Le journalisme n’est pas neutre, géolocaliser sa blonde et la neurodivergence au féminin avec Stéphanie Boulay

Gab, Instagram a récemment ajouté une nouvelle fonctionnalité qui permet de géolocaliser ses ami.e.s directement dans l’application. Pis ça m’a fait pensé au moment l’année passé, où ma blonde m’a demandé, si ça me tentait de lui partager ma localisation sur l’app Localiser sur mon iPhone. Sur le coup j’ai trouvé ça intense : était-elle contrôlante? Jalouse? Un an plus tard, je te confirme que c’était pas. Elle n’est qu’une Gen Z.

C’est de ça, dont j’avais envie de parler cette semaine : la géolocalisation de ses proches. Parce que pour les jeunes adultes, c’est pas une menace à la vie privée, c’est plus une façon de « je t’aime ».

C’est des « je t’aime » qui sont généralement basés sur deux types de motivations.

La première est plus « rationnelle ». C’est un peu : « je t’aime et je dépends de toi ». Les parents pis les partenaires amoureux vont surtout dire que se géolocaliser, c’est pratique et sécuritaire. Est-ce que ton chum qui s’en va chercher la petite à son cours de natation est pogné dans le traffic? Est-ce que ta blonde défoncée s’est rendue chez elle en sortant du bar? Bref, ça trahit un peu une époque où on optimise notre vie pour maximiser le rendement et minimiser l’incertitude.

Mais y’a aussi des motivations moins « rationnelles » – pis je trouve que c’est là que ça devient intéressant. Le monde, comme moi, qui ont la localisation de leur partenaire, de leur famille, et de certains de leurs ami.e.s vont vous le dire : étrangement, ça permet de se sentir connectés sans même se parler, comme si on exerçait une espèce de veille passive sur ses proches. Y’a des moments où je regarde ma carte et que je me dis : « Aw. Voici mes Sims. Ils sont à ces endroits. Je les aime tellement. J’pense qu’ils s’amusent et ça me fait plaisir. »

Pis c’est peut-être ça qui fait, qu’indirectement, ça peut devenir une façon de hiérarchiser ses relations. Qui fait la cut pour la géolocalisation? Cet accès privilégié? Et surtout qui la fait, pas, et pourquoi?

Quand j’étudiais au Cégep en cinéma et communications, j’avais un cours de médias (je ne me rappelle plus du nom exact). Mon prof avait fait un exercice avec nous qui m’avait vraiment marquée. Il avait amené les copies papier de La Presse, Le Devoir et du Journal de Montréal et il nous avait dit : « ce que vous voyez sur la une, c’est la nouvelle la plus importante selon les gens qui travaillent là-bas ».

Même moi, qui est une nepo baby du journalisme et qui connaît bien le domaine, je n’avais jamais vraiment réfléchi à cette notion-là : la Une est un choix. Depuis, j’ai quand même cheminé dans ma réflexion, et ce week-end, je suis tombée sur un passage intéressant dans l’essai Résister de Salomé Saqué, qui est elle-même journaliste.

Son take, c’est que la neutralité journalistique n’existe pas. On imagine parfois les journalistes comme des chasseurs de faits qui ont comme un espèce de voile magique entre leurs opinions et leurs textes.

Mais être journaliste, ou même travailler dans un média, c’est passer sa journée à faire des choix : d’un sujet, d’un angle, d’un-e expert-e, d’un titre d’article, d’organisation de l’info dans le texte, name it. Et ces choix-là, ils sont, qu’on le veuille ou non, teintés de nos biais, de nos opinions personnelles et de ce qu’on juge important, ou pas.

Parce que plus important encore que les choses qu’on décide de montrer, je pense qu’il faut aussi considérer les choses qu’on décide de retirer d’un texte ou d’un reportage, les éléments qu’on juge pas importants. Les infolettres que vous recevez, les unes de journaux que vous regardez, tout ça est le résultat de choix – que je ne juge pas ici –, des décisions prises par des gens qui hiérarchisent l’info pour vous.

Si vous trouvez que vous entendez beaucoup parler du pape, c’est que des gens pensent que c’est une information importante pour le public. Et si vous n’entendez pas beaucoup parler de la grève des CPE, c’est parce que des gens ont décidé que c’était important, mais pas tant que ça.

Je ne veux pas sonner complotiste, rassure-toi, mais je finirais quand même avec un conseil qu’un journaliste d’expérience qui pourrait ou pas être lié de sang à moi m’a déjà dit : tu ne peux pas dire ce que tu veux dans ton article, mais tu peux trouver un expert qui va le faire pour toi.

Comment géolocaliser ses amis est devenu un hobby : https://www.wbur.org/endlessthread/2025/04/25/find-my-friends

Le livre « Résister » de Salomé Saqué : https://www.leslibraires.ca/livres/resister-salome-saque-9782228937597.html?srsltid=AfmBOoodX7-MormN0l3BqXItvl6y7IOKouKtUK-Ge3sxGlCf4_xTEwe9

Avoir peur d’être enceinte et infertile : https://www.instagram.com/p/DImZmdsBUqw/

L’émission Flash Débat : https://www.instagram.com/reel/DIyhZfusogp/?igsh=ZnZ4d2xlNnk4dW45