Saison 03 - Ép. 06
Balado URBANIA
Confronter sa famille, le gatekeeping dans les musées et le sexisme en sommellerie
J’ai moins de jokes cette semaine, mais je pense que ça va être intéressant pareil.
Tu as probablement entendu parler de l’exposition « Kent Monkman : L’Histoire est dépeinte par les vainqueurs », qui est actuellement présentée au Musée des Beaux-Arts de Montréal. Kent Monkman est un artiste autochtone membre de la nation crie de Fisher River.
Je résume son travail rapido pour les gens qui ne connaissent pas : il reprend les codes de la peinture d’histoire européenne pour renverser le narratif colonial. Donc il place des personnages autochtones, dont son alter ego queer Miss Chief Eagle Testickle, au centre des récits de ses toiles. En même temps, il va aborder des thématiques importantes pour les peuples autochtones canadiens comme les traumatismes intergénérationnels, la colonisation, l’effacement culturel, la protection de l’environnement et les pensionnats.
L’oeuvre de Kent Monkman est super intéressante pour plusieurs raisons. D’abord, pour la référence aux enjeux autochtones actuels, dont on entend souvent parler dans les médias, mais rarement à partir du point de vue autochtone. L’exposition fait d’ailleurs une super job de vulgarisation de ces enjeux-là à travers les textes qui accompagnent l’expo.
Mais un autre des points forts des toiles de l’artiste, c’est la critique sociale passée à travers l’humour. Et l’humour, ça passe souvent par les référents. Dans les oeuvres de Monkman, y’a des référents au pied carré. D’abord, Monkman s’inspire de la grande peinture d’histoire européenne et des paysages romantiques de la conquête nord-américaine. Il reprend toute la technique : les compositions, la lumière, les poses, les symboles, et il inverse les rôles en mettant les autochtones dans la posture des héros et les colons dans le rôle des figurants un peu nonos.
Là je vous fais un petit audioguide de l’expo, mais je vous en parle surtout parce qu’au musée, on ne nous parle pas beaucoup de ces référents-là, et je pense que c’est une clé importante pour comprendre l’importance de l’oeuvre de Monkman, mais aussi de l’expo. Si on n’a pas de bagage en histoire de l’art, on ne comprend pas toutes les jokes. Il y a aussi plusieurs clins d’œil à des toiles classiques. On comprend de quoi l’artiste parle et les thématiques nous touchent, oui, mais pas toujours à quoi il répond.
J’ai deux questions ici :
Est-ce que c’est la job du musée de nous donner toutes les clés de compréhension des oeuvres ? Et si non, est-ce que c’est grave si on ne les comprend pas ?
Je suis allée à la recherche de sources pour pousser ma réflexion et j’ai trouvé une étude japonaise super intéressante qui s’est intéressée à la manière dont les visiteurs d’un musée reconnaissent et interprètent les contenus qui leurs sont présentés. Puis leur constat c’est que, évidemment, on aborde pas tous les expos de la même manière selon nos compétences antérieures, incluant notre bagage culturel. DONC si on ne possède pas tous les codes pour comprendre une œuvre ou une expo complète, rester sur une réception plus superficielle de ce qui est présenté.
Donc l’exposition de Kent Monkman qui fait beaucoup de renvois à l’histoire de l’art devrait idéalement proposer plusieurs modalités de médiation : images de référence (œuvres classiques), pistes visuelles, textes explicatifs, audioguides, etc., pour compenser le manque de codes chez certains visiteurs. L’exposition pourrait (et devrait) contextualiser davantage, ou offrir plusieurs “entrées” pour répondre aux styles cognitifs variés.

.png)