Balado URBANIA
Écrire de l’horreur sans être torturé avec Patrick Senécal
Écrire de l’horreur sans être torturé avec Patrick Senécal
Les grandes entrevues d'Hugo Meunier
Cette semaine, Hugo Meunier reçoit son ami et complice Patrick Sénécal, auteur à succès et maître du suspense québécois. Une discussion drôle, sincère et sans filtre sur l’écriture, les débuts parfois maladroits, les romans cultes, la fierté de Drummondville, la censure, la littérature jeunesse et son prochain roman intrigant : Le M Club.
Des débuts modestes à son regard sur la littérature contemporaine, en passant par son amour du cinéma, Senécal nous plonge dans son univers, où horreur et humour cohabitent avec une réflexion aiguisée sur la création artistique.
Un début modeste pour une ascension graduelle
Patrick Senécal n’a pas connu le succès instantané. « Mon premier roman a reçu de bonnes critiques et vendu correctement, mais jamais assez pour en vivre », confie-t-il. Établir une carrière littéraire lui a demandé de la patience, une qualité qui lui a permis de surmonter les défis. Enseignant en littérature et en cinéma au cégep pendant treize ans, Senécal ne regrette pas cette période marquante. « Ce qui tue les profs, ce sont les corrections, pas l’enseignement », plaisante-t-il, tout en avouant que ce travail a renforcé sa passion pour la transmission des idées.
À l’opposé du succès écrasant dès le premier roman – une situation qu’il qualifie de « dangereuse » pour la créativité –, Senécal évoque l’importance de bâtir lentement sa carrière pour ne rien prendre pour acquis. « La gradation m’a montré qu’il faut toujours travailler fort et innover », dit-il.
L’écriture : entre codes et liberté
Patrick Senécal se définit comme un auteur de genre, mais refuse qu’on réduise ses œuvres à de simples reproductions de codes. « Ce qui m’intéresse, c’est de raconter une histoire, mais en essayant de déjouer les clichés propres au genre », affirme-t-il. Pourtant, il reconnaît que des schémas stéréotypés existent dans tous les types d’écriture, qu’il s’agisse du thriller ou de l’autofiction, très en vogue ces dernières années. « Tout le monde pense que sa vie mérite un livre, mais ce n’est pas toujours vrai », lance-t-il avec ironie.
Pour Senécal, l’autofiction illustre bien notre époque marquée par le narcissisme, mais il refuse de tomber dans une posture opposée. Il célèbre les styles qui ne sont pas les siens et admire les écrivains capables de naviguer dans d’autres registres. « Une plume comme celle de Fanie Demeule, c’est quelque chose que je suis incapable de reproduire, et c’est justement pour ça que je suis admiratif », confie-t-il.
Littérature et société : un espace de liberté
Patrick Senécal observe également l’évolution des sensibilités dans le monde de l’édition. Si certaines œuvres artistiques (cinéma, télévision) semblent parfois limitées par des peurs ou des codes sociétaux stricts, la littérature reste un espace encore relativement libre. Toutefois, il reconnaît que cette liberté peut, elle aussi, s’effriter. « Certains éditeurs deviennent frileux, c’est vrai, mais je ne me sens pas menacé en tant qu’écrivain », assure-t-il.
Loin de renier les débats actuels sur des sujets sensibles, Senécal milite pour un équilibre. « Être woke n’est pas une insulte, mais on ne peut vivre éternellement dans la peur d’être mal compris ou jugé », explique-t-il. S’il reste optimiste, il attire l’attention sur la nécessité de nuancer plutôt que de polariser.
Rester fidèle à soi-même
En près de trente ans de carrière, Patrick Senécal a su conserver une approche authentique de son art, tout en s’adaptant. « J’essaie de me renouveler, de proposer de nouvelles histoires. Je pourrais écrire uniquement pour mes fans, mais je préfère écrire d’abord ce que je veux lire », confie-t-il. Toutefois, il reste lucide : « Le jour où je vendrai moins, peut-être que la tentation de revenir sur des codes plus populaires se fera sentir. »
Ainsi, Patrick Senécal continue de naviguer avec agilité entre ses racines littéraires et l’évolution du paysage culturel. En offrant des œuvres captivantes et des réflexions sur son métier, il demeure un acteur clé de la littérature québécoise… et un saltimbanque des idées, comme il se décrit lui-même.
Un auteur passionné et réfléchi
Patrick Senécal nous montre qu’écrire, c’est bien plus qu’une affaire de mots. C’est un échange constant avec soi-même, ses lecteurs et le monde. Son humour, son sens de l’autodérision et son regard critique enrichissent une carrière déjà impressionnante. Un exemple inspirant pour tout créateur ou amateur de littérature qui souhaite mieux comprendre ce qu’il y a derrière les pages d’un livre.
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