Témoignage
Mon père est gay
Grandir avec un père homosexuel : histoires et réflexions
Grandir avec un père homosexuel a façonné leurs histoires, leurs relations et leur vision de la famille.
Ils ont grandi dans des familles où l’un des parents, souvent le père, a révélé son homosexualité après des années de mariage et parfois après avoir fondé une famille. Entre questionnements, tabous et acceptation, des adultes partagent leur histoire sans filtre.
Quand un parent fait son coming out après une séparation, les enfants héritent d’un bagage émotionnel complexe. À travers des témoignages aussi sensibles que lucides, on découvre l’impact discret, mais profond de ces révélations sur l’identité, les relations amoureuses et le rapport à la norme.
Une annonce marquante, encaissée à des âges différents
Le moment où un parent annonce son homosexualité reste souvent gravé dans la mémoire. Pour certains, comme cette jeune femme qui avait neuf ans à l’époque, le déclic est immédiat : « Ta maman et moi, on se sépare », avait dit le père, et elle avait aussitôt compris : « Il est gay. » Un réflexe d’intuition, presque une évidence.
D’autres ont grandi dans une forme d’ambiguïté, entre silences et demi-vérités. Une autre raconte que, jusqu’à ce que les amis fassent remarquer que le « coloc » de son père semblait bien être son partenaire, elle ne s’était jamais posé la question. L’homosexualité du père était alors un secret à peine voilé. Tout dépendait de l’âge, du contexte, mais aussi… du courage nécessaire pour nommer les choses.
Des impacts invisibles, mais réels sur la construction de soi
Ces confidences révèlent un double effet. D’un côté, l’environnement familial contribue à une ouverture d’esprit, une forme de normalité intégrée très tôt : « Pour moi, ça n’a pas été un flip, ça a juste été comme de la normalité. »
Mais chez d’autres, l’héritage est plus subtil. Certains ont développé des blocages affectifs, associant inconsciemment sensibilité masculine et homosexualité, comme si aimer un homme trop émotif rappelait trop le père absent ou différent.
À l’inverse, une participante confesse que l’homosexualité de son père a freiné son propre coming out lesbien. À l’adolescence, les jugements lourds comme « ton père est gay, tu vas certainement l’être aussi » ont semé le doute : « Je me disais, c’est dans ma tête à cause d’eux. » Comme si le regard social l’emportait sur le cheminement personnel.
Dire ou ne pas dire : le flou entre fierté et prudence
Autre enjeu abordé avec franchise : parler – ou pas – de l’homosexualité de son parent. Pour plusieurs, ce n’était pas un tabou, mais ce n’était pas non plus un détail qu’on crie sur tous les toits. « Mon père m’avait dit : vous n’avez pas à être gêné, mais vous n’êtes pas obligés d’en parler », relate un des participants.
Certains ne l’ont dit qu’à leurs amis proches, d’autres l’ont gardé pour eux, par simple réflexe de protection. Non pas de la honte, mais parce que pourquoi s’exposer si l’information pouvait déclencher des réactions homophobes ?
Des questions sans réponses… et une grande tendresse
Ce qui émerge en filigrane de ces récits, au-delà des anecdotes, c’est une immense tendresse pour leurs pères. Mais aussi une série de questions en suspens : « Est-ce qu’il regrette de ne pas avoir vécu sa vérité plus tôt ? », « Aurait-il été plus libre à Montréal qu’au Saguenay ? »
Ces enfants devenus adultes savent que sans le parcours de leurs pères, même semé de silence ou d’autocensure, ils ne seraient pas là. Et que tout ne se règle pas en une discussion. Parfois, comme le dit l’une d’entre elles, « il y a des questions qu’il faut laisser sans réponse. C’est juste comme ça ».
Dans une époque où les définitions de la famille évoluent, ces témoignages rappellent qu’aimer, c’est aussi apprendre à vivre avec les contradictions de ceux qu’on aime. Et que, parfois, il faut simplement accepter que tout n’a pas besoin d’être défini pour être vécu.