Reportage
Pourquoi la Gen Z est obsédée par Love Island?
Pourquoi la Gen Z est obsédée par Love Island?
Derrière les bikinis et les frenchs stratégiques, que dit l’émission sur notre époque et notre besoin collectif de se connecter?
Love Island, c’est l’ultime plaisir coupable de la nouvelle génération.
Des célibataires enfermés dans une villa de rêve, des défis un peu gênants, des rapprochements obligatoires, des éliminations cruelles… Et pourtant, l’émission séduit comme jamais. Des watch parties à Montréal jusqu’aux discussions animées sur TikTok, l’engouement dépasse le cadre du simple divertissement. Pourquoi? Parce que Love Island, c’est bien plus qu’un prétexte pour voir des abdos bronzés se cruiser.
Un événement social (et collectif) avant tout
Derrière son vernis glam, Love Island est devenu un véritable espace de vie sociale. Comme le résume une fan rencontrée à un watch party au Dix30 à Brossard : « Les gars ont les événements sportifs, nous, on a ça. » Ces rendez-vous autour de l’émission créent une véritable dynamique de sororité. À travers les épisodes, les rebondissements et les conflits, les discussions s’intensifient : qui aurait dû embrasser qui? Est-ce que tel participant a été injustement présenté à cause du montage?
C’est cette dimension interactive qui attire. On ne regarde pas Love Island seul.e ; on le vit, on l’analyse, on le commente. Comme le mentionne une ancienne candidate de télé-réalité, « ce n’est pas que regarder, c’est en parler avec les autres, réfléchir à nos propres relations en se basant sur celles qu’on voit à l’écran ».
Un paradoxe générationnel assumé
Love Island attire une génération qui se dit à la fois féministe, inclusive, militante… et pourtant très branchée sur une émission où l’hypersexualisation, les standards de beauté irréalistes et l’hétéronormativité restreignent la diversité. Est-ce contradictoire? Peut-être. Mais c’est aussi représentatif d’une jeunesse consciente, capable de faire la part des choses.
« Il y a quelque chose dans les extrêmes qui finit par se rejoindre », avance une intervenante. Être capable de critiquer tout en consommant, d’aimer et de remettre en question, voilà peut-être le vrai reflet de notre époque.
Et oui, ça fait du bien aussi de déconnecter. Love Island offre ce petit moment d’évasion où l’on peut se projeter dans un monde coloré, superficiel et prévisible. « C’est comme regarder des gens vivre plus de drames que toi », note une fan. Une vraie soupape mentale.
Pourquoi ça fonctionne ailleurs, mais pas ici?
Malgré l’amour porté à la version américaine, la version québécoise — L’île de l’amour — a eu du mal à s’imposer. Pourquoi? Parce que les codes culturels ne traversent pas si facilement les frontières. Au Québec, le malaise s’installe rapidement face à certaines mécaniques de l’émission : sexualisation des participants, défis déplacés…
Un mémoire de maîtrise consacrée à ce sujet attribue l’échec partiel de L’île de l’amour à un timing culturel difficile : contexte post-#MeToo, débats sur la grossophobie, recherche d’authenticité. Bref, une société qui n’était pas prête à accueillir ce genre de format sans un peu plus de nuance.
Cela dit, la version américaine agit ici comme une forme d’exotisme divertissant. C’est « assez loin » pour qu’on puisse en rire, débattre, s’y projeter sans se sentir directement concerné. En résumé : « On est fasciné par les Américains, mais on ne veut pas leur ressembler. »
Entre fiction et miroir
Alors, pourquoi Love Island plaît-il autant, même auprès de personnes critiques et militantes? Parce que l’émission nous tend un miroir déformant mais révélateur. On y explore les relations humaines, les stratégies de séduction, les dynamiques de groupe. On y retrouve des modèles qu’on commente, qu’on rejette ou qu’on idéalise. Et surtout, parce qu’on regarde ensemble — et qu’on en parle.
En bout de ligne, Love Island, c’est peut-être l’exemple parfait de ce que notre génération fait de mieux : déconstruire, s’interroger, mais aussi s’abandonner, le temps d’un épisode, à un monde trop parfait pour être vrai… mais assez imparfait pour nous interpeller.
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