Non, l’autisme n’est PAS une excuse!
Et dire que l’autisme commençait tout juste à bénéficier d’une bonne street crédibilité.
Naïfs, nous croyions fini le temps des blagues stigmatisantes, où cette condition neurologique était lancée comme une insulte désinvolte en fin de phrase pour qualifier un comportement qu’un regard extérieur considérait « bizarre ».
Les mentalités semblaient avoir changé, être sur le spectre ne correspondant désormais à aucune autre réalité que celle purement neutre, clinique et neurologique. Revenir au sens neutre du mot permettait également à toute personne sur le spectre de ne plus avoir à enjamber les préjugés du passé et d’avoir droit à vie de normalité, voire même d’avantage, certaines formes d’autisme étant perçues comme atouts dans certaines branches professionnelles.
Jusqu’à ce que le rappeur controversé Kanye « Ye » West et son commerce de t-shirts ornés de svastikas nazis arrivent, semant une confusion aussi inutile que nocive sur leur chemin.
Car, peu après s’être lancé dans un entrepreneuriat aux saveurs du Troisième Reich – le tout accompagné d’une campagne promotionnelle aux mêmes arômes –, Ye West a confié en entrevue qu’il serait sur le spectre.
Un diagnostic qui, selon lui, viendrait rectifier celui bipolaire que l’artiste avait annoncé en 2018, dans la foulée de la sortie de son album Ye dont la pochette était sertie de l’inscription « I hate being bipolar, it’s awesome » (« Je déteste être bipolaire, c’est génial »).
« Je suis allé chez ce médecin… Ma femme m’a emmené faire [ce diagnostic] parce qu’elle a dit : “Il y a quelque chose dans ta personnalité qui ne donne pas l’impression d’être bipolaire, j’ai déjà vu des cas bipolaires “ », expliquait-il ce mois-ci au micro du podcast The Download.
Et les ennuis commencent non pas au moment de l’énoncé de ce diagnostic, mais dans le rôle de bouclier déresponsabilisant derrière lequel le rappeur semble se cacher.
« Quand les gens vous disent de ne pas faire [un acte], vous vous concentrez simplement sur ce point », poursuit-il sur cette même plateforme.
L’insinuation ici serait donc que l’autisme le rendrait contrarien par nature, au point d’adopter des comportements extrêmes et contradictoires, allant de l’adhésion à des idéologies antisémites et xénophobes à la commercialisation de produits controversés.
De la bouche d’une figure possédant une si grande plateforme, ces déclarations ont un potentiel nocif non négligeable.
D’une part, elles créent un précédent inquiétant pour quiconque serait en recherche d’une carte joker irrévocable pour éponger un acte répréhensible tout en minimisant ses conséquences. Et si suffisamment de gens le font, cela ne peut que créer une fausse équation entre autisme et comportements inacceptables.
Ce qui ouvre la porte à une instrumentalisation absurde, inquiétante et systématique de la santé mentale. Car, si l’autisme est maintenant synonyme de nazisme, quel sera le prochain lien réducteur à inventer? Le TDAH pour excuser une mentalité misogyne? La dépression pour expliquer une campagne de cyberharcèlement?
Ces nouveaux raccourcis erronés risquent également d’avoir des effets catastrophiques sur la perception générale de l’autisme, provoquant un recul des avancées en matière d’inclusion sociale que ressentiront toutes les personnes sur le spectre – y compris Ye West, ironiquement.
Car si les mots cessent d’avoir un sens, c’est la société au sens large qui y perd, même ceux qui pensaient tirer leur épingle du jeu.