Entrevue
La doyenne des mairesses tire sa révérence
Rencontre avec Françoise Bouchard
À 85 ans, Françoise Bouchard s’apprête à refermer un chapitre marquant de l’histoire de Dixville, petite municipalité des Cantons-de-l’Est nichée entre collines et érables. Mairesse depuis deux mandats, mais surtout figure incontournable de l’administration municipale depuis plus de quarante ans, elle laisse derrière elle un héritage aussi solide que discret. Et quand on lui demande si elle souhaite qu’on baptise une salle à son nom, elle rit : « Faudra que j’attende de mourir, on n’a pas le droit de nommer des édifices pour des gens vivants. »
Avec son franc-parler et son humour bienveillant, madame Bouchard incarne à la fois la rigueur et la chaleur humaine des élues de terrain. Entrée en politique au début des années 1980, elle a d’abord été conseillère, puis directrice générale avant de devenir la première femme à occuper la mairie de Dixville. « Dans ce temps-là, c’était pas bien vu qu’une femme fasse de la politique », se rappelle-t-elle. Mais la détermination l’a emporté sur les préjugés, et elle a su se tailler une place respectée dans un milieu d’hommes.
Une pionnière en politique municipale
À travers les décennies, Françoise Bouchard a vu le village se transformer, les générations défiler et les enjeux évoluer. Aujourd’hui, elle observe avec fierté que deux femmes lui succèdent déjà comme conseillères, élues par acclamation. « J’étais souvent la seule femme autour de la table, alors ça fait plaisir de voir ça », dit-elle avec douceur.
Sa longévité politique témoigne d’une constance rare. « Si les gens n’avaient pas été contents, ils ne m’auraient pas gardée si longtemps », lance-t-elle avec un clin d’œil. Derrière cette humilité, on devine une gestion patiente, proche du monde et tournée vers l’essentiel : maintenir la qualité de vie, encourager les loisirs et préserver l’esprit de communauté.
Une mairesse aimée de sa population
Dans les rues tranquilles de Dixville, tout le monde connaît madame Bouchard. Les témoignages s’enchaînent : « Elle a toujours été présente aux activités », raconte un citoyen. « Elle écoutait nos idées, même les plus folles », ajoute Denis Molleur, membre du comité des loisirs. D’autres soulignent son implication auprès des jeunes, les événements qu’elle a encouragés, et même la construction d’une pump track pour les élèves.
Dixville, c’est un village de 700 habitant.e.s où la proximité n’est pas qu’un mot. Les gens se croisent, se parlent, s’entraident. Et tous s’accordent sur une chose : Françoise Bouchard a su garder ce tissu social vivant, tissant des liens entre générations avec une bienveillance sans éclat, mais constante.
La fin d’une ère, le début d’une autre
Alors qu’elle s’apprête à profiter d’une retraite bien méritée, la doyenne des mairesses du Québec regarde son parcours sans nostalgie. « Mon devoir est accompli. Je pars sereine », dit-elle, simplement. De son bureau à la salle du conseil, elle a vu grandir un village qu’elle décrit comme un « joyau serti dans un écrin de verdure ».
Dans quelques années, peut-être, une salle portera son nom. Mais pour l’instant, c’est dans le cœur des gens de Dixville que son souvenir continuera de résonner. Parce qu’une vie entière consacrée à sa communauté, ça vaut bien tous les honneurs officiels.

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