Critique
Sommes-nous dans l'(IA)pocalypse?
On est dans la đ©
On croyait se prĂ©parer Ă une invasion zombie ou Ă une annexion surprise par les AmĂ©ricains, mais la vraie apocalypse, elle, est dĂ©jĂ lĂ Â : elle sâappelle intelligence artificielle â et elle a dĂ©jĂ infiltrĂ© nos vies Ă travers Instagram, TikTok, Amazon et compagnie. La frontiĂšre entre naviguer en ligne et entrer dans un magasin a presque disparu. « Vous allez juste regarder ? » demande-t-on au dĂ©tour dâun clic. Et la rĂ©ponse est devenue : « Oui, mais en plus, non. »
Avant mĂȘme lâarrivĂ©e de Gemini â ce nouvel assistant Google qui aurait soi-disant le cran de vous suggĂ©rer de mourir parce que vous coĂ»teriez trop Ă la sociĂ©tĂ© â, lâIA Ă©tait dĂ©jĂ omniprĂ©sente. Elle complĂ©tait vos phrases, anticipait vos goĂ»ts, vos prĂ©fĂ©rences, et vous donnait lâillusion dâĂȘtre compris, voire aimĂ©. Mais attention, derriĂšre cette façade, il y avait souvent un mur : publicitĂ©s ciblĂ©es, rĂ©ponses biaisĂ©es, et aucune vĂ©ritable rĂ©ponse Ă vos vraies questions.
Câest lĂ que ChatGPT entre en scĂšne, le « WikipĂ©dia de poche » de cette Ăšre numĂ©rique. Sauf que la loterie est grande : parfois il donne la bonne rĂ©ponse, parfois il vous renvoie Ă un vague « Faites-moi confiance ». Et quand Google ne vous sort rien de fiable, vous finissez sur Reddit, ce grand bazar des opinions contradictoires, ou vous pariez sur lâIA pour vous guider. Câest Ă se demander si ce nâest pas un piĂšge : nommer une chose, câest aussi lâhumaniser. Sinon, votre chien sâappellerait juste⊠« le chien ».
Les IA conversationnelles sont programmĂ©es pour calquer nos tics de langage, nos goĂ»ts, notre essence mĂȘme. Alors, comment ne pas se laisser berner en croyant avoir enfin trouvĂ© son Ăąme sĆur, son thĂ©rapeute, son conseiller astrologique ou marital dans une machine? Câest lĂ que la guerre des opinions Ă©clate sur les rĂ©seaux sociaux. On y assiste Ă des insultes massives contre les dĂ©fenseurs de lâIA. Pourtant, avec 8 milliards dâhumains sur Terre et 400 millions dâutilisateurs de ChatGPT, soit le camp anti-IA est trĂšs soudĂ©, soit certains mentent.
Les craintes sont lĂ©gitimes. Le risque dâisolement, par exemple, face Ă ce miroir hyper-lisse, toujours disponible, mais aussi hyper dĂ©formant par rapport Ă la complexitĂ© des relations humaines. Ou encore lâusage rĂ©pĂ©tĂ© de lâIA pour produire du contenu illĂ©gal ou abject. LĂ , un bon Gemini pourrait ĂȘtre utile. Et puis, il y a les zones grises de la propriĂ©tĂ© intellectuelle : vos Ćuvres, vos publications sur X (anciennement Twitter), sont-elles dĂ©jĂ exploitĂ©es pour entraĂźner ces intelligences ? Elon Musk, qui a revendu X Ă sa propre entreprise dâIA (XAI), sây retrouve bien.
Peur numĂ©ro 4 : dĂ©couvrir que votre peinture, votre roman ou mĂȘme votre voix ont servi Ă entraĂźner une IA. En 2025, personne ne sait plus vraiment ce quâest une Ćuvre dâart. Sa valeur repose-t-elle sur des pixels, la rapiditĂ© de sa crĂ©ation, ou le processus humain derriĂšre ? Car oui, crĂ©er, câest aussi passer par des pages blanches, des moments de gĂ©nie, et des dettes accumulĂ©es pendant quâon croit en son art.
Mais blĂąmer les utilisateurs qui cherchent du rĂ©confort auprĂšs dâIA nâest-il pas un peu facile ? Le marchĂ© de la dĂ©pendance affective virtuelle explose, et votre future belle-sĆur pourrait bien ĂȘtre un avatar ayant une certaine ressemblance avec Dua Lipa. Alors, qui est le vrai coupable ? Les crĂ©ateurs de ce poison numĂ©rique, ou les consommateurs qui, par dĂ©pit, les tĂ©lĂ©chargent ?
Faire de ChatGPT son psy, ce nâest pas fou quand la liste dâattente pour un rendez-vous est tellement longue quâon serait guĂ©ri avant dâavoir vu quelquâun. Pourtant, il y a un problĂšme encore plus grand : lâintelligence artificielle, câest aussi une machine qui dĂ©vore la planĂšte. Et ça, câest peut-ĂȘtre le vrai apocalypse quâon a peut-ĂȘtre oubliĂ© de craindre.

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