces hommes célibataires frustrés, misogynes et racistes, qui blâment les femmes pour leurs malheurs et parfois commettent l’irréparable.
Roger, par exemple, a tué six femmes en Californie après avoir posté une vidéo annonçant sa vengeance sur un monde qui l’a rejeté. Effrayant, non? Ce genre de spirale est facile à déclencher en quelques clics sur TikTok, comme le souligne Chiara Piazzesi : « Il faut apprendre à sélectionner ce qu’on suit sur les réseaux plutôt que de se laisser happer par l’algorithme. »
Malgré tout, certains forums de soft-maxxing ont une autre vibe, plus saine : entraide, conseils pour mieux manger, pour se sentir mieux dans son corps. Mais la psychologue Léonard reste sceptique : « On vit dans une société obsédée par le paraître, et chercher la validation dans ces codes est un piège. Ce qui construit vraiment, c’est la reconnaissance de qui on est, de nos accomplissements. »
Au final, dans cette course effrénée à la beauté, il y aura toujours un truc à améliorer, toujours une nouvelle norme à atteindre. Et le pire, c’est qu’on finit par perdre notre joie de vivre et notre esprit critique. Alors, qui gagne à la fin? Si ce n’est pas nous, autant passer notre tour. Parce qu’être bien, vraiment bien, ça commence souvent par apprendre à s’aimer, imperfections incluses — sans filtre ni marteau.
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