Saison 03 - Ép. 07
Balado URBANIA
Être gênée d’avoir un chum, le goth-pop baroque et l’envers de l’industrie cosmétique
Aujourd’hui, on parle de musique classique ! Suis-je en train de devenir Julia Pagé ? Julia, call me. Plus précisément, on s’intéresse à l’incursion de la musique classique dans le nouveau single de Rosalia et pourquoi ça divise le monde de la musique.
Rosalia est une artiste-compositrice, productrice et chanteuse pop originaire de la Catalogne que vous connaissez sûrement pour ses hits Motomami ou Con Altura, ou encore ses collaborations avec les artistes Travis Scott, Billie Eilish ou The Weeknd. Elle est reconnue pour sa manière de faire de la cuisine fusion avec les styles musicaux, comme le reggaeton, le jazz et le flamenco.
Rosalía a étudié au Catalonia College of Music, où elle s’est spécialisée dans le chant flamenco. L’album qui l’a fait connaître à l’international, c’est El Mal Querer (paru en 2018), et qui était en fait un projet de recherche-création dans le cadre de ses études. L’album concept est inspiré d’un roman anonyme du XIIIᵉ siècle, qui raconte l’histoire d’une femme enfermée par son mari jaloux, et mélange la tradition du flamenco avec du R&B, du hip-hop et de l’électro.
Tout ça a un lien parce que cette semaine, Rosalia a fait paraître le premier single de son prochain album très attendu, Lux. La chanson s’intitule Berghain et depuis sa sortie, elle DIVISE le monde de la musique. Le morceau intègre de l’orchestration symphonique et des éléments lyriques de type « opéra » (la nuance est importante ici).
Elle a été enregistrée avec le London Symphony Orchestra, mais y’a aussi un featuring de Björk et un passage parlé de l’artiste expérimental américain Yves Tumor. Oui, ça va un peu dans tous les sens.
Rosalia opère ici ce que des experts appellent du « classical crossover » (croisement classique/populaire), donc quand des musiciens classiques adaptent des formes populaires ou quand des artistes pop incorporent des éléments classiques.
J’ai lu des descriptions pas de bon sens pour 3 minutes de toune, comme « goth-pop baroque » ou « opéra expérimental ». et voilà où les critiques se chicanent : certains pensent que la chanson ne « remplit pas les critères traditionnels » de l ’opéra classique et ne pourra jamais en être un parce que c’est un format pop et court.
Y’a même des critiques qui ont parlé de « kitsch » et d’utilisation de l’orchestre pour faire un shortcut émotionnel. De manière générale, les dissidents du classical crossover trouvent que c’est un « affaiblissement artistique », un terme que, même moi, je trouve snob.
Je pense que c’est important de se rappeler que la musique classique traditionnelle (orchestres, opéras, récitals) est en déclin, surtout auprès des jeunes publics.
Faut pas oublier non plus que Rosalia a une formation en chant classique, et une méchante bonne base de connaissances en histoire de la musique. Tout le monde mentionne le fait que l’arrangement orchestral dans Berghain rappelle Vivaldi, Bach et le baroque italien et le fait qu’elle chante en allemand, qui n’est évidemment pas sa langue maternelle, est un beau clin d’oeil aux codes du monde de l’opéra, où les gens chantent dans plusieurs langues.
La musique pop peut tout être, pas juste Sabrina Carpenter. Berghain questionne surtout la porosité et la pureté des catégories musicales, mais elle mélange surtout deux univers qui se côtoient assez peu, sauf dans les soirées OSM + Les Trois Accords : le classique et la pop.

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